Économie et Finances — BoM : entre l’économie d’un vaudeville et le trou de Rs 25 Mds de la MIC

  Gérard Sanspeur, récusant la thèse des Marching Orders du PM, revient à la charge contre Rama Sithanen au sujet de la Pulse Analytics Liaison

Le début de la semaine aura marqué le neuvième mois de la nomination par le président de la République, Dharam Gokhool, sur recommandations du Premier ministre, Navin Ramgoolam, de Gérard Sanspeur en tant que Second Deputy Governor, dont le passage aux côtés de l’ancien chef du gouvernement, Pravind Jugnauth, avait connu des épisodes à rebondissements. Et ces neuf mois, marqués par un vaudeville, avec pour principaux protagonistes le même Sanspeur et également le gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen, et en toile de fond la Bank of Mauritius Tower, a accouché des marching orders du chef du gouvernement à son encore en vue d’évacuer les locaux de la Banque centrale à 10h07. Loin de mettre un bémol à ces enfantillages à un tel sommet de l’establishment du monde de la finance ayant empoisonné l’atmosphère d’une institution en quête de rédemption sur le front d’intégrité et de bonne gouvernance, le dénouement de vendredi a donné lieu à des règlements de compte à peine voilés et personnels sur la place publique. Mais des observateurs politiques et financiers avertis affirment que, très rapidement, le trou de Rs 25 milliards dans les comptes de la Mauritius Investment Corporation Limited au bénéfice d’Airports Holding Limited (AHL) pour tirer la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, sous administration de l’époque de Sattar Hajee Abdoula, devra peser de tout son poids dans les comptes de la Banque de Maurice pour l’exercice financier se terminant au 30 juin dernier. Ainsi, déplacer le fond des débats.

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Un autre boulet que traîne la Banque de Maurice depuis le précédent gouvernement Jugnauth est le scandale de la Silver Bank. À ce jour, les efforts déployés au plus haut niveau de la Bank of Mauritius Tower en vue de retrouver un repreneur pour cette banque n’auront pas donné les effets escomptés.

Le risque potentiel d’avoir à laisser cette banque aller à la fermeture se fait de plus en plus sentir et cette première dans les annales bancaires à Maurice pourrait coûter extrêmement cher dans le Goodwill Balance Sheet de la Banque centrale. Toutefois, jusqu’ici, très peu d’informations ont filtré en ce qui concerne les prochaines étapes vu que le dossier, avec sa traînée de fraudes, ne date pas d’hier. Autant de problèmes fondamentaux à la Banque centrale susceptibles de faire taire les ego extrêmement puissants de part et d’autre.

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Un troisième dossier que la Banque de Maurice post-Sanspeur se situe sur le plan purement interne, à savoir la sortie de la crise au niveau des relations industrielles provoquée par l’interdiction du président de la Bank of Mauritius Employees Union, Chidanand Rughoobur, inculpé provisoirement par la police pour le délit de rogue and vagabond. Profitant d‘une médiation au ministère du Travail et des Relations industrielles, vendredi, le ministre de tutelle, Reza Uteem, a proposé à la direction de la Banque centrale de revoir la sanction imposée au président du syndicat, le temps que les autorités, policières et judiciaires, ne décident de la marche à suivre.

Calmer le jeu

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Cette échéance devra intervenir jeudi, soit une première étape en vue de calmer le jeu en termes de relations industrielles à la Bank of Mauritius Tower, alors que d’autres enjeux externes s’avèrent être plus cruciaux et avec une portée plus que nationale.

Ainsi, dans l’immédiat, la principale préoccupation demeure l’urgence intégrer la catastrophe de créances douteuses, pour ne pas dire de Toxic Loan de Rs 25 milliards dans les livres de la Mauritius Investment Corporation Limited dans le bilan de la Banque de Maurice au 30 juin pour l’exercice financier 2024-25. Le fait incontournable demeure que ces facilités allouées à Airport Holdings Limited, avec pour excuse la pandémie de Covid-19, ne feront plus partie des Assets de la filiale de la Banque de Maurice, avec le War Chest initial de Rs 82 milliards.

