Retour de Wuhan et de France : « 15 jours de stress et de pressions », témoigne Clarence Ah-Choon, étudiant

  • L’étudiant Mauricien : « Plusieurs tests ont été réalisés sur notre groupe. Nous sommes tous négatifs et avons pu regagner nos pays »

Clarence Ah-Choon, étudiant en architecture à l’Université de Wuhan, faisait partie des 70 personnes, dont des Mauriciens, à avoir quitté cette ville chinoise le 1er février afin d’être gardés en quarantaine à Aix en Provence, en France, dans une école supérieure de sapeurs-pompiers. Le jeune homme est rentré lundi dernier au pays avec la tête remplie de souvenirs… pas comme les autres ! « Ce sont 15 jours que je n’oublierais jamais », lâche-t-il d’emblée. Rencontre.

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Jennifer et Cyril Ah-Choon sont soulagés et peuvent enfin afficher le sourire. La raison ? Leur cadet, Clarence, étudiant à l’Université de Wuhan, en Chine, foyer de l’épidémie du Covid-19, est enfin rentré au pays. Clarence savoure aussi ce retour. « Je suis content d’être rentré. Je suis soulagé pour mes parents, qui étaient très inquiets… De m’avoir devant eux, c’est mieux que de me voir en “videocall” ! »

« Les Français sont de vrais professionnels, ça, il n’y a rien à dire. Ils se sont bien occupés de notre groupe durant cette période de quarantaine. On n’a manqué de rien et ils étaient surtout très vigilants par rapport au Covid-19, guettant et veillant l’éventuelle apparition du moindre symptôme. Heureusement, aucun de nous n’a été testé positif. Tous les dépistages et tests réalisés ont été négatifs, et donc, on a pu regagner nos pays, Dieu merci ! », fait-il comprendre.

Clarence concède : « Ces 15 jours de quarantaine étaient épuisants, moralement surtout. C’était un stress et une pression permanente pour chacun de nous. » Il se souvient : « On avait tous des masques en permanence, que ce soit ceux qui avaient été transférés de Chine ou ceux qui prenaient soin de nous. Et chacun était inquiet. On était constamment en proie à des doutes et des questions. »

Dans ce groupe qui a atterri en France, « il y avait des Mexicains, des Seychellois, des Suisses, des Français, des Roumains… des ressortissants étrangers ayant épousé des Chinois ». Mais aussi, outre des étudiants, « il y avait aussi des salariés ». Toutefois, rien n’aura été simple.

Ainsi, quand ils quittent l’ambassade de France, à Wuhan, pour se diriger vers l’aéroport, ils sont loin de deviner l’aventure qui les attend. « Nous avons pris l’avion après de longues heures d’attente, tant à l’ambassade qu’à l’aéroport », dit-il. Il faut en effet savoir que l’ambassade a rarement à faire face à ce type d’exercice d’évacuation, selon lui.

« Il y avait énormément de paperasseries et de procédures à suivre ! » Chaque passager transféré avait droit à une valise de 20 kilos. Arrivés à Aix en Provence, sur le tarmac d’une base militaire, où ils débarquent, indique Clarence Ah-Choon, plusieurs pays – comme la Suède, la Belgique et la Hongrie – avaient envoyé leurs propres avions et effectifs pour prendre en charge leurs ressortissants.

École de pompiers

Une fois débarqués de l’avion, l’étudiant mauricien et les autres voyageurs sont dirigés vers des salles vertes spécialement aménagées à même le tarmac, et où s’affairaient des membres du personnel médical (médecins, infirmiers…).

« Nous sommes passés individuellement au scanner thermique, et on nous a aussi pris la température via un thermomètre sous les aisselles. Nous avions à répondre à une série de questions sur notre état de santé ou encore si nous avions des problèmes respiratoires. » Ce premier cap de détection passé, tous ceux qui n’étaient pas des cas suspects ont été dirigés vers l’école de pompiers de la région.

