La Sunflower Charitable Foundation organise un atelier de sensibilisation sur un thème important aujourd’hui. Animé par le Dr Thierry Maillard, médecin spécialiste venu de La-Réunion et expert reconnu du pôle océan Indien sur le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF océan Indien), cet événement ambitionne de lever le voile sur un sujet encore trop méconnu, mais aux conséquences irréversibles : les effets de l’alcool sur le développement du fœtus.
Contrairement à certaines croyances tenaces, un seul verre d’alcool n’est jamais inoffensif pendant la grossesse. L’alcool traverse directement le placenta et agit sur le développement du fœtus. Le cerveau, particulièrement vulnérable, peut dès lors être endommagé dès les premières semaines. Les risques de malformations et de troubles cognitifs persistent tout au long des neuf mois.
Les conséquences se traduisent par des retards de croissance, des troubles de l’apprentissage, des difficultés affectives et comportementales… Autant de séquelles qui accompagnent l’enfant toute sa vie. Le SAF reste pourtant 100% évitable : il suffit d’une abstinence totale de consommation d’alcool pendant la grossesse.
L’un des objectifs de la conférence est précisément de déconstruire certaines idées reçues, notamment celle qui voudrait qu’une consommation modérée – un verre de vin par exemple – ne comporte aucun risque. La prévention demeure la seule arme efficace, et c’est sur ce message que l’accent sera mis lors de l’atelier. L’événement s’adresse à un public large : éducateurs, travailleurs sociaux, professionnels de santé, mais aussi parents et futurs parents. Tous repartiront avec des outils pratiques pour mieux comprendre, accompagner et prévenir les situations liées au SAF.
Pour Nadjah Abbasakoor, fondatrice de la Sunflower Charitable Foundation et de The Inclusion Station, le sujet est une véritable urgence de santé publique. Orthophoniste de profession, elle en constate régulièrement les effets dans sa pratique. « Lorsque la maman, pendant la grossesse, a été exposée à l’alcool ou à la drogue, cela a des répercussions sur le fœtus. Cela se traduit ensuite dans le développement de l’enfant, du côté cognitif, mais aussi affectif et émotionnel. Les séquelles sont bien réelles. Ce qu’il faut retenir, c’est que c’est totalement évitable. Donc, il faut agir », dit-elle avec conviction. Avant d’insister sur le rôle de l’éducation et du suivi médical. « Avec une bonne instruction et un suivi adapté des mamans, on ne devrait même pas avoir de cas d’alcoolisation fœtale », poursuit-elle.
À la question de savoir si ce problème est très répandu dans le pays, Nadjah Abbasakoor reconnaît qu’aucune étude nationale n’existe pour mesurer précisément l’ampleur du phénomène. Mais, selon son expérience, les cas sont bien réels. « Dans ma pratique, j’ai vu des enfants suspectés d’avoir un SAF. Je connais aussi des familles qui ont adopté des enfants diagnostiqués avec ce syndrome. On reçoit également des enfants dont les parents ont pris des substances ou des médicaments pendant la grossesse et qui présentent des troubles du développement. Cela existe bel et bien chez nous », reprend-elle. Elle plaide de fait pour une étude nationale, une enquête à grande échelle, afin de disposer de données fiables et chiffrées.
Banalisation inquiétante
Le danger, selon elle, réside aussi dans la banalisation. « Les gens ne réalisent pas les effets de leur comportement sur le fœtus, car les conséquences apparaissent plus tard. Quand un enfant issu d’un milieu défavorisé présente un retard de développement, on met ça sur le compte du manque de stimulation ou du contexte social, sans penser à l’alcoolisation fœtale », regrette-t-elle. L’objectif de la conférence du Dr Maillard sera justement de sensibiliser sur les symptômes, les critères de diagnostic et, surtout, les stratégies de prévention.
La fondation a invité les ONG, les travailleurs sociaux et les associations de terrain afin de relayer le message auprès des familles. « Ce sont eux qui sont en première ligne dans certains quartiers. Ils peuvent donc informer, conseiller et assurer un suivi auprès des femmes enceintes », explique Nadjah Abbasakoor. Elle rappelle aussi une réalité préoccupante : « Il y a des femmes enceintes qui ne vont jamais chez le médecin ou au dispensaire. La sensibilisation doit passer par là : leur montrer l’importance du suivi médical. »
L’organisation de cette conférence représente un investissement conséquent pour la fondation. « Nous finançons la venue du Dr Maillard. Ceux qui souhaitent nous aider peuvent contribuer à travers la plateforme Small Step Matters, via un QR code disponible en ligne », précise la fondatrice.
La Sunflower Charitable Foundation ne limite pas son action au SAF. Elle œuvre plus largement sur les Hidden Disabilities, ces handicaps invisibles qui incluent les troubles du spectre de l’autisme, les maladies mentales et d’autres difficultés de développement. « Nous voulons offrir un espace d’inclusion et de reconnaissance à toutes ces familles qui se sentent souvent isolées », dit Nadjah Abbasakoor.
Le Dr Maillard avait déjà initié un travail à Maurice il y a quelques années, mais l’initiative n’avait pas abouti. Cette fois, la fondation espère que sa venue marquera le début d’un engagement plus structuré et durable. « Nous aimerions qu’il y ait une continuité après ce premier talk. Peut-être qu’il reviendra pour voir certains enfants, poser des diagnostics et, surtout, former des professionnels. Prenons l’exemple d’un enfant avec SAF qui présente un trouble du langage : en tant qu’orthophoniste, il est essentiel pour moi de savoir comment l’aider à progresser malgré son syndrome », explique Nadjah Abbasakoor.
La conférence du 9 septembre se veut plus qu’un simple événement académique; c’est un appel à la responsabilité collective face aux méfaits de l’alcool. Et il est urgent de vulgariser ce problème. « Les enfants atteints du SAF n’ont pas choisi leur condition. Ils méritent un accompagnement adapté, pas la stigmatisation », souligne la fondation. L’alcoolisation fœtale n’est pas une fatalité. Elle est entièrement évitable, à condition d’informer et de responsabiliser les futurs parents, mais aussi d’impliquer l’ensemble des acteurs sociaux et sanitaires.
Le fœtus boit ce que sa mère boit
La page SAF océan Indien informe : « L’alcool consommé par la future maman passe directement par simple diffusion à travers le placenta. Une demi-heure à une heure après l’absorption, l’alcoolémie maternelle et l’alcoolémie fœtale sont équivalentes. Cet alcool passe ensuite dans le foie du fœtus. En raison de son immaturité enzymatique, ce dernier n’est pas capable de dégrader l’alcool pour l’éliminer. L’élimination de l’alcool sera donc 2 à 3 fois plus longue que chez l’adulte. »
L’exposition prénatale à l’alcool représente donc un facteur de risque pour le bébé à naître à tous les stades de la grossesse. Ce risque est commun à toutes les variétés de boissons alcoolisées et existe même lors des consommations ponctuelles. »
Les conséquences de l’alcoolisation fœtale sur un enfant peuvent être multiples et persistantes tout au long de sa vie. Celui-ci risque de manifester des comportements impulsifs, d’éprouver des difficultés à gérer l’argent ou à suivre le rythme scolaire, et de ne pas mesurer l’impact de ses actes. Les troubles de la concentration et une forte distractibilité sont fréquents. D’autres complications peuvent également survenir, telles que des problèmes de vue, des atteintes rénales, auditives, cardiaques ou osseuses.