Techniquement, dans les livres de la Mauritius Investment Corporation Limited, le montant devra être réduit à hauteur d’au moins Rs 57 milliards en éliminant les Rs 25 milliards engagées à fonds perdu dans Airport Holdings Limited. Mais qu’en est-il des répercussions de cette décision dans le bilan de la Banque Maurice, dont le capital est de Rs 10 milliards, après ce writing off obligatoire de Rs 25 milliards ? Les milieux autorisés avancent que des consultations ont été engagées à cet effet en vue d’élaborer une sortie de crise avec un minimum de casualties, notamment en procédant par étape.

Sous le tandem Padayachy-Seegoolam, la Mauritius Investment Corporation Limited avait été amenée à dish out les Rs 325 milliards à Airports Holding Limited sur la base d’une évaluation artificielle et comptable des avoirs de cette dernière entité à Rs 51 milliards. Sur la base de ces actifs artificiels, pour ne pas dire fictifs, la Mauritius Investment Corporation Limited a procédé au rachat de 49% du capital d’Airports Holdings Limited en mettant à la disposition de cette dernière une enveloppe de Rs 25 milliards, soit la plus conséquente tranche octroyée à la sortie de la pandémie en 2021.

Ainsi, de cette allocation de Rs 25 milliards, Rs 12 milliards avaient servi pour assurer la sortie de la compagnie aérienne nationale sous administration, avec Rs 9,5 milliards pour le règlement des créanciers, et Rs 2,5 milliards pour les besoins en fonds de roulement de la compagnie. À l’Assemblée nationale en avril dernier, le Premier ministre et Leader of the House, Navin Ramgoolam, avait annoncé que le cabinet d’experts-comptables, KPMG, avait été mandaté pour mener une enquête quant à l’utilisation de cette dernière tranche de Rs 2,5 milliards.

Toutefois, à ce jour, ni l’Hôtel du Gouvernement ni Air Mauritius, qui se veut être une championne de la com, ne sont venus de l’avant pour éclaircir l’opinion sur les zones d’ombre autour de ces Rs 2,5 milliards. Et le comble demeure que la Banque mondiale est venue jeter un pavé dans la mare en affirmant qu’en réalité que les Rs 25 milliards pour les 49% de la Mauritius Investment Corporation Limited au sein d’Airports Holding Limited ne valent que cinq fois moins, soit Rs 5 milliards.

Et cette bombe à retardement dans les comptes de la Banque centrale au 30 juin de cette année risque d’éclipser les velléités des chevaliers Sanspeur et Sansreproche du vaudeville de la Banque de Maurice…

Gérard Sanspeur joue la carte du procureur

Il se fait fort en brandissant l’enregistrement des échanges impliquant Rama Sithanen dans le scandale des Rs 45 M de Menlo Park Ltd de Stéphane/Queenie Adam

Quelques heures après avoir été éjecté du siège de Second Deputy Governor de la Banque de Maurice sur des directives sans appel du Premier ministre, Navin Ramgoolam, Gérard Sanspeur est entré dans la peau d’un procureur s’évertuant de faire le procès du gouverneur Rama Sithanen tout en insinuant l’ombre du fils de ce dernier dans certaines affaires. Mais sans jamais citer de nom. Par contre, pendant ces 90 minutes face à la presse au Labourdonnais, vendredi après-midi, il s’est fait fort de mentionner un enregistrement d’échanges avec la participation de Rama Sithanen dans l’affaire des Rs 45 millions détournées de la Mauritius Investment Corporation Limited au profit de Menlo Park Limited. « Si ce recording sort, Rama Sithanen devrait démissionner dans les heures qui suivent », menace-t-il.

Au sujet de son départ de la Bank of Mauritius Tower à peine neuf mois après sa nomination, Gérad Sanspeur dira : « Je ne suis ni accablé ni surpris et ni déçu. I am the happiest man on earth. » Il s’est cru permis d’avancer que « les articles de ce (vendredi) matin titraient que le Premier ministre avait tranché en faveur de Rama Sithanen. Ce n’est pas le cas », se félicite-t-il de ce qu’il qualifie de ses « très bonnes relations » avec Navin Ramgoolam. Faisant preuve de pitié par rapport à sa « position inconfortable », il ajoutera « quelle que soit sa décision, je ne lui en voudrais jamais. »

« Un arsenal
de harcèlement »

Gérard Sanspeur, qui fera état de ses relations cordiales avec Rama Sithanen jusqu’à un moment donné, se lancera ensuite dans une série d’allégations à l’encontre de ce dernier. « Soi-disant, on me reproche onze choses. Mais si on me reprochait, on avait qu’à venir me dire, j’aurais peut-être donné des explications. C’est cela la source du problème. Mais après, il y a beaucoup, beaucoup d’autres choses qui viennent se greffer dessus, qui font que nous sommes arrivés là où nous sommes. L’idée, c’était de me faire partir avec tout un arsenal de harcèlement qui se jouait pratiquement heure par heure », s’insurge-t-il en reprochant au gouverneur de la Banque centrale un déficit de communications.

