Accusé de fraude : Gérard Rawoteea toujours pas inquiété par l’ICAC et toujours employé

L’ascension fulgurante à la  NHDC d’un ex-militant de longue date… avant sa suspension en juin

Il est accusé de fraude au préjudice des syndics des appartements de la NHDC. Le président de l’Association des syndics, Gérard Rawoteea, suspendu de ses fonctions de Housing Estate & Committee Development Officer depuis juin 2022, et faisant l’objet d’une enquête de l’ICAC depuis 2018,  n’est pas sorti de l’auberge. Ses accusateurs, qui soulignent que « sans nos révélations, le cas Rawoteea serait resté un dossier réglé en catimini », réclament des réponses immédiates et adéquates sur les retombées de l’enquête de l’ICAC et de la commission d’enquête ouverte par la NHDC.

- Publicité -

Dans un document tabled le 23 novembre 2021 par le député rouge Osman Mahomed, qui suit le dossier du logement Parlement, les syndics des appartements Dodo et Épervier, dans une lettre adressée au ministre de tutelle Steven  Obeegadoo, ont fait  ressortir que « there is actually a fraudster of the Charlington type working at the NHDC who is a habitual specialist mountebank in practising quackery or even deception to obtain money. » À en croire ses détracteurs, Gérard Rawoteea, adoubé par l’ancien directeur de la NHDC, Gilles L’Entêté, peut encore compter sur des « soutiens de taille » au sein de l’instance.

Pour comprendre les contours de l’ascension fulgurante de Gérard Rawoteea en tant que Housing Estate & Committee Development Officer à la NHDC et sa suspension du poste en juin dernier, il faut remonter à l’année 1991 lorsque le gouvernement malais octroie un prêt préférentiel au gouvernement pour construire des logements sociaux. Deux sites sont identifiés en premier : Camp-Levieux et La Tour-Kœnig. Gérard Rawoteea figure parmi les premiers demandeurs pour ces appartements. En 2000, il est élu syndic du bloc Alpha La Concorde à Camp-Levieux.

- Publicité -

À l’époque, Gérard Rawoteea ne fait pas grand mystère de ses accointances avec le Mouvement Militant Mauricien (MMM). Il avait été le constituency clerk  de l’ex-députée mauve Lysie Ribot entre 2010 et 2015. Employé depuis le 14 mai 1990 en tant que préposé d’alevinière dans la compagnie Avipro Ltd, il fut  licencié le 22 mars 2010 pour gross misconduct. Sans emploi depuis cette date, il se consacre entièrement à ses activités de syndic, avant de créer, en  2012,  l’Association des syndics des appartements NHDC de l’île, soit 41 syndics pour 41 sites. Cette démarche coïncide avec la décision du gouvernement PTr/PMSD d’octroyer mensuellement aux syndics un montant de Rs 200 (par appartement) pour l’entretien des espaces communs du quartier.

La création de ladite association semble faire l’unanimité parmi les syndics, au départ, sauf que ces derniers déchantetront très vite en apprenant de la bouche de Gérard Rawoteea qu’ils devront individuellement lui verser des montants mensuels oscillant entre Rs 3,000 et Rs 7,000 émanant de la subvention financière gouvernementale, sous prétexte que cet argent servirait à la réalisation et la vérification du bilan comptable de chaque syndic. Et comme si ça ne suffisait pas, Gérard Rawoteea exige que les mêmes montants lui soient versés lors de chaque Assemblée Générale annuelle qu’il préside ainsi que des chèques variant entre Rs 5,000 et Rs 12,000 pour l’Annual Auditing Report. Ces mesures sont décriées par les syndics qui commencent, alors, à évoquer la théorie d’un enrichissement illicite de la part du principal concerné. Face à la fronde, Gérard Rawoteea crie haut et fort à qui veut l’entendre qu’il n’entend pas changer d’avis et que tous les adhérents doivent absolument passer à la caisse, tout en instillant la peur dans l’esprit des réfractaires, les menaçant d’user de ses accointances au sein de la NHDC pour mettre un terme à leur contrat de syndic plafonné à trois ans.

