Un rapport britannique, signé Francesca Del Mese, souligne l’urgence d’un Ring Fencing de l’article 72 de la Constitution
Le Bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) a rendu public un document qui pourrait marquer une évolution importante dans l’architecture institutionnelle du pays. Ce rapport, confié à Francesca Del Mese – avocate internationale, juge à la Crown Court au Royaume-Uni et membre du très délicat Investigatory Powers Tribunal – constitue une première, car jamais auparavant une analyse aussi approfondie n’avait été menée sur les forces, les faiblesses et les besoins futurs de cette institution. L’initiative a été soutenue financièrement par le gouvernement du Royaume-Uni par l’intermédiaire du haut commissariat à Maurice.
Dans ses conclusions, Del Mese revient longuement sur plusieurs épisodes récents qu’elle estime avoir fragilisé l’indépendance du DPP. Elle cite notamment la période où le Bureau avait été placé sous la tutelle administrative de l’Attorney General, la tentative – via le Financial Crimes Commission Act 2024 – de transférer des pouvoirs de poursuite à une nouvelle entité, ainsi que les nombreuses actions en justice visant à contester ou neutraliser ses décisions. Selon elle, ces incidents démontrent la nécessité de revoir la Constitution afin de renforcer explicitement les attributions du DPP inscrites à l’article 72 et de prévenir toute tentative future de contourner son autorité.
Un autre chapitre important du rapport concerne la gestion du personnel. Aujourd’hui, les recrutements, promotions et affectations des Law Officers relèvent entièrement de la Judicial and Legal Service Commission, sans implication directe du DPP. Cette configuration engendrerait, selon l’experte, un manque de cohérence dans la hiérarchie interne et une absence de vision stratégique. Elle plaide donc pour que le DPP puisse diriger lui-même ces volets essentiels, surtout en vue de la mise sur pied du National Prosecution Service (NPS).
Le document propose également de constitutionnaliser un mécanisme inspiré du modèle kényan : le DPP pourrait formuler des requêtes officielles pour qu’une enquête soit initiée ou poursuivie par la police ou une autre agence, tout en restant en dehors de la conduite opérationnelle de ces investigations. Une telle coordination en amont serait, selon l’auteure, indispensable pour les dossiers complexes et permettrait d’éviter les enquêtes incomplètes, bloquées ou excessivement lentes.
Parmi les autres recommandations figurent l’octroi d’une immunité partielle au Parquet, l’adoption d’une loi encadrant spécifiquement le fonctionnement du bureau du DPP ou du futur NPS, ainsi que la création d’unités spécialisées afin d’actualiser la structure de poursuite pénale.
Dans un communiqué émis hier, le DPP Rashid Ahmine, Senior Counsel, a salué l’ensemble de ces propositions et annonce qu’il entamera des échanges avec les autorités concernées.