L’ancien Second Deputy Governor de la Banque de Maurice avancera que la gestion de la Mauritius Investment Corporation Limited a été l’un des dossiers de discorde avec ce qu’il dénonce comme un manque de volonté de la part du gouverneur. « J’ai à maintes reprises dit au gouverneur qu’il faut absolument un exercice de deep forensic sur tout ce qui s’est passé. Il a tout le temps refusé. Le gouverneur a aussi refusé de faire un inventaire complet de notre patrimoine financier », trouve-t-il, tout en poursuivant que « donc, je vous donne tout cela pour vous dire un peu les sources de conflits, comment j’ai vécu pratiquement neuf mois de conflits à essayer de faire les choses correctement. Sotravic, j’ai pu arrêter. Et il n’y a pas plus de temps qu’avant-hier, l’affaire de Menlo Park. »

Gérard Sanspeur n’a pas hésité à s’attaquer personnellement à Rama Sithanen, en l’accusant de ne pas avoir déclaré ses intérêts dans la société Sotravic, ayant siégé à la présidence du conseil d’administration à un certain moment. « Pendant cinq ans, je me suis battu sur le terrain contre l’ancien gouvernement. Sithanen, lui, au même moment, s’enrichissait avec ses entreprises off-shore », indique-t-il

L’ancien Second Deputy Governor de la Banque de Maurice a signifié son intention de saisir la police et la Financial Crimes Commission au sujet des interférences dans les minutes of proceedings de la Mauritius Investment Corporation Limited.

 

Sithanen dénonce un tissu de mensonges de son ex-adjoint

Sans faire allusion directement aux précédents des affaires Currimjee, CMT ou encore Landscope, le gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen, a dénoncé un tissu de mensonges de l’ancien Second Deputy Governor, Gérard Sanspeur, qui a été forcé, vendredi matin avant la réunion hebdomadaire du conseil des ministres sur ordre du Premier ministre, Navin Ramgoolam, à prendre la porte de sortie de la Bank of Mauritius Tower. Partageant sa part de vérité, il a réfuté les allégations de Gérard Sanspeur contre lui et son fils. D’emblée, il a tenu à saluer la décision du Premier ministre dans la conjoncture. Il a aussi défié l’ancien Second Deputy Governor de publier les informations en sa possession.

« Le Premier ministre avait toutes les données, tous les documents qui avaient été bien travaillés avec des faits, des chiffres. Le Premier ministre a minutieusement étudié tous les aspects des problèmes avant de prendre sa décision », fait comprendre Rama Sithanen, qui confirme avoir fourni un document contenant les conclusions de l’enquête menée par trois avocats indépendants « pas sur les on-dit, les rumeurs et les faussetés ni sur les simulations AI pour montrer ce qui se passe entre les employés, mais sur les faits. Leur rapport met en lumière plus d’une dizaine reproches au SDG, allant de la violation de confiance à des cas graves de mauvaise conduite. Le rapport a ensuite été soumis au Premier ministre. »

« Je remercie le Premier ministre pour la confiance qu’il a faite au First Deputy Governor et moi-même. C’est une bonne décision pour l’intégrité de la Banque, la crédibilité de l’institution et la réputation tant au niveau national qu’international. Les coups bas et les faussetés ont trop duré et j’ai un devoir de retenu institutionnel. C’est la raison pour laquelle, bien que je connaisse beaucoup de choses, je ne peux pas tout dire afin de ne pas enfreindre les clauses de confidentialité comme l’a fait l’ancien second gouverneur », devait-il renchérir.

Le gouverneur de la Banque centrale fait état de charges très graves, soit de default, breaches of trust, and serious misconduct, à l’encontre de Gérard Sanspeur. Parmi les reproches énumérés est que Gérard Sanspeur s’est permis lors de l’étape des préparatifs budgétaires de transmettre un document au Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, pour lui suggérer qu’il n’y avait aucun problème de déficits dans le pays et que la solution se trouvait dans des pratiques de printing of money alors que l’Alliance du Changement avait axé sa campagne aux dernières élections générales contre cette politique économique incendiaire.

