Rentrée 2018 : Appréhensions et flou

– Quelque 13 165 étudiants font leur entrée dans leur « main stream »; 2 800 en « extended stream »

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Le Nine-Year Continuous Basic Education (NYCBE) aborde sa deuxième phase cette année avec l’entrée des premiers candidats du Primary School Achievement Certificate (PSAC) en Grade 7. Quelque 13 165 étudiants feront ainsi leur entrée au secondaire lundi. Si tous les manuels sont déjà disponibles pour la rentrée, les enseignants ne cachent cependant pas leurs appréhensions concernant la mise en pratique du curriculum élaboré dans le cadre de la réforme éducative. L’extended stream, qui remplace le prévoc, constitue la plus grande interrogation. Tous les acteurs se demandent si ces enfants n’ayant pas obtenu le minimum requis au PSAC pourront s’adapter au programme du secondaire.

Les admissions au primaire, au secondaire et au préscolaire se feront le 8 janvier. Les classes reprendront normalement le lendemain. Déjà, on prévoit des grincements de dents, les parents étant toujours insatisfaits des collèges alloués à leurs enfants. Roshan Boodnah, président de la Government Secondary School Teachers’ Union (GSSTU), admet que la rentrée se fait dans le flou. « Avec le mécontentement des parents, on ne sait combien d’enfants exactement se rendront dans le collège qui leur a été alloué. De même, nous ne savons s’il y aura suffisamment d’enseignants dans les collèges d’Etat en dépit du récent recrutement. »

Même s’il reconnaît que la réforme comporte « de bons éléments », il avance que « c’est dans la pratique qu’on saura s’ils sont applicables ou pas ». Il ajoute : « Nous avons suivi des formations. Le MIE a fait des présentations avec de beaux discours mais, sur le terrain, la réalité est autre. Attendons de voir ce qui est applicable ou ce qu’il faudra modifier. »
Pas moins de 14 matières attendent les étudiants du Grade 7 cette année, soit : l’anglais, la littérature anglaise, le français, la littérature française, les mathématiques, les sciences, les Technology Studies, l’ICT, les Social and Modern Studies, l’Art & Design, le théâtre et le kreol morisien ou une langue asiatique. Tous les manuels ont été préparés par le Mauritius Institute of Education et mis en vente à partir de Rs 50. Toutefois, le niveau des manuels est sujet à divers commentaires de la part des enseignants. Certains estiment en effet qu’avec l’approche ludique privilégiée, notamment avec les différentes activités, les livres ressemblent davantage à ceux du primaire qu’à des livres pour le collège.

Selon le curriculum de la réforme élaborée pour les Grades 7 à 9, l’objectif est de « promouvoir l’éducation pour un développement durable ». Ainsi, outre les matières principales, plusieurs « non core subjects », dont les Performing Arts, l’éducation physique et les “Life skills and values” ont été inclus. Parmi ces dernières, on retrouve également l’éducation à la sexualité, l’éducation aux valeurs citoyennes et l’éducation à l’interculturalité. Selon nos sources, ce sont les enseignants du prévoc, actuellement, qui auront la responsabilité de ces classes étant donné qu’ils avaient déjà des classes de « life skills » sous l’ancien système. Aucune indication en revanche sur le contenu de ces cours puisque le MIE n’a pas réalisé de manuel, contrairement aux autres matières.

Grande interrogation

Les enseignants ne cachent pas leurs appréhensions non plus concernant les « mixed abilities » dans les collèges. Avec la réforme et le retrait des national schools, les élèves de différents niveaux se retrouvent dans les mêmes établissements. « Déjà, il y a une différence entre celui qui a eu 75 points et l’autre qui a eu 90 points, même si les deux obtiennent au final le Grade 1. Pour nous, enseignants, le défi sera de nous préoccuper des aptitudes de l’enfant brillant et de l’enfant moyen à la fois. Or, nous n’avons pas été préparés pour cela », dit Roshan Boodnah.

L’extended stream demeure également une grande interrogation pour de nombreux acteurs de l’éducation. Ils sont environ 2 800 à intégrer cette filière, où ils suivront le même programme que le mainstream, mais sur quatre ans au lieu de trois. Beaucoup d’enseignants se demandent ainsi si ces enfants qui n’ont pu atteindre le minimum requis au PSAC pourront s’adapter au programme du secondaire. Aux dernières nouvelles, il semblerait que le MIE travaille sur des versions adaptées des manuels de grade pour les élèves de l’extended stream.

