AIDS CANDLELIGHT 2024 | Nicolas Ritter (Coalition Plus) : « 140 patients meurent chaque année et je suis très en colère » 

– Selon la Santé, de 1987 à décembre 2023, 2 200 décès officiellement liés au sida et une moyenne de 140 décès recensés annuellement

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– S’agissant des nouvelles infections, 70% sont des transmissions par voie sexuelle, la tranche d’âge des 25 à 39 ans étant la plus vulnérable

Nicolas Ritter est le premier Mauricien à avoir publiquement déclaré vivre avec le virus du sida. Dans la foulée, aux côtés d’autres activistes de la première heure, parmi son père, Jacques Ritter, il a jeté les bases de PILS, Ong phare de l’île, dont il a été le directeur pendant longtemps. Depuis janvier 2023, il est chargé de mission – direction générale, au sein de Coalition Plus, union internationale d’organisations communautaires de lutte contre le sida et les hépatites. Dire que ce combat fait partie de lui relève de l’euphémisme.

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En novembre dernier, à l’Assemblée nationale, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, indiquait que 2 175 Mauriciens sont décédés de causes liées au sida, de 1987, quand le virus a été détecté pour la première fois à Maurice, à septembre 2023. À décembre de cette même année, les services de la Santé font état de 25 nouveaux décès qui ont été enregistrés, portant le total à 2 200. Les mêmes sources font état d’une moyenne de 140 décès liés au virus, qui sont recensés annuellement. Ce qui représente deux à trois morts par semaine.

« C’est un constat à la fois très chagrinant et qui suscite l’indignation ! Je suis très triste et en colère. Mais en même temps, nous voyions cela venir depuis quelque temps », déclare Nicolas Ritter, qui  précise : « il ne s’agit pas de Blame Game : les circonstances nous ont, certes, amenés à cette situation dramatique, avec autant de victimes. Parce que pour un petit pays comme Maurice, avec un pour cent de la population qui est atteint du virus, une moyenne de 140 morts par an, c’est énorme ! »

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Une contamination… par jour !

Comment en arrive-t-on à perdre autant de patients atteints du sida ? La faute à un ensemble de faits, estime Nicolas Ritter. « Ces dernières années, les nouvelles contaminations oscillent entre 350 et 390 annuellement. Ce qui veut dire quasiment une nouvelle contamination par jour ! C’est beaucoup. » De ce nombre, continue-t-il, il y a ceux qui vont vers les centres de traitement et qui y adhèrent. « Et il y a aussi ceux qui viennent une ou deux fois, et qui disparaissent. Il y a encore ceux qui se sont fait dépister et suivent le traitement, mais ne contrôlent pas leur charge virale. Et qui dit charge virale non contrôlée, dit risque de transmission de virus élevée ! Sans compter ceux qui ne pensent pas à se faire dépister et qui vivent avec le virus, sans probablement le savoir », élabore-t-il.

Les principales raisons pour lesquelles Maurice compte autant de PVVIH « perdus de vue », relève le chargé de mission – direction générale de Coalition Plus, sont que « encore et toujours », les discriminations et tabous liés au sexe et à la toxicomanie. « Maurice étant une société où la pudeur est extrême, dès lors qu’il s’agit de discuter de sexualité et de drogues, nombre de PVVIH ou potentiels porteurs du virus, restent à l’écart de l’accès aux soins. Quand ces personnes arrivent finalement dans un circuit de santé, c’est quand elles ont atteint la dernière phase de la maladie. Donc sur le point de mourir… »

À cause de ces cas de  Late Diagnosis, soutient-il, « nous nous retrouvons avec une épidémie dynamique », qui réclame que des mesures soient prises à temps. « Or, malgré tous les efforts consentis, tant par la société civile que par l’État, le virus n’a pas perdu de temps, et s’est glissé parmi la population, profitant de certaines situations et failles ! Je dois dire que le ministère de la Santé, ces deux dernières années, a mis les bouchées doubles, soutenant la société civile, pour une réponse plus adéquate et efficace contre le virus. » Malgré tout, des patients meurent, avec une moyenne de deux à trois décès par semaine.

