Le PM fait état des suggestions du FMI et de la Banque mondiale « in the context of the budget preparation and our overall determination to reconstruct our economy and our society »
La dette publique au 31 mars : Rs 628,2 milliards, soit +Rs 42 milliards comparativement au 30 septembre 2024
La BoM mise sur un taux de croissance révisé à la baisse dans la fourchette de 3% à 3,5% cette année contre des prévisions initiales de 3,5% à 4%
Appréhensions avec la menace des taxes douanières Trump sur la performance des secteurs tournés à l’exportation
Si le gouvernement maintient le calendrier en discussions avec le Budget Day de la présentation du premier budget de l’Alliance du Changement par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, lors de la séance de l’Assemblée nationale du lundi 9 juin, les quatre prochaines semaines s’annoncent décisives pour les Senior Advisers et conseillers économiques réunis au sein de la Budget Cell au Treasury Building. Le compte à rebours du budget de la rupture a déjà été enclenché avec la clôture, jeudi, de la série de consultations prébudgétaires menée par le Junior Minister aux Finances, Dhaneshwar Damry, avec pour interlocuteurs les Top Guns du secteur privé sous l’ombrelle du Business Mauritius and Partners. Et les délibérations du conseil des ministres de vendredi dernier, abordant les grandes lignes des orientations du prochain Grand Oral, ont permis d’intégrer le facteur du mood abstentionniste des municipales dans l’équation budgétaire, se résumant à l’urgence de la consolidation fiscale, à la nécessité de recadrer la croissance économique et de la remise en ordre des finances publiques avec en toile de fond « the precarious situation the orevious regime (Pravind Jugnauth) has left us ». Cette expression est de Navin Ramgoolam, en réponse à une interpellation de Ram Etwareea à l’Assemblée nationale mardi dernier.
Que ce soit dans le camp du gouvernement ou au sein du secteur privé, en particulier l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), l’arme de la fiscalité fait quasiment l’unanimité. Mais chaque partie à sa façon. Si jusqu’ici l’expression passe-partout de fiscal consolidation est privilégiée dans les discours officiels. Par contre, la contre-voix du pouvoir au sein du conseil des ministres, en l’occurrence le ministre de la Sécurité sociale, Ashok Subron, n’a pas hésité à s’attaquer de front à cette question de politique fiscale.
Intervenant au cours de la semaine écoulée lors d’une réunion regroupant les représentants des ONG engagés sous le ministère de la Sécurité sociale et de la Solidarité nationale, Ashok Subron a évoqué le taux d’imposition sur les opérateurs économiques du privé, plaidant pour une contribution fiscale relevée en vue d’assurer le Welfare State. Dans le contexte des préparatifs budgétaires, les commentaires du ministre Subron n’auront pas échappé aux capitaines de l’industrie, à l’effet que la moyenne d’imposition au titre des activités économiques est de 23,62% au niveau mondial, alors qu’à Maurice, la Corporate Tax est à hauteur de 15% et même à 3% pour certains secteurs.
« Nous avons un système de contribution à Maurice qui est en dessous de la moyenne mondiale, et malgré cela, nous faisons un transfert social très avancé en comparaison avec d’autres pays du monde », s’est permis d’ajouter dans la conjoncture budgétaire le leader de Rezistans & Alternativ, siégeant au conseil des ministres.
Au nom de la croissance économique, le Premier ministre et ministre des Finances sera appelé à assurer l’arbitrage sur le plan fiscal en tenant en ligne de compte les demandes du secteur privé, entre autres celles de l’Association of Mauritian Manufacturers. Le Budget Memo soumis au ministère des Finances par cette dernière association propose pour stimuler l’investissement productif « la mise en place d’un taux d’imposition réduit à 3% pour les entreprises manufacturières visant à soutenir la relance industrielle et favoriser la création de valeur locale. »
À ce stade, il est considéré comme étant relativement prématuré de spéculer sur le fiscal mix du prochain package qui sera adopté et présenté dans le prochain Budget Speech. Mais, déjà, le Fonds monétaire international (FMI), à la lumière des dernières Article IV Consultations, et la Banque mondiale ont déjà signalé leur présence effective, pour ne pas dire faire ressentir leur poids dans la balance budgétaire.