« Serious
misconduct »

Confronté à cet écart, Gérard Sanspeur aurait rejeté la paternité de cette initiative. Il aurait déclaré n’avoir pas envoyé ce document au Premier ministre mais à un de ses conseillers. Ce qui, selon Rama Sithanen, est faux. Il estime que la raison pour laquelle le Premier ministre l’a mis devant un choix c’est à cause de ce mensonge. « C’est une des plus grandes violations de la confiance et constitue un serious misconduct », devait-il reprendre.

Gérard Sanspeur est également accusé de harcèlement contre un haut cadre de la Banque de Maurice. « Il a fait ce qu’il a fait, nous ferons une compilation que nous adresserons à la Financial Crimes Commission et la police parce qu’il y a des violations de la confiance mais également des allégations de corruption », prévient Rama Sithanen.

Le Second Deputy Governor se retrouve en délicatesse pour avoir à plusieurs reprises « tampered with tender procedures ». « Ce qui n’est pas permis à la banque. Or, le second gouverneur adjoint l’a fait », regrette Rama Sithanen.

« On m’attaque personnellement ainsi que mon fils avec des mensonges et des contre-vérités. Des allégations ont été faites sur l’intervention de mon fils concernant la Mauritius Investment Corporation et la Banque de Mauruce », dira le gouverneur pour démentir les allégations de Gérad Sanspeur. « Comme le précise le président de la MIC, aucune approbation n’a été donnée pendant que j’étais gouverneur et personne n’a obtenu de licence bancaire depuis que j’occupe cette fonction », ajoute-t-il.

De son côté, Rajeev Hasnan a pris à rebrousse-poil les accusations portées par Gérard Sanspeur au sujet du dossier de Sotravic, d’autant plus que le gouverneur de Maurice ne siège pas sur le conseil d’administration de la Mauritius Investment Corporation Limited. Il a également nié tout accord entre la Banque de Maurice et Menlo Park sur les Rs 45 millions détournées. Une déposition a été faite à la police par la MIC, dénonçant l’interférence de Gerard Sanspeur au sujet des terres de la Mauritius Investment Corporation Limited.

La Banque centrale transformée en cour de récré…

Quand deux enfants se disputent dans une cour d’école, on sourit, on sépare, et on passe à autre chose. Quand deux hauts responsables de la Banque centrale se chamaillent devant micros et caméras, on ne rit plus : on a honte. Car ce qui s’est joué ces derniers jours entre Gérard Sanspeur et Rama Sithanen n’a rien d’une confrontation digne d’institutions respectables. C’était une foire d’empoigne, un règlement de comptes public, indigne de leurs fonctions, indigne de la Banque de Maurice, et surtout indigne du pays.

D’un côté, Gérard Sanspeur, fraîchement démissionné à la demande du Premier ministre, se lance dans un grand déballage : accusations de potentat, interférences, arsenal de harcèlement, conflits d’intérêts, enregistrement compromettant qui ferait tomber le gouverneur dans l’heure si jamais il sortait. Tout y passe, jusqu’à la révélation théâtrale de relations troubles avec la Mauritius Investment Corporation Limited.

De l’autre, Rama Sithanen, drapé dans sa dignité institutionnelle, qui rend la monnaie de la pièce : Sanspeur serait un menteur, coupable de « serious misconduct », de perte de confiance et même d’ingérences dans des appels d’offres. Il remercie le Premier ministre d’avoir tranché en sa faveur, au nom de « l’intégrité et de la réputation internationale » de la Banque. Traduction : mon adversaire est un danger, moi je suis le sauveur.

Résultat : un spectacle grotesque, digne d’un vaudeville, où chaque camp sort ses dossiers, brandit ses vérités et accuse l’autre de tous les maux.

À écouter les deux protagonistes, on pourrait croire qu’ils se battent pour défendre l’intégrité de la Banque. En réalité, ils en sont les premiers fossoyeurs. Car à force de transformer la Banque centrale en ring, ils ont réduit son image à celle d’un champ de bataille personnel.

