Remise d’un chèque de Rs 1,8 milliard sous le Special Economic Package à Navin Ramgoolam par le haut-commissaire indien, Anurag Srivastava
Le site historique de l’Aapravasi Ghat a retrouvé, hier matin, la ferveur des grands jours à l’occasion de la cérémonie marquant le 191e anniversaire de l’arrivée des premiers travailleurs engagés à Maurice. Cet événement, le premier organisé depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, a rassemblé un large public sur les quais de Trou-Fanfaron, dans une atmosphère de recueillement et d’émotion.
La cérémonie a débuté par le dépôt de gerbes sur les marches du site, en présence du président de la république, Dharam Gokhool, du Premier ministre, Navin Ramgoolam, du Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, et de plusieurs membres du gouvernement et du corps diplomatique. Moment fort de la matinée : le haut-commissaire de l’Inde à Maurice, Anurag Srivastava, a remis un chèque de 25 millions de dollars américains (environ Rs 1,8 milliard) au Premier ministre, sous le Special Economic Package 2025, symbolisant le renforcement des liens économiques et historiques entre l’Inde et Maurice.
Dans son allocution, Navin Ramgoolam a rendu hommage aux premiers engagés venus d’Inde, dont le courage, la patience et la dignité continuent, selon lui, d’inspirer la nation « Le courage et la dignité de nos ancêtres doivent rester une source d’inspiration pour l’ensemble de la population. C’est dans l’unité, le respect mutuel et le patriotisme que se trouve la véritable force d’une nation », dit-il.
Évoquant la traversée périlleuse de ces hommes et femmes, arrivés à Maurice après de longues semaines de voyage dans des conditions inhumaines, il a réitéré que leur rêve d’un avenir meilleur s’était souvent heurté à la dure réalité de l’engagisme, un système que certains contemporains avaient déjà dénoncé comme une forme de travail forcé « ne différant guère de l’esclavage ».
Les travailleurs engagés ont affronté la misère, la privation et l’injustice : journées épuisantes, absence de droits, salaires réduits, autorisations obligatoires pour se déplacer d’un village à l’autre. Mais, malgré tout, ils ont persévéré, transformant des terres rocailleuses en champs fertiles, contribuant à la prospérité économique du pays. « Ils ont souffert, mais ils avaient la résilience et la foi. Leurs sources d’inspiration étaient le Bhagavad Gita et le Ramayana, qui leur ont donné la force intérieure d’affronter les adversités et d’espérer un jour un avenir meilleur », affirme-t-il.
Le Premier ministre a rendu hommage à son père, Sir Seewoosagur Ramgoolam, affirmant « Qui aurait pensé que parmi ces engagés se trouverait un homme qui, après avoir débarqué à Maurice à bord du Hindustan, allait donner naissance à un fils – qui offrirait à son tour la liberté au pays ? Jamais ils n’auraient pu imaginer qu’un jour, un fils de travailleurs engagés deviendrait celui qui allait libérer ce pays et transformer leur destin », a-t-il ajouté avec émotion.
Le chef du gouvernement a également déploré le manque de connaissance historique chez des jeunes : « Beaucoup ont oublié les vraies valeurs transmises par nos ancêtres — la patience, l’effort, le sens du collectif et la dignité du travail. Certains veulent tout obtenir sans effort, oubliant que notre liberté s’est bâtie sur la sueur et le sang de ceux qui nous ont précédés. »
Pour Navin Ramgoolam, l’histoire de Maurice ne peut se comprendre qu’en reconnaissant la souffrance partagée des esclaves et des travailleurs engagés. « Nous pouvons être différents, mais nous avons en commun la même aspiration à la liberté et à la dignité humaine », a-t-il affirmé, en faisant état du combat commun contre toutes les formes d’oppression. Il a également salué la reconnaissance de l’Aapravasi Ghat et du Morne comme sites du patrimoine mondial de l’UNESCO, symboles respectifs de la migration et de la résistance à l’esclavage.
Hommage à Ramlallah
Navin Ramgoolam a tenu à rendre hommage à Beekrumsing Ramlallah, pionnier de la sauvegarde du site de l’Aapravasi Ghat et des archives de l’engagisme. « C’est grâce à lui que des documents et photographies inestimables ont été préservés et transférés au Mahatma Gandhi Institute. Il a sauvé la mémoire des travailleurs engagés. Nous lui devons une immense reconnaissance », fait-il comprendre.
Il a mis en exergue que le centre d’interprétation Beekrumsing Ramlallah, inauguré en novembre 2014 par la ministre indienne des Affaires étrangères, Sushma Swaraj, sera prochainement agrandi dans le cadre de la phase II du projet de valorisation du site.
Concluant son intervention, le Premier ministre s’est appesanti sur la valeur culturelle et touristique du patrimoine mauricien. « La promotion de notre héritage historique et culturel constitue l’un des piliers de notre développement touristique. L’Aapravasi Ghat est un symbole universel de courage et de résilience, et un rappel que notre unité nationale repose sur la mémoire partagée de nos ancêtres », dit-il en lançant un appel vibrant : « que le courage et la dignité de nos ancêtres continuent à nous inspirer et à fortifier notre nation ! »
Par ailleurs, le ministre des Arts et de la Culture, Mahen Gondeea, a soutenu qu’il est de « notre devoir de poursuivre avec le même esprit de nos ancêtres et de ceux qui ont œuvré pour la reconnaissance de l’Aapravasi Ghat comme patrimoine mondial de l’UNESCO, pour protéger, interpréter et transmettre ce patrimoine aux générations futures. »
Il a eu un mot spécial pour l’Inde – qui a toujours soutenu Maurice à tous les niveaux, notamment pour le développement, la culture, l’éducation ou le patrimoine. « Les fonds alloués par l’Inde à Maurice constituent un symbole de l’amitié et de la solidarité entre les deux pays», a fait ressortir le ministre.
Mahen Gondeea devait aussi annoncer l’acquisition du bâtiment avoisinant par le gouvernement qui abritera la deuxième phase du projet Beekrumsing Ramlallah Interpretation Centre. « A great project that gives us a new life to this site, and to make Mauritius a model of world heritage preservation », affirme-t-il.
Le bâtiment servira à raconter l’histoire des engagés à travers le monde, et ce sera le premier du genre au monde. Il a ajouté que le comité scientifique international travaille sur une base de données concernant les travailleurs engagés – ce qui comprend également des données généalogiques issues de différents pays.
Par ailleurs, le ministre des Arts et de la Culture a annoncé la tenue d’un atelier international sur l’engagisme à l’Aapravasi Ghat en 2026. « The objective is to bring together all the countries that have committed workers, and this will allow us to re-create the connection that we have at this time », dit-il.