Entre-temps, il y a eu « un petit malentendu », se souvient Clarence : « Deux Mauriciens de notre groupe ne se sentaient pas trop bien et ont été placés en isolation. En réalité, ils n’étaient pas porteurs du coronavirus, mais comme nous avions passé de longues heures d’attente, ils étaient probablement fatigués, vulnérables à des allergies et d’autres pathologies. Au final, tout est rentré dans l’ordre. »

A l’école des pompiers, les nouveaux arrivants sont accueillis par de jeunes recrues et des soldats du feu. « Ils se sont relayés nuit et jour durant cette quinzaine », ajoute-t-il, étant aux petits soins pour les arrivants et s’assurant que « tout se passe bien tant pour le personnel médical que pour nous ». Faute d’autres activités, Clarence se concentre sur ses notes et ses cours. « Je suis en phase finale de mes études. Donc, même s’il y a ce report, je dois rester en contact avec mes études. Parce que dès que nous allons reprendre, ça ira très vite. »

Les personnes placées en quarantaine ont eu droit à trois repas quotidiens. « Il y avait un périmètre de sécurité et un petit jardin, où on avait la possibilité de se dégourdir les jambes. » S’ils ont chacun une chambre, « comme sur un campus universitaire », en revanche, les activités de groupe – « comme les repas, jouer au Scrabble, aux cartes ou aux puzzles, pour les enfants mexicains par exemple » –, se déroulaient au gymnase, qui avait été aménagé à cet effet. « Nous avons essayé de ne pas trop stresser et de penser au virus. On jouait en petits groupes, à mettre de l’ambiance, à chanter, à danser… C’était sympa ! »

Fraterniser

Les premiers jours, se souvient encore le jeune homme, « chacun restait dans son petit coin, caché derrière son masque timidement, ne voulant pas trop se mêler aux autres ». Jusqu’au cinquième jour, dit-il. « On a alors commencé à fraterniser. J’ai par exemple bavardé avec un Chinois qui travaille en France, et dont les parents âgés sont des médecins à Wuhan. Il était très préoccupé pour eux, sachant qu’ils bossent à l’hôpital et ont chaque jour des patients porteurs du virus. »

Il se souviendra cependant longtemps de sa dernière soirée : « Nous étions rassurés puisque tous les tests pratiqués sur nous avaient été négatifs. Le retour au pays était une quasi-certitude. De fait, nous avions organisé un “Countdown”. Juste avant minuit, nous avions compté tous ensemble, réunis dans le gymnase, avec les pompiers, et à zéro, nous avons tous enlevé nos masques en signe de victoire ! » C’est là, dit-il, « qu’on a enfin vu les visages de certains d’entre nous, surtout des pompiers qui s’étaient occupés de nous ».

De retour à Maurice, Clarence Ah-Choon profite de ces quelques jours de congé forcé. « Je sais que dans peu de temps, j’aurais à rentrer en Chine pour terminer mes études. » Entre-temps, les autorités de l’université se sont déjà organisées. « J’ai déjà établi des contacts en ligne avec mes professeurs. C’est le cas aussi pour les autres étudiants. Ils nous envoient nos devoirs et sujets à étudier. Ceux qui doivent présenter leurs dissertations doivent aussi déjà s’y mettre. » Jennifer et Cyril, eux, se disent « ravis ». Et les parents du jeune homme de conclure : « Dieu a écouté et exaucé nos prières. Nous étions très tracassés pour lui, mais heureusement, il est là avec nous maintenant. Tout ira bien ! »


« Les Chinois ont pris des risques et des mesures extrêmes »

Il a passé plusieurs années en Chine et est depuis 2016 à Wuhan, à l’université, où il entame les dernières années de ses études en architecture. Pour avoir été témoin depuis décembre de l’angoisse ayant suivi l’apparition de l’épidémie de Covid-19 dans le monde entier, Clarence Ah-Choon dresse un constat : « Les Chinois ont d’emblée décidé de contenir le virus dans ces zones et régions les plus à risques, et ont accepté de sacrifier l’économie de leur pays. La preuve que ce ne sont pas des idiots. Ils ont réalisé qu’une telle décision mettra évidemment à mal leur situation financière et leur économie, nationale et internationale. »

Poursuivant, il note : « En fermant ses frontières, en stoppant ses exportations, en acceptant d’arrêter la production à échelle nationale – puisque des usines, notamment, sont fermées –, et en prenant d’autres mesures similaires, la Chine a opté pour une attitude de “Safe & Healthy”, plutôt que de privilégier l’aspect commercial, privilégiant ses finances, tout en faisant prendre des risques à tout le monde sur notre planète. » Le jeune étudiant rappelle : « En comparaison, l’épidémie de H1N1 avait fait de nombreuses victimes autour du monde, des Etats-Unis à la Chine, en passant par l’Europe et l’Australie, et même dans notre région. En cela, même s’il y a eu forcément quelques failles et couacs, il convient de saluer les efforts de l’État chinois face à cette épreuve. Ils ont pris les bonnes décisions. »

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