Accusé par SS d’avoir menti à la population : Pourquoi Pravind Jugnauth a-t-il attendu 5 jours pour s’expliquer ?

Le temps d’accorder les versions indienne et mauricienne pour twister l’affaire de «Third Party Sniffing» en une thèse « géopolitique de contre-espionnage» sur les activités de Huawei et la Chine dans la région
Sherry Shing, désormais sous l’œil inquisiteur du Board de MT, visé dans le contrat de Huawei dans Safe City et l’installation de câble sous -marin vers Rodrigues avec un possible effet boomerang sur le GM

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Lors de ses trois émissions audiovisuelles, expliquant les raisons de sa démission et son devoir de dénonciation d’une atteinte à la souveraineté de Maurice, le Chief Executive Officer de Mauritius Telecom (MT), Sherry Singh, a toujours affirmé qu’il avait reçu des instructions du Premier ministre, Pravind Jugnauth, pour autoriser des ressortissants indiens d’intervenir physiquement sur le réseau de Cable SAFE à la Landing Station de Baie-du-Jacotet. Il a étayé ses allégations avec des preuves vidéos et un rapport écrit pour prouver que le PM a été économe avec la vérité.

Pour sa part, Pravind Jugnauth, a cette fois-là choisi, de se terrer dans un surprenant silence de cinq longues journées avant de reprendre la parole, mercredi dernier, lors d’une sortie politique dans sa circonscription et à la télévision nationale. L’objectif était de contre-attaquer et twister cette affaire  de Third Party Sniffing illégale en une affaire géopolitique de contre-espionnage. Cette théorie est soutenue par le site Internet d’information indien The Print qui cite même la cible de ce contre-espionnage de nature géopolitique : l’armée chinoise et Huawei.

Depuis le début de l’affaire, jusqu’à ce mercredi 27 juillet, Pravind Jugnauth avait toujours récusé la version de Data Capture et s’était jusque-là réfugier derrière ce qu’il qualifiait d’un simple Survey. Mais les documents vidéos et le rapport de l’ex-Chief Technician Officer (CTO) de MT, Girish Guddoye, présentés lors de cette dernière émission de Sherry Shing du vendredi 22 juillet ont mis à mal cette version soft de l’intervention des Mission-Men de la Grande Péninsule le 15 avril 2022, telle que décrite jusque-là par le PM.
Les allégations de Singh ont débouché sur un scandale politique, avec le sentiment quasi unanime d’avoir été berné par le PM, qui du coup est accusé de haute trahison. Le silence prolongé de cinq jours du Premier ministre, même si ses lieutenants animaient des points de presse pour minimiser ou infirmer les allégations de Sherry Singh, n’en a pas moins mis à mal sa crédibilité. Le PM était visiblement déstabilisé par ces allégations étayées de Sherry Singh.

Face à la campagne d’accusation de haute trahison, Pravind Jugnauth,  avait choisi une déclaration à la MBC, après avoir annoncé la couleur devant ses partisans réunis à Quartier-Militaire. A la télévision nationale, il s’est encore dédouané dans l’affaire de Third Party Sniffing du réseau internet et s’est surtout appesanti sur sa responsabilité de la sécurité intérieure du pays.

Il a expliqué que ses services avaient obtenu des informations concernant la sécurité du réseau de communication mauricien d’où le Survey technique. Cette fois, il a reconnu la nature physique de l’intervention à Baie-du-Jacotet par des techniciens indiens recommandés par le gouvernement indien en compagnie de cadres de MT.

Pravind Jugnauth a écarté toute idée d’ingérence dans le réseau de télécommunications local, dans les courriels et comptes bancaires personnels des Mauriciens mais a implicitement reconnu une intervention physique pour des besoins de sécurité nationale.  Il a terminé son message en annonçant « une enquête sur toutes les transactions de l’ex-CEO de Mauritius Telecom», Sherry Singh. Une information qui aurait dû être tenue secrète par le board de MT qui a enfreint sa clause de confidentialité à cette occasion.