Yahya Paraouty, de l’UPSEE, va, lui, jusqu’à dire que l’extended stream est un « danger » pour les enfants. Il prévoit ainsi que ce système fera « plus de mal aux enfants issus de milieu défavorisé » qui ont déjà des difficultés scolaires (voir encadré). Roshan Boodnah est pour sa part d’avis qu’il faut un encadrement spécial pour ces enfants. « Personnellement, je pense qu’il faut une formation spécifique pour pouvoir mieux encadrer les enfants. »

En ce qui concerne l’éducation holistique, le programme de Grade 7 met l’accent sur l’art et l’éducation physique. Outre les classes classiques de dessin, l’apprenant aux classes de théâtre apprendra notamment l’histoire du théâtre, le rôle de l’art dans la société ainsi que différents exercices pour bâtir la conscience en soi et prendre conscience de son corps. Les classes de littératures anglaises font découvrir des poèmes et histoires à travers différents auteurs allant de William Blake à J.K. Rowling. En littérature française, l’enfant découvre les différents styles d’écriture, avec des exemples et des questions pour analyses. Quant aux classes d’éducation physique, elles survoleront le corps humain et les différentes postures avant de s’intéresser à différentes disciplines sportives.

Programme hebdomadaire du Grade 7

Le programme de la semaine d’un étudiant de Grade 7 comporte six classes de français, d’anglais et de sciences. Cinq classes sont aussi prévues pour les maths et le français. Les Social and Modern Studies et le kreol morisien/langues asiatiques comportent trois classes par semaine. Deux classes sont consacrées respectivement aux Technology Studies (regroupant Home Economics et Design and Technology), ICT, Art and Design, Business and Entrepreneurship Education, Performing Arts et Physical Education. En revanche, une classe seulement est prévue pour les “life skills” et la librairie. Les écoles disposent également d’une période supplémentaire à attribuer selon les besoins.

Calendrier scolaire 2018
Premier trimestre
9 janvier au 30 mars
(admission en Grade 1 pour le primaire et Grade 7 pour le secondaire le 8 janvier)

Deuxième trimestre
15 avril au 13 juillet

Troisième trimestre
6 août au 26 octobre (secondaire)
13 août au 1er novembre (primaire)

 

Des managers du secondaire privé sur le qui-vive

L’appréhension esdt de mise dans le camp des directeurs de collèges privés appréhendent l’année scolaire 2018, en raison d’une réduction du nombre d’élèves en Grade 7. Ils seront fixés sur le nombre exact d’admis en première année chez eux dès lundi. Mais de par l’expérience des années passées, ils craignent que des parents ne changent d’avis et choisissent une autre école pour leurs enfants. Ces managers sont quelque peu agacés par la demande insistante de la Private Secondary Education Authority (PSEA) de soumettre au plus tard vendredi dernier le “time-table” alors qu’ils ne savent pas, disent-ils, le nombre de classes qu’ils auront.

« D’habitude, on soumet le “master time-table” durant la deuxième semaine de la rentrée scolaire. On ne comprend pas cet empressement de la PSEA à nous réclamer le “time-table”, d’autant qu’il y a encore trop de choses floues dans la mise en œuvre de cette première année de réforme au secondaire », lance le directeur d’un collège privé des Plaines-Wilhems. « La distribution des périodes dépend du nombre d’élèves. Comment peut-on finaliser le “time-table” si on ne connaît pas le nombre d’élèves que nous aurons ? » ajoute un autre responsable d’école des Plaines-Wilhems.

Des officiers de la PSEA, qui ont fait la tournée des collèges ces derniers jours pour vérifier que tout soit prêt pour la rentrée d’après-demain, se disent satisfaits de l’encadrement scolaire des endroits visités. Ils confirment une réduction d’élèves en première année dans plusieurs établissements.

Mais les managers, confrontés à la baisse d’élèves en Grade 7, ne sont également pas tranquilles pour une tout autre raison : les nouveaux critères d’admissions en Lower VI, en vigueur cette année, et qui risquent, selon eux, d’aggraver le manque d’élèves dans leur établissement après la publication des prochains résultats de SC, prévus pour la dernière semaine de janvier. Selon un nouveau règlement du ministère de l’Education, à compter de cette année, seuls les détenteurs de “Five Credits” en SC seront autorisés à poursuivre les classes de HSC. « Nous avons l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de notre tête », dit l’un des managers.

La Managers Private Secondary Schools Union (MPSSU), qui regroupe une vingtaine de collèges, proteste contre cette nouvelle mesure par le biais d’une demande de “Judicial Review”. L’affaire sera appelée en Cour suprême vendredi prochain.
Par ailleurs, les établissements privés recevant déjà les élèves ayant un faible niveau de performance académique à la sortie du primaire craignent que les nouveaux admis soient encore plus faibles en raison des changements dans le “grading system”. Dans ce contexte, certains collèges ont déjà envisagé de faire passer à leurs nouvelles recrues, pendant le premier mois de l’année, un test d’aptitudes dans les “core subjects”. En fonction des resultats, ces collèges envisagent la mise en place d’un accompagnement scolaire.

