Six mois après le naufrage du Wakashio : Rivière-des-Créoles retrouve ses couleurs et… ses ordures

Des résidents : « Cela montre quelle considération ils ont pour nous »

Des déchets abandonnés sur la rive après le nettoyage

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Un gros sac rempli de tissus abandonnés sur la rive. Un oubli sans doute, après cinq mois de travaux dans cette région affectée par la marée noire du MV Wakashio. Mais pour les habitants de Rivière-des-Créoles, c’est le témoignage même de l’importance qu’on accorde à ce village. Ils se demandent, en outre, pourquoi les visites guidées organisées après la fin des travaux n’ont pas inclu la région. Pour eux, Rivière-des-Créoles, au cœur de l’actualité il y a quelques mois, est retombé dans l’oubli.

Une forte odeur d’algues marines flotte dans l’air à l’approche de la plage de Rivière-des-Créoles. Sous des arbres et dans le kiosque, des résidents du quartier font la causette. Ils sont heureux de pouvoir à nouveau respirer à pleins poumons. Il y a six mois, lorsque le MV Wakashio avait déversé son huile dans le lagon de Pointe-d’Esny, une grande partie s’était échouée sur la plage, faisant de Rivière-des-Créoles un village sinistré. L’air était irrespirable pour les résidents de la localité. Certains avaient même préféré se rendre chez des proches ailleurs, pendant un certain temps afin d’éviter des complications de santé.
Les bruits de moteurs et le va-et-vient des équipes de nettoyage se sont tus aujourd’hui et le calme s’est à nouveau installé dans le village. Jugdish, qui prend l’air au bord de la mer avec son ami, dit n’avoir jamais témoigné d’un tel événement. « Je vis ici depuis l’enfance. C’était impressionnant de voir la mer devenue toute noire. L’odeur du pétrole était si persistante. Je ne pensais pas que la mer allait être nettoyée aussi vite et qu’on allait pouvoir s’asseoir à nouveau au bord de l’eau », dit-il.

Toutefois, le sexagénaire ne cache pas son mécontentement au sujet des déchets laissés sur la plage depuis la fin des opérations. « Regardez ce sac, il est rempli de tissus qu’on avait utilisés comme “waste” pour le nettoyage, on l’a laissé sur place. On n’a pas pensé que cela pourrait incommoder les habitants ou attirer des rats ? », se demande-t-il.
Rakesh et Azim, assis un peu plus loin, partagent la même inquiétude. Quand on nettoie, disent-ils, « il faut nettoyer partout et pas seulement la mer ». Les deux hommes montrent l’herbe qui a atteint une certaine hauteur. Ou encore des cannettes et bouteilles en plastique répandues sur le sol. « On n’assure même pas l’entretien. Cela montre à quel point Rivière-des-Créoles est abandonné. Auparavant, la compagnie Atics nettoyait régulièrement la plage, puis la Beach Authority a pris la relève. Mais on ne voit aucun progrès. »

Les résidents du village se disent d’autant plus en colère qu’ils n’ont reçu aucune visite de leurs députés, pour faire un suivi de la situation. « On les a vus les premiers jours, accompagnant le Premier ministre, mais ne devaient-ils pas venir se rendre compte de la situation dans laquelle nous vivons ? Ne fallait-il pas s’enquérir de notre état de santé ou des difficultés auxquelles nous avons à faire face ?»

Ces derniers montrent les pirogues flottant sur la mer et indiquent que de tous les pêcheurs de la localité, seuls quatre ou cinq ont une carte professionnelle. « La majorité des pêcheurs ici sont sans carte. En ce moment, ils ne peuvent travailler car la pêche est interdite dans le lagon. De quoi leur avenir sera-t-il fait ? Là encore, personne ne semble s’y intéresser. »

Inévitablement, la question de compensation revient sur toutes les lèvres. Les résidents de Rivière-des-Créoles rappellent que la région a été la plus affectée par la marée noire. « Ne fallait-il pas que nous soyons dédommagés en premier ? Comment va-t-on procéder pour cela. Nous n’en savons rien. Personne n’est venu nous voir. À chaque fois on entend à la radio que les pêcheurs seront dédommagés, mais qu’en est-il des résidents ? N’avons-nous pas été affectées également ? »

En attendant des réponses à leurs questions, les habitants de Rivière-des-Créoles essaient, tant bien que mal, de reprendre le cours de leur vie. Ils savent que rien ne sera plus comme avant. « Lontan ou ti pran enn golet ou al rod enn kari. Aster pa kapav… », se désole Jugdish.

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