- Advertisement -

La fleur au fusil, Gérard Rawoteea s’expose néanmoins à un retour de manivelle, ses détracteurs jouant leur va-tout dans une tentative de l’acculer en s’appuyant sur des recoupements d’éléments accablants dont des relevés et transactions bancaires. Ces derniers font ressortir  que « Gérard Rawoteea demanderait à des tierces personnes d’encaisser des chèques, collectés des syndics, sur leur propre compte bancaire, avant qu’il ne les récupère en espèces. » Dans leur lettre adressée au ministre Steven Obeegadoo, les syndics des appartements Dodo et Épervier vont plus loin en parlant de conflits d’intérêt : «  Mr Rawoteea cannot obtain money from 15 syndics for auditing their monthly account and at the same time working at the NHDC. »

Au lieu d’être inquiété pour ses méthodes très peu conventionnelles, Gérard Rawoteea prend du galon en décrochant un emploi, en 2016, comme Sports Officer à la NHDC, un poste qui n’existait pas avant son recrutement ! Ce dernier semble avoir été récompensé pour son changement d’allégeance. Militant de longue date, il s’est rapproché du MSM et peut alors compter sur le soutien indéfectible du directeur de l’époque la NHDC, Gilles L’Entêté, auquel il apporte son soutien sur le terrain lorsque ce dernier se présente comme candidat dans la circonscription No 20 aux législatives de 2019.

Précédemment, en 2018, des syndics avaient pourtant réuni tous les éléments reliés à la fraude alléguée, avant de les remettre à l’ICAC qui a ouvert une enquête à ce sujet en convoquant toutes les parties concernées. Sauf que c’est motus et bouche cousue jusqu’à l’heure du côté de la commission anti-corruption. La pilule est d’autant plus dure à avaler pour les  syndics quand ils apprennent la promotion de Gérard Rawoteea aux fonctions de Housing Estate & Committee Development Officer en décembre 2020. Le changement de vie et de style de Gérard Rawoteea suite à son recrutement en catimini par la NHDC et sa promotion suscitent, alors, beaucoup d’interrogations en interne comme en externe. Il se retrouve dans le viseur du député Osman Mahomed au Parlement le 23 novembre 2021 avec une série de questions adressées au ministre Steven Obeegadoo. On a notamment appris que Gérard Rawoteea perçoit un salaire de base de Rs 28,680 (compensation of Rs 1,560 per month), un Overtime Payment allant jusqu’à Rs 15,000 par mois, des Driver’s et Fuel Allowances de Rs 10,000 et d’autres facilités. Se sentant pousser des ailes, Gérard Rawoteea vendra son appartement NHDC en 2018 pour migrer vers une maison huppée à Floréal.

Toujours est-il que le vent tournera pour Gérard Rawoteea, dès lors que  l’ICAC et le board de la NHDC sont mis au parfum en 2021 d’autres éléments accablants. Ces instances apprennent que le principal concerné a été épinglé, primo, pour travail au noir par la Mauritius Revenue Authority (MRA), auquel il a dû rembourser des centaines de milliers de roupies, puis, secundo, par le Registrar of Associations qui lui reproche de n’avoir jamais fait parvenir, depuis la création de l’Association des syndics en  2012, de rapport annuel, d’Audit et de Trésorerie. Après maintes tentatives infructueuses, le Registrar of Associations est revenu à la charge, le 1er décembre dernier, en transmettant une énième missive à Gérard Rawoteea dans laquelle il l’informe que l’Association des syndics n’est pas en règle avec les lois du Registrar et de faire le nécessaire sous peine de poursuite.

Les syndics des appartements Dodo et Épervier font, alors, feu de tout bois à travers une missive et mettent la NHDC devant ses responsabilités : « Misuse of the money is a fraud. There should be transparency. As syndics, we have usually informed the NHDC about our expenditure concerning the Association. After close investigation, we have found out that since the registration of our association, Mr Rawooteea has never cared to inform the Registrar of Association about its annual general assembly, the new executive members, the state of affairs, the financial activity, among others, though he used to deposit the contribution fees of the syndics to the bank. He knows well that no one would question him about the issue as in the past he submitted a report to all syndics covering supposed financial expenditure until July 2015. His intention was always malicious to misuse the money of the association, keep some of it in the bank in case of any query and close the association automatically as, since its existence, no return has been submitted to the Registrar of Associations.”

Le couperet tombe en juin 2022. Celui qui paraissait intouchable, jusqu’à quasiment jouer de la menace et user des moyens de pression, est invité par la direction de la NHDC à se retirer de son poste en attendant les conclusions de l’enquête interne qui est menée contre lui suite à ces allégations. Six mois plus tard, Gérard Rawoteea n’a toujours pas été convoqué devant un comité disciplinaire tout en  percevant son salaire, au grand dam des syndics. Le dossier semble également dormir dans les tiroirs des enquêtes fantômes de l’ICAC. Que pense le ministre Obeegadoo de toute cette affaire…? À suivre.

- Publicité -
EN CONTINU
éditions numériques