Prison de haute sécurité : derrière les murailles de La Bastille

La mort du détenu Caël Permes quelques heures après son transfert à la prison de haute sécurité attire une nouvelle fois l'attention sur ce lieu où sont envoyés les criminels notoires. D'anciens prisonniers et des gardes-chiourmes racontent La Bastille.

L’austérité qui s’en dégage ne laisse présager rien de bon. En traversant l’avenue Sivananda, à Vacoas, impossible de la manquer. Au loin, au milieu des champs de légumes se dresse la prison de haute sécurité de La Bastille. Une bâtisse en pierre entourée d’imposantes murailles que surplombe un oppressant mirador.

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« La prison est un monde barbare et hostile. La Bastille, c’est comme un Etat dans un Etat », décrit un ancien détenu, qui a passé dix ans dans cette prison de haute sécurité. Cette période funeste de sa vie l’a marqué à jamais. D’autant qu’il a connu comme codétenu Rajen Sabapathee (voir plus loin).

En effet, les plus dangereux criminels de l’île sont enfermés à La Bastille. Mais la réputation de cette prison s’est également forgée à travers les multiples récits qui ont fuité de derrière ses murs épais. Parmi, l’évasion de Rajen Sabapathee et de sept autres prisonniers qui avaient pu, en 1999, s’enfuir de la forteresse convertie en prison.

Plus récemment, c’est la mort du détenu Caël Permes qui braque l’attention sur le centre pénitencier. Ce dernier est décédé à La Bastille quelques heures après son transfert de la prison de Beau-Bassin. Des gardes-chiourmes ont été arrêtés pour meurtre.

« Fer zot per ».

La Bastille, comme l’indique son nom, est « une prison de haute sécurité ». « Elle fonctionne différemment des autres centres pénitenciers de l’île », indique un garde-chiourme.

Un éventuel transfert en ce lieu est considéré comme une punition pour certains détenus, relate un officier d’une autre prison. « Les prisonniers essaient de suivre les règles établies pour ne pas y être transférés. Al La Bastille fer zot per », ajoute-t-il.

« Faire profil bas et se complaire aux règles de la prison ». Telle est l’attitude à adopter quand on est enfermé à La Bastille. « Dan prizon, pena okenn loner », relate l’ancien prisonnier, qui a depuis refait sa vie.

La prison de Phoenix n’accueille que « peu de pensionnaires », souligne un officier. Une vingtaine y sont incarcérés en ce moment.

Parmi, des criminels notoires comme les trafiquants de drogue Peeroumal Veeren et Siddick Islam, qui avaient fait couler beaucoup d’encre lors de leurs dépositions devant la Commission d’enquête sur la drogue.

On retrouve également Jean Jacques Dereck, alias Gro Derek, poursuivi depuis plusieurs années pour trafic de drogue. Et aussi Kusraj Lutchigadoo, traîné en justice pour trafic de drogue.

Vishal Shibchurn, soupçonné d’être lié à un gang ayant commis des violences dans le Sud, s’y trouve également.

2m50 x 2m50.

Derrières ces grandes murailles, la vie s’arrête quelque peu.

Tous les pensionnaires sont soumis à des conditions de détention « beaucoup plus strictes » que dans les autres centres pénitenciers, relate un garde-chiourme.

Ailleurs, les prisonniers doivent respecter l’heure du réveil, celle des tâches ménagères et surtout le retour au cachot. A La Bastille, pas d’Unlock ou de Lock Up. Les prisonniers ne quittent leur cellule que pour une heure par jour, et ce, chacun à leur tour.

Ainsi, aucun prisonnier ne devrait se rencontrer.

Le bâtiment compte un niveau où sont aménagées une vingtaine de cellules. Celles-ci n’enferment qu' »un détenu à la fois », se rappelle un prisonnier. Contrairement aux autres prisons pouvant accueillir quatre ou cinq détenus par cellule.

A La Bastille, nous relate-t-on, le cachot fait 2m50 par 2m50; la taille d’une petite chambre. Il contient un lit – à savoir un matelas posé sur du béton – et une toilette asiatique.

« Pa vinn fou ».

Les prisonniers ne mettent le nez dehors que pour une urgence ou pour un peu de « Sunbathing », chacun à leur tour.

Pour communiquer entre eux, indique un garde-chiourme, les détenus parlent à haute voix à travers les cloisons de leurs cachots, histoire de « pa vinn fou ».

Le petit déjeuner est servi à 7h dans chaque cellule. Les prisonniers ont alors droit à du pain et du thé. Vers 10h, c’est le déjeuner : généralement du riz avec un assortiment de currys.

Du thé est de nouveau offert aux alentours de 12h30. Pour le dîner, partagé vers 15h30, les prisonniers mangent généralement du pain.

A savoir qu’un diététicien et un Prison Catering sont chargés des repas, qui sont livrés à La Bastille. En effet, les mets sont préparés dans d’autres prisons par des détenus.

Prisonniers du temps.

Les heures sont longues à La Bastille. La lecture et le sport aident certains à meubler le temps comme ils le peuvent. Dormir étant le choix ultime.

Ainsi, les prisonniers chérissent les visites mensuelles qu’ils reçoivent de leurs proches, un droit essentiel qui leur est accordé. Trois personnes sont autorisées par visite. L’exercice se déroule par vitre interposée, sous la vigilance d’un officier.

Un prisonnier qui se sera mal comporté ne verra sa famille que le mois suivant. Une punition infligée à ceux qui tentent d’enfreindre les règles de la prison.

Passer un coup de fil de la prison est possible : une fois par semaine et sous la supervision d’un officier.

Ce désir de retrouver leur famille aide les prisonniers à surmonter les conditions de détention. Ils leur incombent aussi de faire preuve d’intelligence, affirme un ancien détenu. Et ce, afin de rester aussi éloigner que possible des « magouilles » pénitenciaires.

« La prison n’est pas un lieu à atterrir surtout quand vous avez de la famille », confie l’ancien prisonnier. « Mo’nn get mo zanfan grandi a traver baro ».


« Impossible de s’y échapper sans complicité ».

Fin juillet 1999, Rajen Sabapathee, condamné à 18 ans de prison pour trafic de drogue, et quatre autre prisonniers accomplissent l’impossible : ils s’échappent de la prison de haute sécurité de La Bastille.

« S’évader de La Bastille est mission impossible », relate notre interlocuteur, incarcéré aux côtés de Rajen Sabapathee lors de son évasion. « Sans la complicité des garde chiourmes, Sabapathee même en fin observateur qu’il était n’aurait jamais pu s’évader de la prison ».

A l’issue d’une cavale de 174 jours, Rajen Sabapathee a été abattu lors d’une opération policière à Chamarel.

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