(Re)Décourvrir Maurice – Grand-Baie & Pereybère : Des villages touristiques sans touristes

Depuis plus d’un an il n’y a plus de touristes à Grand-Baie et Pereybère. Depuis, ces villages touristiques perdent de leurs attraits et un peu de leurs âmes. Les rues sont désertes, les plages sont vides, magasins, restaurants, opérateurs touristiques sont fermés ou très peu fréquentés. Les nombreux opérateurs touristiques de la région peinent à garder la tête hors de l’eau.

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Grand-Baie et Pereybère ont perdu de leurs couleurs. En journée comme en soirée tout est calme, trop calme même pour ces endroits touristiques qui ne semblaient dormir jamais. Les effets des confinements et de la Covid-19 y se sont grandement ressentir dans la fréquentation, le style de vie et surtout dans les activités économiques mises en veilleuse.

Mise à part la circulation au niveau de la route côtière, l’affluence a énormément diminué. Les rues ne sont plus bondées comme auparavant, les magasins sont fermés, les restaurants qui sont toujours ouverts tournent au ralenti, les opérateurs de catamarans et les centres de plongée, entre autres, ne fonctionnent plus, car ils n’ont pas le droits d’opérer. “La situation est critique”, dit une des personnes rencontrées.

Pour cause, presque toutes les activités d’ici tournent autour du tourisme. Mais depuis plus d’un an, ces endroits prisés par les visiteurs ne reçoivent plus de visiteurs. Sanjay Gowry, personnage très connu de Pereybère, célèbre pour sculptures en sable qu’il crée sur la plage gagne sa vie grâce à des appartements et studios qu’il loue de même que la vente de produits artisanaux à travers son magasin. “Notre clientèle est principalement touristique. Ça ne vaut pas la peine d’ouvrir le magasin. Les appartements ne se louent pas non-plus, les Mauriciens ne vont pas venir ici s’ils n’ont pas accès à la plage. L’avenir est incertain.” Ainsi, depuis plusieurs mois, il a dû se rabattre sur la création de sculptures en béton et leur réparation pouvoir survivre.

La deuxième vague est venue nous secouer encore plus fort.”

Pour les opérateurs touristiques directement liés à la mer, la lente reprise d’après-confinement de l’année dernière ne les a pas permis de se sortir la tête de l’eau. “Le travail avait un peu repris fin octobre. La deuxième vague est venue nous secouer encore plus fort. Je n’ai pu conserver mon personnel. Financièrement ce n’était plus possible. C’est très triste, mais je suis impuissant”, souligne Ludovic Dupré, gérant du Octopus Diving Centre à Pereybère.

Kevin Emrit (47 ans) et Jayson Aerts (35 ans), propriétaires de catamarans, sont dans la même situation. “Des collègues et moi ont des parts dans un catamaran. Nous sommes tous mariés, et pères de famille. Certains ont des prêts à rembourser, nous sommes dans une situation très grave. Beaucoup d’entre nous se sont mis à la pêche pour vivre. Mais avec l’arrivée de l’hiver, le poisson sera moindre”, dit le premier nommé dont le catamaran opère à Grand-Baie. Non seulement ne peuvent-ils pas travailler, mais ils demeurent impuissants face à l’agressivité de la nature sur leur embarcation. “Ils devraient nous laisser faire de la maintenance sur nos bateaux. Les moteurs vont se bloquer, la rouille abîmera le bas des bateaux”, explique Jayson Aerts, nous montrant son catamaran englué dans le lagon de Pereybère depuis plusieurs mois.

Frais insensés.

Gowtam Adhin, plus connu sous le sobriquet de Garou, a lui un bateau de plaisance à Pereybère depuis 40 ans. Grandement touché par cette période de vaches maigres, il fustige la décision du gouvernement de maintenir les frais de

‘survey’ à l’égard des propriétaires d’embarcations. “Depuis 2020, le gouvernement nous a dispensé de la nécessité de payer le permis d’opération qui coute Rs 13 000 par an. Mais ils nous font payer le ‘survey’ qui coute Rs 2500 par an. C’est insensé tenant compte que le bateau ne va plus en mer.” De la même manière, il se dit énervé de ne toucher aucune compensation sous prétexte qu’il a atteint l’âge de la retraite. “Pourquoi les pêcheurs obtiennent une pension et pas moi ? Moi, on ne me donne rien parce que je suis retraité. Que croient-ils que je vais pouvoir faire avec Rs 9000 quand j’ai une compagnie à gérer ? Sans compter qu’on n’est même pas autorisé à aller pêcher pour amortir nos coûts.”

Ces opérateurs ne comprennent d’ailleurs pas pourquoi on ne les a pas laissés opérer depuis l’enclenchement de la première phase de déconfinement. “Le gouvernement devrait nous laisser travailler, à 50 % de notre capacité. Un bateau peut prendre 10 à 16 personnes. Même s’ils nous laissent emmener que 5 personnes, cela nous permettrait de couvrir une partie de nos frais et de diminuer notre stress”, dit Ludovic Dupré. “Nous nous sentons exclus, il est urgent que nous puissions recommencer à travailler, ne serait-ce que pour couvrir une partie de nos frais”, indique pour sa part Jayson Aerts.

Ils sont conscients que quand ils pourront opérer de nouveau, cela ne leur permettra pas de de couvrir les frais puisque les touristes ne seront pas-là. “Ce ne sera jamais comme avant, le tourisme représente 70 % de notre chiffre d’affaire. Avec une clientèle locale, qui obtient jusqu’à 40 % de réduction, c’est difficile”, explique Ludovic Dupré. Beaucoup d’opérateurs sont d’ailleurs obligés de changer de plan de carrière, tellement la visibilité sur l’avenir est floue. “Ce qui est chagrinant est que beaucoup de personnes sont entrain de vendre leurs bateaux, elles n’ont plus le choix. Là encore, trouver un client est très compliqué en ce moment”, souligne Ludovic Dupré.

“Je ne sais pas combien de temps on pourra tenir encore”

Du côté des restaurateurs, on se lamente des journées sans clients qui sont devenues la réalité du quotidien. “Hier je n’ai eu aucun client, tout comme avant hier. C’est très souvent comme-çà en ce moment. Si nous réussissons à avoir 3 ou 4 clients, ça nous permet de couvrir quelques frais. Je ne sais pas combien de temps on pourra tenir encore”, confie le gérant de restaurant à Grand-Baie qui n’a pas souhaité divulguer son identité. Un autre, à quelques mètres de là, nous refuse carrément tout commentaire. “Ena problem ladan”, lance-t-il.

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