70% des nouveaux cas détectés par voie sexuelle

Il y a un élément tout aussi sérieux qui pousse l’activiste à réclamer des mesures rapides : « Tous les efforts de ces dernières années ont été tellement concentrés sur l’épidémie au sein des populations clés, soit les toxicomanes, les travailleuses du sexe et les hommes ayant des rapports avec des hommes, il y a eu inévitablement un certain manque de vigilance pour ce qui est des autres modes de transmission. » Nicolas Ritter poursuit : « Avec les données régulières émanant des services de santé, il y a, d’une part, la transmission de la mère à l’enfant qui mérite que l’on s’y attarde. La prise en charge pédiatrique n’est pas optimale. Il y a toujours matière à amélioration. » Mais plus grave, insiste-t-il, « c’est ce danger latent, cette explosion garantie avec l’augmentation des transmissions par voie sexuelle ! » Il dira à cet égard : « 70% des nouveaux cas sont par voie sexuelle. Et la tranche d’âge la plus vulnérable : les 25 à 39 ans. C’est une situation potentiellement explosive et qui réclame des mesures immédiates. »

Il préconise ainsi « des assises nationales, le plus rapidement possible, avec tous les partenaires concernés : l’État évidemment, et la société civile, mais également la prison, la police, l’éducation, et surtout le secteur privé ! » Il rappelle : « pour le Covid-19, autant que pour le chikungunya, nous avons eu une levée de boucliers totale, avec toutes les composantes de la nation, qui ont joué le jeu dans un même élan de solidarité et avec l’objectif commun, majeur et primordial de bloquer l’épidémie ! Dans les deux cas, les efforts ont été couronnés de succès. Mais dès qu’il s’agit de VIH, la une grande frilosité s’installe, et toute la machinerie est bloquée. »

Dans la conjoncture, soutient Nicolas Ritter, il n’y a pas une minute à perdre. « Le pays dispose de moyens et de la ressource humaine. Nous pouvons, si nous nous y prenons à temps, avant que les données ne changent, renverser la vapeur. Autrement, l’épidémie explosera au sein de la population. Il est grand temps de faire tomber les tabous et faire face à la réalité. »

HT

« Ase » ce dimanche 19 à Port-Louis

Ce dimanche 19 mai, à travers le monde, sera commémoré le AIDS Candlelight Memorial. Cet événement se veut un hommage à ceux qui vivent avec le virus et ceux qui en sont morts. À Maurice, autour de l’Ong phare qui milite pour le respect des droits des Personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et leur accès aux soins, PILS (Prévention, Information et Lutte contre le Sida), d’autres formations de la société civile, nommément AILES, Coalition Plus, CUT, DRIP, LaKaz A et Parapli Rouz organisent une série d’activités. L’accent, pour l’édition 2024, est placé sur l’indignation, la colère et le chagrin face au nombre (grandissant) de morts parmi les patients porteurs du virus pour dire « Ase mor, Ase nouvo infeksyon, Ase diskriminasion ».

Ase Mor, Ase Nouvo Infeksyon, Ase Diskriminasion ; c’est le cri qui sera lancé le 19 mai à partir de 18h30 au Centre social Marie Reine de la Paix, Port-Louis, pour marquer l’International AIDS Candlelight Memorial. Afin de rendre le message audible, AILES, Coalition Plus, CUT, DRIP, Lakaz A, Parapli Rouz et PILS se sont réunies pour organiser cet événement. Ces organisations engagées dans l’accompagnement, la prévention, le plaidoyer et le soutien étendent l’invitation aux membres du public et aux représentants des divers partenaires engagés dans la réponse au VIH.

À travers le monde, ce même jour, des bougies seront allumées pour rendre hommage aux personnes mortes des causes liées au VIH. Les flammes exprimeront la solidarité avec les personnes infectées et affectées, de même qu’avec celles qui ont choisi de s’engager dans la lutte. Sur le plan mondial, le thème de cette année est “Together we remember, together we heal, Through love and solidarity”.

À Maurice, chaque bougie allumée portera ces messages dans une ambiance appelant au recueillement et à l’action. Elles mettront aussi en lumière les dysfonctionnements qui continuent à affecter des vies et inviteront chacun à rejoindre l’élan qui conduira au changement espéré. Ceux qui ne pourront se déplacer vers le Centre Marie Reine de La Paix pourront aussi participer à l’action en allumant des bougies là où ils se trouveront.

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