Du premier congrès de l’alliance de l’opposition à Mare D’Albert, en passant par le comité central au Sun Trust avec pour mot d’ordre d’arpenter chaque lopin de terre de chaque circonscription de l’île, les choses semblent avoir changé. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui a fait plusieurs sorties cette semaine, a l’air, ces derniers temps, d’afficher une certaine sérénité, voire une bonhomie pour le moins déconcertante.
Soit les congés parlementaires lui font du bien, soit sa stratégie de communication a drastiquement changé, et ce, en très peu de temps. En tout cas, il semble loin le Pravind Jugnauth, moue agacée, mâchoire serrée, répondant froidement et fermement à la presse, lançant occasionnellement un « huh », ce petit rire narquois qui a fini par devenir sa marque de fabrique. Mardi, lors de sa sortie au collège Dr Maurice Curé dans le cadre de la campagne nationale contre la drogue, c’est un Premier ministre relax, à la « papa cool » qui s’est mêlé aux étudiants. Le même « papa cool » qui s’était adressé aux jeunes de son parti, samedi, au Sun Trust, pour la Journée internationale de la jeunesse, soit dit en passant.
Ainsi, pendant une trentaine de minutes, il s’est assis aux côtés des élèves du DMC pour tout simplement leur parler et les écouter. C’est l’objectif qu’il s’est fixé dans le cadre de cette campagne contre la drogue, l’a-t-il répété : « Je suis là pour vous écouter. » Il était d’ailleurs, la semaine dernière, aux côtés des principaux dirigeants de la presse pour les écouter. Une nouvelle stratégie de proximité bien ficelée, semble-t-il, d’autant que ces derniers temps, le gouvernement s’est orienté vers la jeunesse. Pravind Jugnauth a ainsi passé une trentaine de minutes auprès des jeunes élèves, pour ensuite faire son allocution. Point de discours politique, dans le hall du collège, du moins, pas de manière flagrante. Car il a tout de même lancé une pique à son adversaire en conseillant aux jeunes de ne pas fumer de « cigarettes ou de cigares… » toujours avec son petit « huh » de circonstance.
À Riche-en-Eau il
s’est amusé à siffler
un chien errant
Le Premier ministre se laisse aussi prendre au jeu des selfies avec étudiants, enseignants, bref, tout le monde. Il prend la pause, sourit, lance une petite blague. Si on lui reprochait d’être crispé, il a l’air d’être plus à l’aise devant les caméras. De plus, ses pages Facebook et Instagram sont très actives, avec des publications quotidiennes. Il s’est même entouré d’influenceurs. Et comme Trudeau ou Macron, il s’est armé de photographes professionnels personnels, qui sélectionnent soigneusement les clichés à publier sur les réseaux. Les plus aguerris sauront ce que cela présage, à un peu plus d’un an de l’échéance du mandat gouvernemental.
Par ailleurs, tenant foncièrement à son image de Premier ministre « jeune », « fit » et dynamique qu’il s’est précieusement construite, son leitmotiv aux jeunes et aux vieux reste le même : le sport. Il ne rate habituellement pas une occasion pour faire montre de sa bonne santé, et ces derniers jours encore plus. Ainsi, à l’inauguration du New Cluny Service Reservoir, le Premier ministre est monté en haut du réservoir, sautant même quelques marches pour y arriver. Dans son discours sur la distribution de l’eau dans la région sud, point de diatribes habituelles destinées à ses opposants, mais au contraire, il a « set a target » pour les officiers de la CWA. Pour ceux qui ont l’habitude d’écouter ses discours, l’on remarquera le changement de ton, et le changement de destinataires. Un jeu d’images et de communication de plus en plus flagrant.
Après Cluny, c’est à Riche-en-Eau qu’il s’est dirigé. Encore une fois, très décontracté, d’humeur joviale, il s’est même amusé à siffler un chien errant. Pravind Jugnauth sifflant un chien errant, sacrée scène ! Comme quoi, la stratégie de proximité ne s’arrête pas qu’aux humains. Après le deuxième congrès de l’opposition à Vacoas, vendredi, il serait intéressant de s’adonner à un même exercice d’observation et de voir l’évolution de l’éthos du Premier ministre, à travers ses choix de sorties publiques, sa gestuelle, ses discours. Durant la semaine, il a aussi fait plusieurs autres sorties, pour l’indépendance de l’Inde avec l’annonce de satellites indo-mauriciennes, à Air Mauritius malgré les remous au sein de l’administration ou encore pour aller rendre visite à la famille d’une victime égarée en forêt.
« Tout ce qui brille n’est pas de l’or »
De plus, d’autres événements d’envergure nationale sont à prévoir, avec l’ordination du nouvel évêque, ou encore les Jeux des îles 2023 à Madagascar. Cela étant dit, comme dit le proverbe, « tout ce qui brille n’est pas de l’or » et dans la dernière ligne droite de son mandat, en plein cœur de démonstrations de force de l’opposition, avec pour toile de fond une conjoncture socioéconomique difficile, la balle reste dans le camp des citoyens. Avec les leaders de l’opposition requinqués, dont le « relooking » remarqué de Navin Ramgoolam, le marketing politique bat son plein. Quant à Pravind Jugnauth, aurait-il bénéficié de coaching professionnel, ses spin doctors sont-ils à l’œuvre ou alors vend-on de la poudre de perlimpinpin à l’électorat, le temps d’oublier les incartades gouvernementales du début d’année ? Seuls le temps et le bon sens nous le diront. En tout cas, depuis deux semaines, Pravind Jugnauth, l’homme, a l’air bien décidé d’être vu…