Le silence de la grande presse indienne
Si la grande presse écrite indienne brille par son silence sur cet imbroglio qui embarrasse au plus haut point le gouvernement indien et son premier ministre Narendra Modi— cité dès le début de l’affaire par Pravind Jugnauth—. Par contre, deux sites de presse internet de la Grande Péninsule font eux leur choux gras de cette affaire. The Wire et The Print donnent un éclairage intéressant sur les dessous de cette affaire.

Les informations fournies par ces sites indiens infiquent que des experts de la Research and Analysis Wing (RAW) de l’Inde avaient fait état des préoccupations de leur pays, sur l’utilisation par des tiers de l’infrastructure Internet construite par la société chinoise controversée, Huawei, à Maurice.Cela pour apparemment mener de l’espionnage numérique contre l’Inde et l’Occident, ciblés à travers le cable SAFE de l’océan Indien, centrées sur la Landing Station de Baie-du-Jacotet. Ces soupçons auraient été transmis à Maurice par l’intemédiaire du conseiller à la sécurité nationale au PMO,  Kumaresan Ilango, un ancien officier des services secrets indiens, la RAW.

The Print explique que des renifleurs numériques – des outils qui permettent d’intercepter et de stocker le trafic Internet pour une analyse ultérieure – faisait partie du projet en cours. Un tel dispositif avait déjà été déployé à Kochi, l’un des landing station du câble sous-marin à fibre optique Afrique du Sud-Extrême-Orient (SAFE) reliant l’Afrique du Sud, l’île Maurice, La Réunion dans l’océan Indien, l’Inde et la Malaisie. Il n’est pas inutile de mentionner que les cibles d’espionnage sur le radar des autorités indiennes dans la région comprennent aussi une installation sur l’île d’Agaléga, que l’Inde développe « pour devenir un relais pour la collecte de renseignements maritimes indiens sur la navigation chinoise ».

Aucun commentaire officiel de l’Inde
Toujours en ce qui concerne la piste de l’espionnage chinois à travers Huawei, Pravind Jugnauth a concédé qu’il y avait un problème de sécurité nationale et que cette enquête était nécessaire pour la sécurité du pays. Pour cette raison, il avait personnellement approché le Premier ministre de l’Inde, Narendra Modi, lui demandant d’envoyer une équipe compétente pour cette enquête. Si la partie mauricienne communique abondamment sur la question, cependant le gouvernement indien n’a jusqu’ici fait aucun commentaire officiel sur cette embarrassante affaire pour elle.

The Print  cite un  porte-parole du ministère des Affaires extérieures, Arindam Bagchi, à l’effet que «nous n’avons pas d’autres informations à partager sur cette question pour le moment.» alors que les allégations d’espionnage tourbillonnaient.
Heureuse coincidence, la visite du ministre de l’Agro-industrie et de la sécurité alimentaire de Maurice, Maneesh Gobin, à Dehli est intervenue à point nommé.

Nouvel embarras du porte-parole du ministère des affaires étrangères, qui se souvient de cette réunion. “ Cela faisait partie des consultations régulières.” Comme pour dire que c’était business as usual.” Cependant il est légitime de se demander comment un ministre de l’Agro-industrie et Attorney General a été reçu par le chef de la diplomatie de la Grande-Péninsule. Le facteur commun ne semble être autre que le Third Party Sniffing. Sans nul doute en vue de procéder à un exercice de Comparing Notes. Et cela, même si l’Inde ne fera pas de déclaration officielle sur ces questions extrêmement sensibles.

Ainsi, selon les ramifications et actions de Huawei au détriment de l’Inde dans la région et ailleurs dans le monde, il est aisé de justifier l’opération décriée à Maurice mais soutenue en Inde. Initialement décrite comme liée au Sniffing local et international l’opération a été twistée en une « banale affaire géopolitique d’espionnage et de contre-espionnage ». Cette opération ou plutôt cette version commune a une double visée, subtilement venir à la rescousse du chef du gouvernement de Maurice et mettre à mal ses adversaires, surtout, Sherry Singh sur qui la charge de revanche a été lancée.