« After having taken cognizance of the economic and fiscal quagmire in which the previous government has left our country, the IMF stressed the urgency for fiscal consolidation and strengthening of the monetary policy framework in order to secure financial stability », fait comprendre Navin Ramgoolam, qui a déjà signifié l’intention du gouvernement de l’Alliance du Changement de mettre à exécution des « structural reforms as well as a credible medium-term fiscal consolidation ». À cela est venue se greffer cette recommandation de la sœur jumelle du FMI, la Banque mondiale, à l’effet « to implement fiscal consolidation and economic revival. »
Néanmoins, dans l’immédiat, la problématique de la dette publique demeure incontournable au tableau du prochain budget. Les dernières données publiées officiellement par le ministère des Finances ne laissent aucun doute quant à l’effet potentiellement déstabilisateur de l’endettement national. Au 31 mars dernier, la Gross Public Sector Debt était de l’ordre de Rs 628,2 milliards, représentant 89,7% du Produit intérieur Brut (PIB), estimé à la hausse, soit juste au-dessus de la barre des Rs 700 milliards. Du côté de la Bank of Mauritius Tower, l’on ne se garde pas pour avancer que si les contingent liabilities sont intégrées à l’équation, le ratio au PIB devra crever la barre des 100%. Ce qui l’est déjà en réalité, fait-on ressortir.
Sécurité sociale
budgétivore
Ainsi, pour les derniers six mois de l’exercice financier en cours, la dette publique a progressé de Rs 42 milliards, passant de Rs 586,4 milliards au 30 septembre de l’année dernière, représentant 86,1% du PIB, à Rs 628,2 milliards au 31 mars dernier. L’une des principales composantes de la dette demeure les GM Securities pour les besoins des borrowing requirements s’affichant à Rs 463,6 milliards à la fin de mars dernier contre Rs 425,1 milliards, soit une détérioration de l’ordre Rs 38,5 milliards comparativement à la fin de septembre de l’année dernière.
Ces Rs 463, 6 milliards sous forme de la dette locale se répartissent comme suit :
l Bons du Trésor et autres Short Term Borrowings : Rs 93,4 milliards contre Rs 68,4 milliards il y a six mois
l Treasury Notes : Rs 66,3 milliards contre Rs 67,7 milliards
l Five-Year et Seven-Year GoM Bonds : Rs 122,5 milliards contre Rs116,7 milliards
l Long Term Bonds : Rs 181,4 milliards contre Rs 172,3 milliards.
De son côté, la dette étrangère est maintenue sous la barre des Rs 100 milliards, soit Rs 94,6 milliards, légèrement en baisse aux Rs 97 milliards de la fin de septembre de l’année dernière. Ce montant représente l’équivalent de 15,5% du Produit Intérieur Brut (PIB).
La Public Enterprises Total Debt est de Rs 69,9 milliards avec les entités les plus endettées étant :
l la SBM (Mtius) Infrastructure Dvelopment Co. Ltd et ses Rs 17,6 milliards de dette étrangère, dont Rs 15,3 milliards pour le Metro-Express Ltd de Pravind Jugnauth
l le Central Electricity Board, également parmi les plus dans le rouge, soit Rs 6,7 milliards de dettes sur le plan local et de Rs 2, 9 milliards d’emprunts de l’étranger
l la State Trading Corporation ; Rs 7,5 milliards contre Rs 2,2 milliards en septembre dernier
la MauBank Holdings avec Rs 4 milliards de loans contractés à l’étranger et Rs 3,1 milliards sur le plan local
l la MCS Mutual Aid Association Ltd : Rs Rs 5,7 milliards, soit Rs 1 milliard de plus qu’en septembre de l’année dernière
l la Banque de Développement : Rs 5,1 milliards
l la Mauritius Telecom : Rs 3,4 milliards, dettes contractées sur le marché international
l la National Propert Fund Ltd : Rs 3,5 milliards
l l’Airport Terminal Operations Ltd : Rs 3 milliards
l l’Industrial Finance Corporation of Mauritius : Rs 1,9 milliard
l la National Housing Development Co. Ltd : Rs 1,3 milliard
l la Rose-Belle Sugar Estate : Rs 1,5 milliard et
l le Sugar Investent Trust (en faillite) : Rs 1,3 milliard.
