Jasmine Toulouse : “J’ai été courageuse, mais j’ai peur des représailles”

Après cinq jours de tollé, buzz et soutien de toutes parts, est-ce que vous avez finalement eu des nouvelles du Premier ministre, même par le biais d’émissaires ?

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Non! Aucune nouvelle. Personne de son côté, de près ou de loin, ne m’a contactée dans cette optique. Personne ne s’est excusée de sa part avec ou sans son consentement. Par contre, j’ai été inondée, submergée par une avalanche de messages de soutien de la part des Mauriciens de toutes les communautés et de tous bords politiques, qui m’ont  réconfortée. Même que depuis, de nombreuses personnes m’arrêtent pour prendre une photo avec moi (rires), je pense qu’elles ripostent à leur façon. En revanche, je suis déçue par le silence de Sandra Mayotte, une femme artiste comme moi. J’aurais apprécié un message, même court, d’elle. Après les dernières élections, lorsqu’elle a fait l’objet de tellement de critiques, je n’avais pas hésité à lui envoyer un message de réconfort et à l’encourager à ne pas baisser les bras.

Vous réclamez des excuses?

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Mo pa swaf exkiz. Mais j’attends à ce que le Premier ministre s’excuse dans le même lieu où il m’a portée préjudice. Je ne l’ai encore dit à personne, mais je commence à avoir des appréhensions. J’ai été courageuse de dire publiquement que le geste de Pravind Jugnauth m’a blessée. Mais aujourd’hui, j’ai peur des représailles. On a vu ces derniers temps quand on prend son courage à deux mains pour dénoncer des injustices, des ennuis surgissent. Ler lamem gagn case planting, case kot ferm ou labous. Je sais que les Mauriciens sont avec moi et que je me devais de réagir. Néanmoins, je dois être vigilante. Depuis peu, je réfléchis aux conséquences. Mo pe atann ki so (ndlr: Pravind Jugnauth) konsians dir li li’nn fane. L’erreur est humaine et le mal a été fait. Toutefois, une excuse de sa part m’apaiserait, me soulagerait un peu et changerait le regard des personnes qui me côtoient dans le cadre de ma vie d’artiste professionnelle. Je voudrais des excuses sincères, qui viennent du cœur. Je ne suis pas rancunière, mais je suis triste et révoltée. Je suis pour le dialogue. Il ne faut pas que le PM se sente rabaissé.

Vous avez dit dans votre video que la personne qui vous avait donné un travail ne voulait plus de vous quand elle a vu votre photo dans la main du PM au Parlement. Vous ne lui en voulez pas, à elle, pour cette réaction ?

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Elle m’a dit qu’elle n’irait pas de l’avant avec moi, cette fois-ci, mais qu’elle fera appel à moi, peut-être, dans le futur. Je lui en veux, oui, mais pas à 100%. Ce n’est pas de moi qu’elle a peur, mais des représailles. N’empêche, il faut savoir dissocier mon engagement dans la politique et ma vie professionnelle. Je ne suis pas une députée. Mais je suis comme n’importe quel Mauricien lambda qui se débrouille pour gagner sa vie. Quant à Alan Ganoo, j’ai l’impression qu’il a peur que je revienne sur le terrain. Finalman, zot pou fer mwa revinn a-fon dan politik. Ils m’ont donné un coup de pouce. Alan Ganoo a oublié combien ma famille et moi-même l’avions aidé sur le terrain.

Avez-vous trouvé une solution pour régler votre emprunt ?

Je ne sais nullement comment faire. Je n’ai pas qu’un loan à payer. Mo ena deklarasion ek lasirans mo ti loto. Pour progresser dans notre vie et construire notre maison, mon mari et moi avons dû contracter un emprunt. La musique me permet d’arrondir mes fins de mois. Mon travail comme social worker auprès d’une ONG ne suffit pas pour que je paye nos factures et rembourse nos crédits. D’ailleurs, je suis reconnaissante envers l’ONG qui elle, ne m’a pas jugée.

Une pose photo aux côtés de Franklin. Vous n’étiez pas au courant de son historique?

C’est Franklin qui a posé à mes côtés, moi en tant qu’artiste. Cette photo date d’une dizaine d’années. À l’époque, personne ne parlait du background de Franklin car il n’était pas question de tout ce qu’on entend depuis sur lui. Il vit dans la même région où j’ai vécu et malgré cela, je ne le voyais même pas.

La photo qui a “ras enn bouse manze”

Mardi dernier au Parlement, pour rendre la monnaie de sa pièce à l’opposition, plus précisément à Patrick Assirvaden du PTr, le Premier ministre Pravind Jugnauth a brandi une photo de la chanteuse et travailleuse sociale Jasmine Toulouse posant aux côtés de Jean Hubert Celerine, dit Franklin, accusé de blanchiment d’argent lié au trafic de drogues. Le député rouge avait précédemment sorti un cliché de Pravind Jugnauth en compagnie de Geanchand Dewdanee, qui avait été arrêté dans la saisie record de 119,5 kg d’héroïne.

Dans la soirée même, Jasmine Toulouse, ancienne candidate du MMM au No 14 (Savanne/Rivière-Noire) aux dernières élections, poste une vidéo qui est devenue virale. La chanteuse explique que le geste de Pravind Jugnauth lui a porté préjudice et qu’elle a perdu un contrat qui l’aurait aidée à payer son emprunt. Elle reproche au PM d’avoir “ras enn bouse manze” de la bouche de son enfant de deux ans. Les témoignages de soutien déplorant le geste cavalier et irrespectueux du chef du gouvernement au Parlement à l’égard d’une femme qui, de surcroît, n’est pas membre de l’assemblée, ont plu de partout. Hier matin, Jasmine Toulouse recevait la nouvelle plateforme Fam Ape Zwenn (Women Meet) à Rivière-Noire, dans la région où elle a vécu avant de s’installer à Mahébourg, il y a trois ans. Le lieu est symbolique pour la jeune femme. C’est là que sa famille et elle-même, dit-elle à Week-End, ont travaillé pour déblayer le sentier afin de faciliter l’accès à Alan Ganoo durant ses différentes campagnes électorales lorsqu’il était un farouche militant.

C’est ce dernier, selon ses propres propos, cette semaine, qui aurait remis la photo de la chanteuse au PM, à la demande de ce dernier. Pour Fam Ape Zwenn, son soutien à Jasmine Toulouse est en ligne avec seon objectif d’œuvrer pour la réalisation des droits humains des femmes. Les membres de Fam Ape Zwenn déplorent l’attaque à l’encontre de cette dernière dans l’hémicycle : “On constate, hélas, à quel point le Parlement peut devenir un environnement hostile aux opposants, particulièrement aux femmes. Dans ce cas de Jasmine Toulouse, on est sidéré par cette immunité parlementaire sélective. Nommer une personne non membre de l’assemblée nationale enfreint les pratiques d’usage de bonne gouvernance.”

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