Une histoire de registre suscite la polémique

– D’un côté, des opinions différentes parmi des profs sur un mot d’ordre syndical et, de l’autre, le ton menaçant des managers envers le syndicat, très critiqué dans les écoles

Dans le secondaire catholique, deux questions suscitent la polémique en ce début d’année : d’une part, le mot d’ordre du syndicat des enseignants à ses membres pour ne plus prendre la présence des élèves et, de l’autre, le ton virulent employé par le Management Catholic Confessional Colleges dans un communiqué pour donner la réplique à cette action syndicale. Les deux parties doivent se présenter devant le Conciliation & Mediation Board du ministère du Travail mardi pour régler ce différend.

D’abord, il y a divergences au sujet de ce mot d’ordre donné par la School Teachers and Other Staff Union (SPSTSU). Tout en appréciant le travail de leur syndicat, certains membres estiment que « le syndicat n’aurait pas dû adopter une position aussi tranchée sur le registre sans avoir discuté au préalable avec le management».

« Cela ne me dérange pas de prendre la présence des élèves car cela permet aux profs d’avoir quelques échanges avec eux », explique ainsi cette enseignante avec plus de 25 ans d’expérience. « S’il y a eu quelques problèmes dans certaines écoles, il serait bon que les responsables des établissements et le syndicat en discutent sereinement pour voir comment améliorer les choses en intégrant les propositions du syndicat », suggère-t-elle.
D’autres enseignants, eux aussi, préconisent le dialogue plutôt que l’affrontement. « Chacune des deux parties a raison sur certains points et est dans l’erreur sur d’autres aspects. Qu’ils s’asseyent autour d’une table pour trouver les solutions qui conviennent le mieux pour la bonne marche de l’école au lieu d’aller s’affronter dans d’autres instances », disent-ils.

Mais d’autres membres de la SPSTSU émettent une autre opinion en soulignant le caractère légal du registre de présences des élèves et donnent ainsi raison à leur syndicat sur ce mot d’ordre. « Le registre est un document légal qui est d’une importance capitale pour l’obtention des “grants” et pour la subvention aux “fees” d’examens de SC/HSC. De ce fait, l’administration de l’école doit assumer la responsabilité du “roll call” et du registre officiel et des enseignants peuvent donner un coup de main s’ils le souhaitent », soutiennent ces enseignants.

Face à ces divergences, la direction de la SPSTSU affirme que « la décision de ce mot d’ordre a été prise à l’unanimité lors d’une réunion de délégués syndicaux » de tous les collèges. « Depuis le début de l’année 2017, des membres ont demandé à plusieurs reprises au syndicat de prendre cette position, mais nous avons préféré attendre la fin du troisième trimestre pour donner ce mot d’ordre, qui doit être effectif à partir de cette année. Ce mot d’ordre a été lancé au moins de septembre et, à cette date, nous nous sommes dit que le SeDEC aurait suffisamment de temps pour faire une demande aux autorités pour le recrutement d’un “usher” dans chaque école », expliquent les responsables de la SPSTSU.

D’autre part, des membres de la SPSTDSU condamnent sévèrement le management des collèges pour le « ton menaçant » utilisé envers leur syndicat dans une “Important notice” en date du 15 décembre. « Ce ton vitriolique ne fait pas honneur à la direction de l’éducation catholique », disent-ils. « Ce genre de menace date d’une autre époque et ne cadre pas avec la doctrine sociale de l’église, qui encourage les salariés à se syndiquer pour mieux connaître et défendre leurs droits. Par cette attitude, le management des collèges n’encourage pas à être membre du syndicat », poursuivent-ils.

Alors que cette “Important notice” en date du 15 décembre a été envoyée par les Management Catholic Confessional Colleges, certains managers ont confié à leur entourage qu’ils n’ont pris connaissance de son contenu qu’après avoir reçu ledit document par e-mail du SeDEC et qu’ils n’auraient pas apprécié le ton employé.