Les dotations budgétaires pour le servicing de la dette publique sont l’une des plus conséquentes après la budgétivore Sécurité sociale. Le remboursement déjà effectué pour les trois premiers trimestres de l’exercice financier en cours est déjà au niveau des Rs 38,6 milliards de 2023-24. Avec encore un trimestre à assurer, le Pubic Debt Servicing on Cash Basis de cette année est de Rs 35,8 milliards, soit une moyenne de Rs 12 milliards par trimestre.
Avec la contrainte majeure de la dette publique sur les dépenses budgétaires, le fort taux d’abstention au scrutin des munipales dans les villes, dimanche, s’invite de force aux débats sur le budget avec une dimension politique non-négligeable à considérer. Dans les milieux bien informés à l’Hôtel du Gouvernement, l’on concède que même si l’Alliance du Changement a réalisé un sans-faute pour les 120 sièges à pourvoir, ne laissant que deux sièges au décompte, soit à Port-Louis et à Beau-Bassin/Rose-Hill, et un troisième au tirage au sort à Vacoas/Phoenix, le prochain budget ne doit être en aucun cas transformer une plateforme pour toute velléité de relance de l’opposition autour de l’Alliance Lepep de Pravind Jugnauth.
L’une des principales récriminations au sein de l’électorat s’articule autour d’un plan d’action décisif pour combattre la hausse des prix des articles de consommation courante. À ce titre, la promesse vendue par l’Alliance du Changement lors de la dernière campagne pour les élections législatives d’une cagnotte à Rs 10 milliards pour un soulagement sur le front des prix revient de manière systématique dans le registre des réclamations populaires.
Facteurs à risques
En tout cas, en marge du prochain budget, le gouvernement est attendu sur le volet des prix des produits de base. De son côté, la Banque de Maurice, en particulier le Monetary Policy Committee de mercredi dernier, met en garde contre des risques d’une reprise de l’inflation vu l’ouverture de l’économie et l’extrême dépendance sur les importations.
« Headline inflation has been declining and stood at 2,5 per cent in March 2025 — its lowest value since June 2021. However, the Bank projects headline inflation to increase in the coming months and to close the year at around 3, 5 per cent. This projection is lower than the previous forecast of 3,7 per cent », prévient le Monetary Policy Committee Statement, ajoutant également que « the future course of inflation in Mauritius will depend on the interplay of external and domestic factors. Inflation in 2025 could rise with the tariff-induced imported price increases and the stickiness of services inflation due to wage increases. However, this may be mitigated by likely declining commodity prices due to lower global demand. »
Les retombées de la surenchère des tarifs douaniers à l’Américaine et la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, principalement, la Banque de Maurice n’écarte pas la possibilité que « inflation in Mauritius may change direction and take an upward trajectory in 2025. » Autant de facteurs à risques devant pousser le prochain budget à prévoir d’assurer un minimum de protection face à l’érosion du pouvoir d’achat des ménages, surtout les plus vulnérables de la société ou encore ceux de la classe moyenne.
Par ailleurs, le ralentissement de la croissance dont fait état la Banque de Maurice impose des mesures énergiques de relance. Les perspectives qui émergent sur le plan international, en particulier au sein de l’économie des partenaires commerciaux de Maurice, le taux de croissance a été révisé à la baisse. « The Bank has revised down its growth projection for 2025. Real GDP growth is now more likely to be in the range of 3.0 to 3.5 per cent for 2025, compared to the previous forecast of 3.5 to 4.0 per cent. With global uncertainty and imposition of US tariffs, the country’s export sector could face additional headwinds, with growth prospects being further tilted on the downside », note encore le Monetary Policy Committee.
