SAJ, l’un des piliers du renouveau sportif

L’ancien Premier ministre et président de la République, Sir Anerood Jugnauth, décédé dans la nuit de jeudi, est connu pour être le père du développement économique. A bien voir, il a aussi été étroitement lié, avec son ministre des Sports de l’époque, Michael Glover, à transformer la face du sport local. Partant de pratiquement rien, ils ont constamment et énormément contribué, en 11 ans (1984-1995), à faire de ce domaine ce qu’il est aujourd’hui, structurellement et infrastructurellement parlant.

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Il aura donc fallu que la dernière apparition de SAJ sur un terrain sportif se fasse lors des 10es Jeux des Iles de l’océan, la troisième qu’organisait le pays en 2019 — tous sous le gouvernement MSM et en 2003 lorsqu’il était en alliance avec le MMM. C’est justement en 1985 que tout à commencer. Au pouvoir à peine trois ans après son élection, et deux ans après la cassure avec le MMM, SAJ prit la décision d’organiser les 2es Jeux, alors que le pays tenait à peine debout économiquement. A l’époque, Maurice était dépourvu d’infrastructures de haut niveau, si ce n’est le vieux stade George V, l’héritage légué du temps de la colonisation anglaise.

SAJ-Micheal Glover : une complicité à toute épreuve

Maurice partait alors de rien et ces Jeux, au coût de Rs 25M, permit la construction d’un gymnase de volley-ball à Vacoas (Pandit Sahadeo) et d’un stade d’athlétisme à Réduit (Sir Maurice Rault à l’époque, puis rebâptisé Maryse Justin). La piscine Serge Alfred de Beau-Bassin étant, elle, entièrement financée par la France. Michael Glover s’en souvient comme-ci c’était hier. « SAJ a toujours été un très bon Premier ministre. C’est quelqu’un qui prend des décisions rapides, qu’elles soient positives ou négatives. Avec lui, au moins, on savait sur quel pied danser », se remémore-t-il.

Une longue et belle collaboration

Et Michael Glover ne regrette pas cette longue collaboration avec l’ancien PM et ensuite président de la République. Il en parle du reste avec fierté de leur tout premier gros chantier qu’aura été les 2es JIOI. « Le gouvernement n’avait pas d’argent à cette époque et pourtant, nous avons organisé des Jeux à succès avec seulement Rs 25M ! Je me souviens avoir dit à SAJ que cela allait être difficile d’organiser ces Jeux avec une telle somme et lui m’a répondu : Debrouye twa piti. Gete kouma to pou fer », fait-il remarquer avant de poursuivre: « je lui ai fait comprendre qu’on aura besoin de Rs 3M supplémentaires pour construire un gymnase pour le volley, le basket et le judo à Vacoas. Savez-vous ce qu’il m’a répondu ? Monn dir twa pa pou gagne enn sou anplis. Debrouye twa. C’était ça SAJ. C’est du reste de cette main de fer qu’il a redressé le pays économiquement. » Une loterie est alors organisée et une voiture mise en jeu pour la première fois. Résultat: Rs 3M obtenus et le gymnase Pandit Sahadeo construit !

L’ancien ministre des Sports garde aussi le souvenir d’un SAJ heureux, voire satisfait du devoir accompli, notamment à l’heure où Maurice remportait la médaille d’or en football face à La Réunion. Et ce, même si, au final, le pays n’avait pu se hisser à la première place au classement général des médailles.

Ce que retient surtout l’ancien ministre des Sports, c’est qu’à eux deux, ils ont posé le socle même du développement du sport à Maurice. « SAJ a toujours été à l’écoute. Le plus important c’est qu’il m’a laissé libre à mes idées et ma vision du sport, tout en me soutenant à sa façon. J’ai eu la chance de travailler en toute liberté et cela a été un point saillant pour le développement du sport à Maurice. Sans lui, je n’aurai pu accomplir tout ce qui a été mis en place », explique-t-il.

L’étape CNFF

Michael Glover se souvient aussi comment il a convaincu SAJ à mettre en place un Centre national de formation de football (CNFF) à la fin des années 80. Lui qui était d’ailleurs un passionné de cette discipline et grand fan de la sélection mauricienne et de Manchester United. Equipe qu’il a eu l’occasion de voir en déplacement face à Blackburn Rovers en 2004 et même de rencontrer le légendaire Sir Alex Ferguson.