Le message envoyé au public est limpide : si même au sommet on se crie dessus, on s’accuse de corruption, de mensonge et d’abus de pouvoir, pourquoi les citoyens devraient-ils encore faire confiance à ceux qui tiennent les cordons de la monnaie nationale ? Pourquoi les investisseurs étrangers croiraient-ils au sérieux d’une institution qui ressemble plus à un champ de foire qu’à un bastion de stabilité ?

Ce n’est pas une querelle privée. C’est un scandale public. Et il laissera des traces.

Le plus ironique dans cette histoire, c’est que les deux hommes prétendent agir au nom de la transparence, de l’intégrité et de l’intérêt supérieur de l’institution. Pourtant, chacun a choisi la scène publique pour régler ses comptes, non par devoir, mais par ego. Au lieu de se taire pour protéger l’image de la Banque, ils ont préféré étaler leurs rancunes, multiplier les insinuations, et mettre en scène leur duel.

Le résultat est pitoyable : deux carrières abîmées, mais surtout une institution ridiculisée. Car peu importe qui dit vrai ou qui ment. Peu importe que Sanspeur ait eu des raisons ou que Sithanen ait des arguments. Ce qui restera, ce n’est pas la vérité — ce sera le souvenir de deux dirigeants incapables de se comporter comme des hommes d’État.

Dans un pays déjà secoué par des scandales à répétition, cet épisode ajoute une couche supplémentaire de cynisme. On pensait que la Banque centrale, sanctuaire supposé de la rigueur et de la neutralité, tenait encore debout. Elle vacille désormais sous les coups de ses propres dirigeants. Et pour longtemps, chaque fois qu’on parlera de la BoM, on se souviendra moins de ses taux directeurs que de ses règlements de compte.

La stabilité monétaire n’a pas seulement besoin de bons chiffres, elle a besoin de confiance. Et la confiance, elle, ne se décrète pas : elle se mérite. À l’heure où nos devises sont fragiles et où l’économie est sous tension, voir les gardiens de la monnaie nationale se lancer des noms d’oiseaux en public relève de la trahison morale.

Au final, on peut résumer cette séquence en une phrase: deux hommes qui prétendaient défendre l’institution l’ont souillée. Ils voulaient apparaître en sauveurs, ils sortiront en fossoyeurs.

L’un a quitté sous contrainte, l’autre persiste à croire qu’il est indispensable.

Mais l’heure a sonné, M. Sithanen : quand on se croit plus grand que la Banque centrale, on finit toujours par en sortir plus petit. Faites de la place !

BD

Le début de la semaine aura marqué le neuvième mois de la nomination par le président de la République, Dharam Gokhool, sur recommandations du Premier ministre, Navin Ramgoolam, de Gérard Sanspeur en tant que Second Deputy Governor, dont le passage aux côtés de l’ancien chef du gouvernement, Pravind Jugnauth, avait connu des épisodes à rebondissements. Et ces neuf mois, marqués par un vaudeville, avec pour principaux protagonistes le même Sanspeur et également le gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen, et en toile de fond la Bank of Mauritius Tower, a accouché des marching orders du chef du gouvernement à son encore en vue d’évacuer les locaux de la Banque centrale à 10h07. Loin de mettre un bémol à ces enfantillages à un tel sommet de l’establishment du monde de la finance ayant empoisonné l’atmosphère d’une institution en quête de rédemption sur le front d’intégrité et de bonne gouvernance, le dénouement de vendredi a donné lieu à des règlements de compte à peine voilés et personnels sur la place publique. Mais des observateurs politiques et financiers avertis affirment que, très rapidement, le trou de Rs 25 milliards dans les comptes de la Mauritius Investment Corporation Limited au bénéfice d’Airports Holding Limited (AHL) pour tirer la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, sous administration de l’époque de Sattar Hajee Abdoula, devra peser de tout son poids dans les comptes de la Banque de Maurice pour l’exercice financier se terminant au 30 juin dernier. Ainsi, déplacer le fond des débats.

Un autre boulet que traîne la Banque de Maurice depuis le précédent gouvernement Jugnauth est le scandale de la Silver Bank. À ce jour, les efforts déployés au plus haut niveau de la Bank of Mauritius Tower en vue de retrouver un repreneur pour cette banque n’auront pas donné les effets escomptés.