En dépit des nuages gris s’accumulant à l’horizon budgétaire de Maurice, le Junior Minister aux Finances, qui a eu l’insigne honneur de piloter l’étape des consultations prébudgétaires avec les partenaires sociaux, affirme que « government will present a responsible budget comprising major economic reforms aimed at fostering economic growth, enhancing the ease of doing business, promoting sustainability, and generating employment. » C’était jeudi lors du rendez-vous du secteur privé aux Finances.
Le ministre délégué aux Finances maintient au nom du gouvernement que « we are committed to creating a more conducive and confident environment to attract investment, generate employment, and increase foreign currency inflows. »
D’ici le Grand Oral annoncé pour le lundi 9 juin, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts, avec des arbitrages budgétaires les uns plus délicats que les autres.
Vibrant plaidoyer de l’AMM en faveur de l’industrie locale
Le Budget Memo de l’Associaion of Mauritian Manufacturers se veut être une feuille de route pour la revival de l’industrie locale. À cet effet, Shirin Gunny, la Chief Executive Officer de l’AMM, affirme sans ambages que « relancer l’industrie locale, c’est contribuer à la baisse du déficit de la balance des paiements, à la baisse du déficit budgétaire et à la réduction de la dette nationale ». Dans cette perspective, l’AMM veut se donner les moyens de réussir à parvenir à des investissements dans la fourchette de Rs 20 milliards à Rs 30 milliards contre les maigres Rs 7 milliards enregistrées en 2024 sous le tandem Jugnauth-Padayachy.
L’une des premières mesures envisagées par l’Association of Mauritian Manufacturers est « la mise en place d’un taux d’imposition réduit à 3% pour les entreprises manufacturières, visant à soutenir la relance industrielle et favoriser la création de valeur locale. » Cette mesure fiscale est accompagnée d’autres incitations, notamment sur le plan de l’économie circulaire, avec pour objectif déclaré de faire émerger « des champions industriels, qui seront les piliers d’une économie circulaire, bas carbone et souveraine, tournée vers l’exportation et ancrée dans les réalités mauriciennes. » L’Association of Mauritian Manufacturers met l’accent sur le label Made In Moris.
Consultations prébudgétaires
Les consultations prébudgétaires avec le secteur privé de jeudi aura vu également la présence des représentants venant de Business Mauritius ; de la Mauritius Export Association (MEXA) ; de la Mauritius Chamber of Agriculture ; de la Chambre de Commerce et d’Industrie, de l’Outsourcing and Telecommunications Association of Mauritius ; de la Mauritius Bankers Association ; de l’Insurer’s Association, de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice ; et de la Building and Civil Engineering Contractors Association. Les principales propositions formulées lors de la réunion portent sur :
l la nécessité de réformer les régimes d’assurance-vie, automobile et de retraite afin de mieux répondre aux besoins du phénomène incontournable du vieillissement de la population vieillissante ;
l accélérer l’économie circulaire pour améliorer la productivité locale et promouvoir les produits mauriciens à l’international ;
l soutenir la reprise du secteur manufacturier et renforcer les stratégies d’adaptation au changement climatique ;
l investir dans les infrastructures portuaires et améliorer la connectivité maritime ;
l promouvoir la compétitivité et la visibilité internationale des petites et moyennes entreprises ;
l revitaliser le marché du travail par la formation et la réforme des politiques ; et
l encourager les pratiques de construction durables utilisant des matériaux écologiques et renouvelables.
Les échanges entre la partie officielle et le secteur ont également souligné le potentiel du secteur des TIC et la nécessité de développer une infrastructure numérique robuste pour renforcer la cybersécurité et positionner Maurice comme une destination de choix pour les TIC et les services financiers.
D’autres mesures ont été discutées, notamment la poursuite des efforts visant à rendre Maurice plus durable, plus sûre et plus résiliente face au changement climatique ; la promotion de l’innovation et de l’entrepreneuriat comme moteurs clés de la transformation économique ; et le développement des opportunités commerciales et d’exportation.