Présidence de la CAF : Combat des chefs pour le football africain

« Game of Thrones » dans le football africain. La couronne du président de la Confédération africaine de football (CAF) est à saisir, quatre prétendants se sont levés pour la coiffer le 12 mars à Rabat (Maroc), où l’élection s’annonce disputée comme jamais. Augustin Senghor (Sénégal) et Ahmed Yahya (Mauritanie), les favoris, Jacques Anouma (Côte d’Ivoire) et Patrice Motsepe (Afrique du Sud), les outsiders, mènent une campagne intense depuis plusieurs semaines et comptent leurs soutiens, car le trône d’Ahmad Ahmad est vacant. Suspendu cinq ans par la Fifa pour soupçons de corruption, le Malgache ne devrait pas se représenter, même s’il y était autorisé par le Tribunal arbitral du sport (TAS), où il passe en appel demain (2 mars).

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Le mode de scrutin, une voix pour chacune des 54 fédérations, « annonce une élection disputée », explique Gaël Mahé, de l’agence Sports Global Management, organisatrice de matches de sélections en Afrique. Selon lui, « le jeu des alliances sera déterminant, car il sera difficile d’obtenir la majorité dès le premier tour, à moins de désistements négociés. Tout se jouera lors de la dernière nuit à Rabat. » Pour Mahé, qui connaît la plupart des présidents de fédération, « l’enjeu est capital, car l’économie du foot en Afrique est en train de se métamorphoser. »

Les quatre candidats sont tous d’accord sur ce point. Leurs programmes parlent tous du développement économique du foot africain pour, prioritairement, endiguer la saignée des jeunes vers les clubs européens. La CAF est gênée par le conflit avec son ancienne agence, Lagardère Sports, depuis qu’elle a unilatéralement rompu en décembre 2019 le contrat qui les liait jusqu’en 2028. « Il faut renforcer financièrement la CAF, et régler la question de l’agent marketing », explique Senghor. La Confédération se trouve dans « un contentieux difficile, et les bénéfices que l’on tirait de ses contrats sont un peu bloqués. »
Senghor et Yahya battent la campagne depuis le début de l’année. Anouma a été freiné après avoir contracté la Covid-19 et Motsepe a commencé plus tard. « Je veux apporter ma modeste contribution en toutes circonstances afin d’utiliser le sport pour unir les Africains », a déclaré cet homme d’affaires sud-africain de 58 ans, jeudi, lors d’une conférence de presse. « Nous réussirons et nous rendrons le football africain compétitif au niveau international », a-t-il assuré.

Les États pèsent aussi. Le ministre des Sports sénégalais, Matar Ba, a par exemple discuté avec Mauritaniens et Ivoiriens l’union des forces ouest-africaines. Dans la campagne, la tension est déjà montée très haut, selon de nombreux témoins, pendant le CHAN, le Championnat d’Afrique des joueurs évoluant sur le continent, organisé au Cameroun au début de l’année et remporté par le Maroc. En débat, le délai pour valider les candidatures de Yahya et Motsepe ou le sort d’Ahmad. Mais le grand sujet de ressentiment reste la main invisible de la Fifa. Car chacun des quatre prétendants se voit reprocher tour à tour d’être « le candidat de la Fifa », ce qui semble la marque de l’infamie.

Le gouvernement mondial du football mise-t-il sur Motsepe et Yahya, les noms revenant les plus souvent parmi les sources interrogées par l’AFP ? Les intéressés protestent. « La Fifa ne cherche pas le profil idéal pour le foot africain mais seulement une marionnette », assure à l’AFP Bacary Cissé, patron de l’hebdomadaire sportif du Sénégal Record. En 2017, la Fifa « avait déjà fait élire Ahmad pour faire partir Issa Hayatou », après 29 ans de règne.

Pour Thierry Roland Enom, du comité d’organisation camerounais du CHAN et de la prochaine CAN (Coupe d’Afrique des Nations), en 2022, « l’heure de la décolonisation du foot africain a sonné. Ahmad a joué au départ le jeu de la Fifa, et quand il a voulu s’émanciper, il a été frappé ». Selon d’autres observateurs, il ne faut pas trop s’exagérer l’intrusion de la Fifa dans les affaires africaines. Déjà, son président, Gianni Infantino « a d’autres chats à fouetter entre ses affaires judiciaires (en Suisse) et la « guerre » avec l’UEFA », glisse une source.

« Arrêtons ces susceptibilités, nous sommes indépendants », assure à l’AFP Ahmed Yahya. « Je n’ai jamais de problème ni de complexe à travailler avec la Fifa, qui appartient à tout le monde ». Et puis, « la Fifa n’a pas besoin de rentrer dans l’administration de la CAF pour aller chercher des voix en Afrique, ce sont les fédérations qui votent », ajoute le candidat mauritanien. Mais après avoir délégué sa secrétaire générale Fatma Samoura en 2019 pour tenter de remettre de l’ordre à la CAF, la Fifa gardera quand même un œil sur cette élection volcanique.

Yahya, le jeune loup
Le Mauritanien Ahmed Yahya, 44 ans, homme d’affaires, est le président de la Fédération mauritanienne. Le plus jeune des quatre n’a peut-être pas l’expérience madrée des vieux diplomates, mais il a un solide argument. « J’ai sorti le foot mauritanien de la léthargie. J’ai la jeunesse, mais aussi l’expérience de plus de 20 ans dans le milieu du foot », plaide-t-il. L’Ouganda, Djibouti et le Maroc vont le soutenir.

Senghor, l’expérimenté

Le Sénégalais Augustin Emmanuel Senghor, 55 ans, avocat, président de l’US Gorée, est le président de la Fédération sénégalaise depuis août 2009. Héritier officieux d’Ahmad, « Senghor est le meilleur des quatre. Maire de Gorée, président de l’US Gorée, il sait gérer un club et une fédération et surtout, il n’a aucune casserole », selon un fin connaisseur du football africain. Son but est de « tendre vers la professionnalisation du football africain », clame-t-il. Il a le soutien du Gabon et de la Gambie.

Anouma, l’ancien

L’ivoirien Jacques Anouma, 69 ans, financier, ex-président de la Fédération ivoirienne (2002-2011), est un ancien membre du Comex de la Fifa. Il a fait ses preuves comme efficace manager des belles années des « Éléphants » de l’ère Didier Drogba, qualifiés pour leurs premières Coupes du monde en 2010 et 2014. Candidat en 2013 pour diriger la CAF, il avait été écarté par un changement de règle « opportun », car il ne siégeait pas au Comex de la CAF en tant que membre mais en tant que représentant de la Fifa. Touché par la Covid-19, il a seulement récemment pu commencer sa campagne, mais il connaît les rouages de la CAF. Ses alliés sont le Bénin et le Kenya.

Motsepe, la surprise

Le Sud-Africain Patrice Tlhopan Motsepe, 58 ans, homme d’affaires, est le président du club Mamelodi Sundowns depuis 2003. Ce capitaine d’industrie minière, beau-frère du président de la République Cyril Ramaphosa, est le moins connu des quatre candidats. Nombre d’observateurs voient en lui le candidat préféré de la Fifa. « Je veux apporter ma modeste contribution en toutes circonstances afin d’utiliser le sport pour unir les Africains. Nous réussirons et nous rendrons le football africain compétitif au niveau international », a-t-il assuré. Il a l’appui du Nigeria, de la Sierra Leone et du Botswana.

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