Le risque potentiel d’avoir à laisser cette banque aller à la fermeture se fait de plus en plus sentir et cette première dans les annales bancaires à Maurice pourrait coûter extrêmement cher dans le Goodwill Balance Sheet de la Banque centrale. Toutefois, jusqu’ici, très peu d’informations ont filtré en ce qui concerne les prochaines étapes vu que le dossier, avec sa traînée de fraudes, ne date pas d’hier. Autant de problèmes fondamentaux à la Banque centrale susceptibles de faire taire les ego extrêmement puissants de part et d’autre.

Un troisième dossier que la Banque de Maurice post-Sanspeur se situe sur le plan purement interne, à savoir la sortie de la crise au niveau des relations industrielles provoquée par l’interdiction du président de la Bank of Mauritius Employees Union, Chidanand Rughoobur, inculpé provisoirement par la police pour le délit de rogue and vagabond. Profitant d‘une médiation au ministère du Travail et des Relations industrielles, vendredi, le ministre de tutelle, Reza Uteem, a proposé à la direction de la Banque centrale de revoir la sanction imposée au président du syndicat, le temps que les autorités, policières et judiciaires, ne décident de la marche à suivre.

Calmer le jeu

Cette échéance devra intervenir jeudi, soit une première étape en vue de calmer le jeu en termes de relations industrielles à la Bank of Mauritius Tower, alors que d’autres enjeux externes s’avèrent être plus cruciaux et avec une portée plus que nationale.

Ainsi, dans l’immédiat, la principale préoccupation demeure l’urgence intégrer la catastrophe de créances douteuses, pour ne pas dire de Toxic Loan de Rs 25 milliards dans les livres de la Mauritius Investment Corporation Limited dans le bilan de la Banque de Maurice au 30 juin pour l’exercice financier 2024-25. Le fait incontournable demeure que ces facilités allouées à Airport Holdings Limited, avec pour excuse la pandémie de Covid-19, ne feront plus partie des Assets de la filiale de la Banque de Maurice, avec le War Chest initial de Rs 82 milliards.

Techniquement, dans les livres de la Mauritius Investment Corporation Limited, le montant devra être réduit à hauteur d’au moins Rs 57 milliards en éliminant les Rs 25 milliards engagées à fonds perdu dans Airport Holdings Limited. Mais qu’en est-il des répercussions de cette décision dans le bilan de la Banque Maurice, dont le capital est de Rs 10 milliards, après ce writing off obligatoire de Rs 25 milliards ? Les milieux autorisés avancent que des consultations ont été engagées à cet effet en vue d’élaborer une sortie de crise avec un minimum de casualties, notamment en procédant par étape.

Sous le tandem Padayachy-Seegoolam, la Mauritius Investment Corporation Limited avait été amenée à dish out les Rs 325 milliards à Airports Holding Limited sur la base d’une évaluation artificielle et comptable des avoirs de cette dernière entité à Rs 51 milliards. Sur la base de ces actifs artificiels, pour ne pas dire fictifs, la Mauritius Investment Corporation Limited a procédé au rachat de 49% du capital d’Airports Holdings Limited en mettant à la disposition de cette dernière une enveloppe de Rs 25 milliards, soit la plus conséquente tranche octroyée à la sortie de la pandémie en 2021.

Ainsi, de cette allocation de Rs 25 milliards, Rs 12 milliards avaient servi pour assurer la sortie de la compagnie aérienne nationale sous administration, avec Rs 9,5 milliards pour le règlement des créanciers, et Rs 2,5 milliards pour les besoins en fonds de roulement de la compagnie. À l’Assemblée nationale en avril dernier, le Premier ministre et Leader of the House, Navin Ramgoolam, avait annoncé que le cabinet d’experts-comptables, KPMG, avait été mandaté pour mener une enquête quant à l’utilisation de cette dernière tranche de Rs 2,5 milliards.

Toutefois, à ce jour, ni l’Hôtel du Gouvernement ni Air Mauritius, qui se veut être une championne de la com, ne sont venus de l’avant pour éclaircir l’opinion sur les zones d’ombre autour de ces Rs 2,5 milliards. Et le comble demeure que la Banque mondiale est venue jeter un pavé dans la mare en affirmant qu’en réalité que les Rs 25 milliards pour les 49% de la Mauritius Investment Corporation Limited au sein d’Airports Holding Limited ne valent que cinq fois moins, soit Rs 5 milliards.