Pour l’ancien ministre, le plus gros souci de mettre en place un centre de formation était de trouver le financement pour rémunérer un entraîneur étranger de calibre, afin de dispenser une formation de haut niveau aux jeunes. « SAJ et moi se sont retrouvés à l’ambassade de France à l’occasion d’un dîner et nous étions assis à la même table que l’ambassadeur d’alors. J’en ai alors glissé subtilement à SAJ : Profite dir li nou pe rod enn xper franse pou mont enn sant formasion. »

Aussi surprenant que cela puisse paraître, SAJ a, selon Michael Glover, fait la demande instantanément comme lui seul sait le faire. « C’est toujours très important d’avoir quelqu’un de la trempe de SAJ dans des moments pareils. D’ailleurs, quelque temps seulement après le dossier a été approuvé ! Nous avons eu le feu vert de la France pour choisir un technicien et c’est vers François Blaquart que nous nous sommes tournés. En 1995, nous avions sept joueurs professionnels évoluant en Europe et SAJ y est pour quelque chose », déclare-t-il.

Michael Glover parle aussi de développements sportifs « faramineux » réalisés avec le soutien de SAJ entre 1984 et 1995. Hormis les infrastructures construites en 1985, il y a eu  également la construction d’un centre national de badminton (Rose-Hill), un complexe sportif à Vacoas (boxe, lutte et haltérophilie), un gymnase à Phoenix (basket) — JIOI 2003 —, des stades dotés d’une piste synthétique à Belle Vue et Flacq et une piste d’entraînement synthétique à Rose-Belle, sans oublier la construction de centres de jeunesse à travers l’île. « Il est important de noter que nous avons décentraliser le sport avec l’aménagement de ces infrastructures dans différentes parties du pays. C’était aussi cela notre vision », dit-il.

Un homme de caractère

L’ancien ministre évoque aussi la mise en place du Trust Fund for Excellence in Sports sous l’ère SAJ, motivée, dit-il, quelque temps seulement après la médaille d’or de Stephan Buckland au 100m et 200m aux Jeux de la Francophonie de 2001 au Canada. Il avait alors battu le renommé Bruni Surin dans l’épreuve reine.

Par ailleurs, Michael Glover a trouvé en SAJ un homme de fort caractère, qui inspirait de la confiance et à qui on ne pouvait rien refuser, surtout pas lui. En 1988, après le départ de Sir Gaëtan Duval et du PMSD du gouvernement, SAJ l’a convoqué. « Il m’a demandé de le remplacer au sein des trois ministères dont il en avait la charge. C’était même pas une question. Il m’a ensuite dit: Al gete kouma to pou debrouye twa piti. C’était la confiance qu’il avait en moi, alors que moi je me retrouvais avec cinq ministères à gérer ! », déclare-t-il. Il se souvient aussi comment SAJ avait convoqué, dans son bureau, l’ambassadeur de la Libye, Al Jaddy, avant de lui lancer ce cinglant : « By tonight, I want you out of this country and I’ll make sure you get out of it. »   

En dernier lieu, Michael Glover se remémorera toujours cette réunion du Conseil des ministres où un député s’était plaint de ses mandats qui lui reprochaient son absence dans la circonscription. « Anerood s’était mis debout pour lui dire : Gete bolom, mwa osi monn gagne mem remark dan mo cirkonskription dan Rivyer di Rampar. Monn dir boug la bez mo foto met dan to salon, koumsa to pou trouv mwa toulezour ! », conclut-il.

Témoignages

Devanand Ritoo (ancien ministre des Sports)

« Sa connaissance du football m’a toujours émerveillé »

« Comme tout le monde, c’est une nouvelle qui nous attriste. J’ai eu l’occasion de connaître SAJ alors que je terminais ma carrière de footballeur et ensuite comme ministre. C’est un grand passionné du football et qui, malgré le fait d’avoir des difficultés à circuler, se faisait toujours un devoir d’assister aux matchs de la sélection nationale quand il était président de la République. Sa connaissance du football m’a toujours émerveillé. Il était du reste toujours très juste dans sa lecture du football et même d’un point de vue arbitral. Aussi, on discutait pendant tout le match quand on était réuni. J’étais aussi étonné de voir à quel point Lady Sarojini était impliqué dans la conversation et était une fin connaisseuse. Ce qui m’a le plus surpris, c’est que SAJ suivait non seulement le football anglais, mais également le football africain. Cela démontre à quel point il était un vrai passionné du football. »

Benjamin Théodore (Ancien international)

« Toujours été très proche des sportifs »

« Je suis attristé étant donné que SAJ a toujours été très proche des sportifs et des footballeurs surtout. Il était toujours présents lors des grands matchs de l’époque et ne ratait pratiquement jamais les finales et autres rencontres de la sélection nationale. J’ai eu le privilège d’être capitaine en 1986 lors d’un match amical face à La Réunion. J’ai fait la présentation des joueurs aux côtés de SAJ et je peux dire que cela a été un grand moment dans ma carrière. Je me souviens aussi de l’homme passionné qu’il était et comment il avait piqué une grosse colère lorsqu’il avait appris une démarche visant à exclure notre sélection nationale de football des JIOI de 1985. Il est intervenu, nous avons remporté la plus belle des médailles et je suis sûr à quel point il était fier et heureux. »

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