Bashir Taleb (président de la Fédération des managers des collèges privés) : « Réduction d’élèves brutale dans certains collèges »

Avec quels sentiments vos membres entrent- ils dans la nouvelle année scolaire ?
Plusieurs de nos membres sont concernés par le peu d’élèves reçus en Grade 7 et en sont consternés. Cette réduction est brutale dans certaines écoles. La PSEA est consciente de
cette situation puisque nous avons eu une réunion à la fin de l’année. Pour limiter les dégâts concernant un risque réel de personnel surnuméraire, la PSEA a proposé une diminution du nombre d’élèves par classe. À titre d’exemple, une école ayant reçu seulement une trentaine d’élèves peut les répartir dans deux classes. Il faut avouer que ce n’est pas une mauvaise chose de travailler avec moins d’élèves, d’autant que bon nombre qui arrivent dans nos collèges sont dans la catégorie de faible performance académique. Avec peu d’élèves en classe, les enseignants pourraient accorder une attention plus soutenue et personnalisée à ceux ayant de grosses difficultés d’apprentissage. Nous sommes aussi inquiets par le manque d’intérêt des jeunes pour les matières scientifiques à partir de la Form IV. Au niveau des Grades 7 à 9 (Forms I à III) ces matières sont obligatoires, mais au niveau de la Form IV (Grade 10), elles sont optionnelles. Un collège peut se retrouver avec seulement trois à quatre élèves pour le programme d’études de SC.

La PSEA a dit qu’il n’y aura pas de réduction de personnel non-enseignant malgré la baisse du nombre d’élèves et on espère que cet organisme tiendra parole pour ce qui est des laborantins et du personnel travaillant dans des “specialists rooms”. On y veillera.
Ne pensez-vous pas qu’il est temps de réfléchir à un plan de fermeture de certains établissements ? Nous aurions souhaité que les autorités commencent à parler de fermeture inévitable de certains établissements dans le moyen terme et, éventuellement, de compensation pour les managers concernés. Nos membres sont prêts à entamer des discussions sur ces questions car c’est l’idée que la fédération a émise depuis longtemps. Cette compensation souhaitable représente les investissements et les années de service pour l’éducation des enfants mauriciens n’ayant pas eu de chance d’avoir une place dans un collège d’Etat. Plusieurs promoteurs du secondaire privé ont préféré mettre au service de la nation le patrimoine familial qu’ils auraient pu exploiter de manière profitable dans d’autres secteurs. Ils ont choisi d’investir dans l’éducation et dans le développement de plusieurs générations de Mauriciens et ce choix a profité au pays.

Est-ce que les collèges ont finalement obtenu tous les renseignements nécessaires pour l’organisation de la classe pour l’Extended Stream ?
Nous sommes toujours dans un flou total concernant la mise en oeuvre du programme d’études pour l’Extended Stream, d’une part parce que plusieurs questions sont encore en
suspens et, de l’autre, parce que la formation dispensée au personnel au mois de décembre
n’a pas été adéquate. Nous constatons qu’il y a beaucoup « d’à-peu-près » et de confusion
à plusieurs niveaux de cette classe où seront admis les élèves n’ayant pas atteint le niveau
du PSAC. Les profs sont toujours dans la brume. À titre d’exemple, nous ne sommes
toujours pas fixés sur le programme d’études et, en outre, les autorités gardent un grand silence au sujet de l’examen auquel les élèves de l’Extended Stream prendront part à la fin du Grade 9. Le ministère a dit que la première année de l’Extended Stream doit être consacrée à une remise à niveau. En fait, à mon avis, il y aurait beaucoup de remise à niveau à faire parce que la majorité d’élèves peut tout juste écrire leur nom et leur adresse en arrivant au collège. Ils ne peuvent aller plus loin parce qu’ils ne savent ni lire ni écrire. C’est le constat qu’on a fait pendant les années de Prevocational Education malgré les efforts du personnel enseignant et un programme adapté aux besoins de ces élèves. Ce qui nous conduit à nous demander : « Qu’est-ce qui ne marche pas pendant les six années d’études au primaire ?»

Le ministère a fait beaucoup de promesses pour cette réforme au secondaire et, d’après ce que vous dites, c’est encore un fouillis. Qu’attendez-vous des autorités en ce premier trimestre ?
D’abord, il serait souhaitable que le ministère, dès la première semaine de l’école, communique les chiffres de la rentrée 2018 en Grade 7, tant pour le secondaire d’Etat que
pour le privé, et préférablement en donnant un tableau comparatif par rapport à l’année
dernière. Au cours du mois de janvier, les autorités devraient organiser des rencontres avec les partenaires du secondaire pour donner des informations précises sur plusieurs points, que ce soit pour le Grade 7 ou pour l’Extended Stream. Cela permettra aux partenaires de poser des questions. Ainsi, on aurait souhaité qu’à la fin février, tout soit clair dans la tête de tous les partenaires du secondaire privé, soit les parents, les enseignants, les managers et les élèves. Chacun doit savoir où on va et de quelle manière on atteint ces objectifs. Il y a aussi le prochain exercice d’admission en Lower VI qui nous préoccupe sérieusement et on espère que cela ne causera pas beaucoup de problèmes aux élèves et aux écoles. Il y a une espèce de silence bien calculé des autorités au sujet de l’entrée en Lower VI.

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