Dans ce contexte, le réseau de Mauritius Safe City , avec plus de 4 000 caméras de télévision en circuit fermé (CCTV) dispersés à travers l’île et liées à des analyses basées sur la reconnaissance faciale et a circulation et les mouvements de foule, devient une arme et un prétexte. Ils sont pointés en direction de l’ex CEO de MT puisque c’est sous son mandat que le projet s’est matérialisé.

SS: charges lourdes
Sont ainsi mis en avant son financement douteux par l’ Export-Import Bank de Chine à Mauritius Telecom, et sa mise en œuvre sans être passé par l’appel d’offres, Il est aussi question de graves lacunes dans la gestion des contrats et des dépenses du projet Safe City , des paiements effectués en l’absence de pièces justificatives ou d’autres documents. Autant dire que la charge sur Sherry Singh risque d’être lourde à porter.

Mais cette stratégie tous azimuts pour éliminer un ancien Top Chef de Lakwizinn, pour avoir trahi, et en faire l’exemple pour décourager toute vélleité de passer de l’autre côté peut avoir l’effet boomerang. Ils sont, en effet de nombreux ministres et députés à avoir soutenu Huawei ou encore voyagé en Chine sur invitation de la firme chinoise sans se poser de questions.

Le Safe City Network, pour ne citer que celui-là, a été ardemment défendu par la hiérarchie du gouvernement lors de questions parlementaires ou de PNQs. On les voit mal totalement renié Huawei aujourd’hui alors que la Chine a été un soutien très spécial pour Maurice à l’Assemblée générale des Nations Unies pour sa souveraineté sur les Chagos.
Relations spéciales entre Port Louis et New Delhi

Mais c’est sans compter sur les relations très spéciales qui se sont développées entre New Dehli et Port Louis et entre Pravind Jugnauth et son homologue indien Narendra Modi. Elles ont renforcé considérablement le partenariat stratégique entre les deux pays au point où le PM mauricien a pointé du doigt l’opposition parlementaire en lui intimant de «Montrer votre gratitude à l’Inde au lieu de jeter des soupçons sur un véritable partenariat» lors d’une PNQ sur Agaléga.

Pour rappel, en 2015, lors de la visite du Premier ministre Narendra Modi l’Inde à Maurice un accord bilatéral a été signé, officiellement pour développer les liaisons maritimes et aériennes sur l’île d’Agalega. Cependant il existerait des clauses confidentielles que Pravind Jugnauth refuse de rendre publiques. Ce qui accentue le soupçon de la population qu’Agalega sera, à terme, une base militaire arrière de l’Inde sous le couvert de la souveraineté mauricienne.  Tout semble l’indiquer et la presse indienne ne se prive pas de le suggérer souvent, que l’Inde construisait essentiellement une base militaire sur l’île d’Agaléga pour garder un œil sur la Chine dans le cadre de la vision de l’océan Indien de Modi de “Sécurité et croissance pour tous dans la région (SAGAR)».

Jeudi dernier, Pravind Jugnauth a de nouveau démenti qu’Agaléga est en train être transformée en base militaire. Cependant, l’opposition parlementaire l’a remis au-devant de la scène en raison de la controverse croissante sur l’espionnage et du mystère autour de l’équipe technique indienne qui est venue à Maurice pour accéder à l’Internet dans ce lieu très sensible pour la sécurité de l’Etat à la demande du PM. Ce dernier a outrepassé un certain nombre de procédures et lois pour imposer cela.

C’est la raison pour laquelle Bruno Laurette a déposé une plainte pour complot contre le Premier ministre Pravind Jugnauth pour avoir permis à l’équipe indienne d’accéder à des données sensibles au SAFE à Baie-du-Jacotet, zone normalement interdite…
Cependant la thèse de contre-espionnage concoctée par les deux pays ne devrait pas le prémunir d’un interrogatoire Under Warning!

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