Le Président français Emmanuel Macron à Maurice : Ce que raconte la presse française… et ce qu’elle ne voit pas!

La visite d’Emmanuel Macron à Maurice n’a duré que quelques heures, mais, côté français, elle est loin d’être considérée comme un évènement majeur, surtout à cause du sommet du G20 2025 en Afrique du Sud, c’est tout juste un simple crochet protocolaire. Dans les médias hexagonaux, le passage du Président à Port-Louis est néanmoins présenté comme un moment à la fois historique, stratégique, et très fortement symbolique. Vue de Paris, Maurice est moins une destination exotique qu’un maillon d’un dispositif géopolitique dans l’océan Indien.

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Une « première en trente ans » encadrée par la géopolitique

Le ton est donné dès la communication officielle de l’Élysée, abondamment reprise : il s’agit de la « première visite d’un chef d’État français depuis trente ans », inscrite dans « une dynamique d’échanges et de renforcement du partenariat » avec les voisins de la France dans l’océan Indien.

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Le quotidien Le Monde et plusieurs chaînes d’info (France 24, RFI, Africanews) replacent immédiatement Maurice dans un cadre beaucoup plus large: la tournée africaine de cinq jours qui conduit Macron ensuite en Afrique du Sud, au Gabon et en Angola. Maurice apparaît ainsi comme la “première étape d’une tournée africaine de cinq jours” et le point de départ d’un dispositif diplomatique plus ambitieux.

Dans ce récit français, l’île est au cœur d’une “zone stratégique”, celle du canal du Mozambique et des routes maritimes de l’Indo-Pacifique, où se mêlent commerce mondial, flux énergétiques, pêche et rivalités de puissances.

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Un récit très structuré : sécurité, « engagement fort » et économie bleue

Le cadrage éditorial est remarquablement cohérent d’un média à l’autre. Sur RFI, Africanews ou France 24, le message repris est celui d’un Président qui vient confirmer « un engagement fort dans l’océan Indien » et « réchauffer » des relations avec un partenaire clé de la région.

Les mêmes thèmes reviennent en boucle :

l Sécurité maritime et lutte contre les trafics : drogue, pêche illégale, migrations irrégulières sont décrits comme des défis “partagés” par Paris et Port-Louis.

l Économie bleue, environnement, plastique en mer : les images de Macron à bord du Plastic Odyssey sont largement relayées, avec l’idée d’une France “leader” sur la protection des océans.

l Transition énergétique et eau : la signature de 5 accords bilatéraux sur l’eau, l’énergie et la coopération technique est mise en avant comme la preuve d’un partenariat “moderne” et tourné vers les biens publics.

Sur le terrain symbolique, l’Élysée insiste – et la presse reprend – sur la dimension de “destin commun dans l’océan Indien” entre la France, ses territoires de la zone et Maurice.

Une visite pensée aussi pour l’image de la France

Les médias français soulignent volontiers les séquences choisies : forum autour de l’intelligence artificielle, rencontre avec des jeunes de la région au Caudan Arts Center, discussion avec des entrepreneurs de la tech mauriciens et français, visite du jardin de Pamplemousses, et inauguration de la nouvelle ambassade.

L’ensemble dessine la mise en scène d’une France “innovante et verte” : IA éthique, coopération universitaire, lutte contre la pollution plastique, sécurité maritime “partagée”. La presse généraliste française met davantage l’accent sur cette image de modernité que sur le rapport très concret, quotidien, entre Maurice et la France (mobilité, visas, travailleurs, diaspora, etc.), qui reste en arrière-plan.

On retrouve aussi, en creux, une préoccupation géopolitique : dans la région, la France veut montrer qu’elle existe toujours, malgré la montée en puissance d’autres acteurs – Inde, Chine, États du Golfe – dans l’océan Indien. Cette dimension est évoquée dans les analyses sur la stratégie indo-pacifique française, auxquelles la visite à Maurice est rattachée

Ce que la presse française voit peu: l’émotion mauricienne

Si le regard français insiste sur la “stratégie”, l’accueil mauricien, lui, est surtout émotionnel et affectif. Les chaînes régionales comme LINFO.re, les médias mauriciens et les réseaux sociaux montrent les foules réunies à Port-Louis, les drapeaux bleu-blanc-rouge et quadricolores, les scènes de bain de foule, les selfies, les applaudissements lors des déplacements au Caudan ou à Pamplemousses.

Dans les commentaires sous les directs et les vidéos des médias mauriciens ou d’autres plateformes, de nombreux internautes saluent « l’accueil du peuple mauricien » et expriment une forme de fierté nationale à voir Maurice au centre de l’attention internationale.

Les médias locaux insistent aussi davantage que la presse française sur deux éléments :

l Le poids historique de la relation : les références aux trois siècles de présence française, aux figures de SSR et SAJ honorées par Macron à Pamplemousses, à la francophonie vécue au quotidien.

l Les attentes très concrètes : retombées économiques, facilitation des investissements, place des étudiants mauriciens en France, évolution des accords sur la sécurité ou la pêche.

Autrement dit : là où Paris parle “axes stratégiques”, Port-Louis pense aussi bourses, emplois, tourisme et pouvoir d’achat.

Deux narrations qui se croisent

Au final, le traitement de la visite de Macron à Maurice par la presse française raconte autant la façon dont la France se voit elle-même dans l’océan Indien que la réalité de la relation franco-mauricienne.

l Côté français, la visite est un jalon dans une grande histoire : celle de la stratégie indo-pacifique, de la place de la France en Afrique, de la sécurisation des routes maritimes. Maurice devient une scène où se joue ce récit.

l Côté mauricien, la même visite est vécue comme une reconnaissance : celle d’un petit État insulaire qui compte, qui signe des accords d’égal à égal, qui accueille – avec chaleur, mais sans complexe – le Président d’une ancienne puissance coloniale.

Ce décalage n’est pas forcément un problème. Il souligne plutôt l’enjeu des prochaines années : faire coïncider le narratif français, très stratégique, avec les attentes mauriciennes, très concrètes et sociales.

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