Et cette bombe à retardement dans les comptes de la Banque centrale au 30 juin de cette année risque d’éclipser les velléités des chevaliers Sanspeur et Sansreproche du vaudeville de la Banque de Maurice…

Gérard Sanspeur joue la carte du procureur

   Il se fait fort en brandissant l’enregistrement des échanges impliquant Rama Sithanen dans le scandale des Rs 45 M de Menlo Park Ltd de Stéphane/Queenie Adam

Quelques heures après avoir été éjecté du siège de Second Deputy Governor de la Banque de Maurice sur des directives sans appel du Premier ministre, Navin Ramgoolam, Gérard Sanspeur est entré dans la peau d’un procureur s’évertuant de faire le procès du gouverneur Rama Sithanen tout en insinuant l’ombre du fils de ce dernier dans certaines affaires. Mais sans jamais citer de nom. Par contre, pendant ces 90 minutes face à la presse au Labourdonnais, vendredi après-midi, il s’est fait fort de mentionner un enregistrement d’échanges avec la participation de Rama Sithanen dans l’affaire des Rs 45 millions détournées de la Mauritius Investment Corporation Limited au profit de Menlo Park Limited. « Si ce recording sort, Rama Sithanen devrait démissionner dans les heures qui suivent », menace-t-il.

Au sujet de son départ de la Bank of Mauritius Tower à peine neuf mois après sa nomination, Gérad Sanspeur dira : « Je ne suis ni accablé ni surpris et ni déçu. I am the happiest man on earth. » Il s’est cru permis d’avancer que « les articles de ce (vendredi) matin titraient que le Premier ministre avait tranché en faveur de Rama Sithanen. Ce n’est pas le cas », se félicite-t-il de ce qu’il qualifie de ses « très bonnes relations » avec Navin Ramgoolam. Faisant preuve de pitié par rapport à sa « position inconfortable », il ajoutera « quelle que soit sa décision, je ne lui en voudrais jamais. »

« Un arsenal de harcèlement »

Gérard Sanspeur, qui fera état de ses relations cordiales avec Rama Sithanen jusqu’à un moment donné, se lancera ensuite dans une série d’allégations à l’encontre de ce dernier. « Soi-disant, on me reproche onze choses. Mais si on me reprochait, on avait qu’à venir me dire, j’aurais peut-être donné des explications. C’est cela la source du problème. Mais après, il y a beaucoup, beaucoup d’autres choses qui viennent se greffer dessus, qui font que nous sommes arrivés là où nous sommes. L’idée, c’était de me faire partir avec tout un arsenal de harcèlement qui se jouait pratiquement heure par heure », s’insurge-t-il en reprochant au gouverneur de la Banque centrale un déficit de communications.

L’ancien Second Deputy Governor de la Banque de Maurice avancera que la gestion de la Mauritius Investment Corporation Limited a été l’un des dossiers de discorde avec ce qu’il dénonce comme un manque de volonté de la part du gouverneur. « J’ai à maintes reprises dit au gouverneur qu’il faut absolument un exercice de deep forensic sur tout ce qui s’est passé. Il a tout le temps refusé. Le gouverneur a aussi refusé de faire un inventaire complet de notre patrimoine financier », trouve-t-il, tout en poursuivant que « donc, je vous donne tout cela pour vous dire un peu les sources de conflits, comment j’ai vécu pratiquement neuf mois de conflits à essayer de faire les choses correctement. Sotravic, j’ai pu arrêter. Et il n’y a pas plus de temps qu’avant-hier, l’affaire de Menlo Park. »

Gérard Sanspeur n’a pas hésité à s’attaquer personnellement à Rama Sithanen, en l’accusant de ne pas avoir déclaré ses intérêts dans la société Sotravic, ayant siégé à la présidence du conseil d’administration à un certain moment. « Pendant cinq ans, je me suis battu sur le terrain contre l’ancien gouvernement. Sithanen, lui, au même moment, s’enrichissait avec ses entreprises off-shore », indique-t-il

L’ancien Second Deputy Governor de la Banque de Maurice a signifié son intention de saisir la police et la Financial Crimes Commission au sujet des interférences dans les minutes of proceedings de la Mauritius Investment Corporation Limited.

 

Sithanen dénonce un tissu de mensonges de son ex-adjoint

Sans faire allusion directement aux précédents des affaires Currimjee, CMT ou encore Landscope, le gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen, a dénoncé un tissu de mensonges de l’ancien Second Deputy Governor, Gérard Sanspeur, qui a été forcé, vendredi matin avant la réunion hebdomadaire du conseil des ministres sur ordre du Premier ministre, Navin Ramgoolam, à prendre la porte de sortie de la Bank of Mauritius Tower. Partageant sa part de vérité, il a réfuté les allégations de Gérard Sanspeur contre lui et son fils. D’emblée, il a tenu à saluer la décision du Premier ministre dans la conjoncture. Il a aussi défié l’ancien Second Deputy Governor de publier les informations en sa possession.

« Le Premier ministre avait toutes les données, tous les documents qui avaient été bien travaillés avec des faits, des chiffres. Le Premier ministre a minutieusement étudié tous les aspects des problèmes avant de prendre sa décision », fait comprendre Rama Sithanen, qui confirme avoir fourni un document contenant les conclusions de l’enquête menée par trois avocats indépendants « pas sur les on-dit, les rumeurs et les faussetés ni sur les simulations AI pour montrer ce qui se passe entre les employés, mais sur les faits. Leur rapport met en lumière plus d’une dizaine reproches au SDG, allant de la violation de confiance à des cas graves de mauvaise conduite. Le rapport a ensuite été soumis au Premier ministre. »

« Je remercie le Premier ministre pour la confiance qu’il a faite au First Deputy Governor et moi-même. C’est une bonne décision pour l’intégrité de la Banque, la crédibilité de l’institution et la réputation tant au niveau national qu’international. Les coups bas et les faussetés ont trop duré et j’ai un devoir de retenu institutionnel. C’est la raison pour laquelle, bien que je connaisse beaucoup de choses, je ne peux pas tout dire afin de ne pas enfreindre les clauses de confidentialité comme l’a fait l’ancien second gouverneur », devait-il renchérir.

Le gouverneur de la Banque centrale fait état de charges très graves, soit de default, breaches of trust, and serious misconduct, à l’encontre de Gérard Sanspeur. Parmi les reproches énumérés est que Gérard Sanspeur s’est permis lors de l’étape des préparatifs budgétaires de transmettre un document au Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, pour lui suggérer qu’il n’y avait aucun problème de déficits dans le pays et que la solution se trouvait dans des pratiques de printing of money alors que l’Alliance du Changement avait axé sa campagne aux dernières élections générales contre cette politique économique incendiaire.

« Serious misconduct »

Confronté à cet écart, Gérard Sanspeur aurait rejeté la paternité de cette initiative. Il aurait déclaré n’avoir pas envoyé ce document au Premier ministre mais à un de ses conseillers. Ce qui, selon Rama Sithanen, est faux. Il estime que la raison pour laquelle le Premier ministre l’a mis devant un choix c’est à cause de ce mensonge. « C’est une des plus grandes violations de la confiance et constitue un serious misconduct », devait-il reprendre.

Gérard Sanspeur est également accusé de harcèlement contre un haut cadre de la Banque de Maurice. « Il a fait ce qu’il a fait, nous ferons une compilation que nous adresserons à la Financial Crimes Commission et la police parce qu’il y a des violations de la confiance mais également des allégations de corruption », prévient Rama Sithanen.

Le Second Deputy Governor se retrouve en délicatesse pour avoir à plusieurs reprises « tampered with tender procedures ». « Ce qui n’est pas permis à la banque. Or, le second gouverneur adjoint l’a fait », regrette Rama Sithanen.

« On m’attaque personnellement ainsi que mon fils avec des mensonges et des contre-vérités. Des allégations ont été faites sur l’intervention de mon fils concernant la Mauritius Investment Corporation et la Banque de Mauruce », dira le gouverneur pour démentir les allégations de Gérad Sanspeur. « Comme le précise le président de la MIC, aucune approbation n’a été donnée pendant que j’étais gouverneur et personne n’a obtenu de licence bancaire depuis que j’occupe cette fonction », ajoute-t-il.

De son côté, Rajeev Hasnan a pris à rebrousse-poil les accusations portées par Gérard Sanspeur au sujet du dossier de Sotravic, d’autant plus que le gouverneur de Maurice ne siège pas sur le conseil d’administration de la Mauritius Investment Corporation Limited. Il a également nié tout accord entre la Banque de Maurice et Menlo Park sur les Rs 45 millions détournées. Une déposition a été faite à la police par la MIC, dénonçant l’interférence de Gerard Sanspeur au sujet des terres de la Mauritius Investment Corporation Limited.

 

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