Parallèlement au licenciement de Yogita Baboo, présidente de Air Mauritius Cabin Crew (AMCCA), par Air Mauritius, se déroule le procès décisif intenté par l’AMCAA à la compagnie d’aviation nationale devant l’Employment Relations Tribunal (ERT) concernant les conditions de travail et le Collective Agreement imposés par les administrateurs de MK pendant la période du Covid et l’administration volontaire. Les pommes de discorde sont nombreuses, d’autant que l’AMCCA n’a pas agréé comme d’autres syndicats à un accord et s’en est alors remis à l’ERT. Week-End vous dévoile les principaux points de discorde, alors que l’affaire est close depuis vendredi 18 août et que les deux parties doivent désormais soumettre leurs arguments et contre-arguments au tribunal au plus tard le 29 septembre avec une déclaration du président de l’ERT, qui a fait bien comprendre qu’il ne tolérera aucun retard !
Le procès s’est achevé sur le contre-interrogatoire de la responsable des ressources humaines d’Air Mauritius Ltd, Roshni Purmessur, qui a en gros expliqué que MK se porte bien mais n’est pas encore rentable. Sous le feu des questions de l’avocat de l’AMCCA, Me Erikson Mooneeapillay, la HR de MK, une employée du Registration Office et une autre du département des finances ont donné leur version des faits des conditions de travail des employés, dont bon nombre d’affirmations sont sujettes à caution. En tout cas, le procès est maintenant clos et la présidente n’attend plus que les plaidoiries écrites pour établir ses findings.
Renoncer au Collective Agreement
L’AMCCA avait déjà soumis dans sa plainte les éléments de discorde qui l’ont motivé à faire appel à l’ERT. Il faut rappeler que pour donner suite à l’administration volontaire du 22 avril 2020, les administrateurs nommés ont eu trois réunions avec les neuf syndicats qui représentaient différentes catégories de travail. Les administrateurs ont proposé au syndicat de renoncer au Collective Agreement (CA) en cours, car cela coûte trop cher à la compagnie, 50% du personnel de MK doit être licencié, mais si les syndicats agréent au renoncement du CA, la réduction du personnel pourrait passer à 40%. Mais aucune convention collective alternative n’a été présentée aux syndicats.
La fin du Meal Allowance
Il convient de rappeler le Collective Agreement pour le Cabin Crew était prévu en 2014 et n’a finalement été finalisé qu’en 2018 et comportait trois éléments, à savoir une augmentation de salaire de 10%, la révision de l’indemnité de transport et de l’indemnité de grooming. Sur les trois éléments, seule l’augmentation de 10% du salaire de base a été mise en œuvre jusqu’à présent. Un arriéré de quatre ans sur l’augmentation des salaires, dû au retard de mise en place du Collective Agreement, n’a toujours pas été payé par MK.
En mai 2020, l’AMCCA a pris connaissance d’une nouvelle indemnité appelée ODA (Overseas Duty Allowance) imposée par les administrateurs, avec à la clé l’arrêt du meal allowance sans aucune consultation avec le syndicat. Cet ODA se distingue de l’indemnité de repas habituelle du fait qu’elle était réduite jusqu’à 50% du montant payé sur certaines destinations, et que de surcroît ces indemnités n’étaient pas remises aux employés à l’arrivée à destination, mais payées deux mois après le vol, et payé uniquement en roupie mauricienne sans tenir compte du taux de change applicable et les frais bancaires. Il faut rappeler que le meal allowance qui comprend quatre repas, à savoir petit-déjeuner, déjeuner, collation, dîner, est reconnu comme faisant partie de la rémunération du personnel navigant commercial.
L’AMCCA dit rejeter l’application de l’ODA en remplacement de l’indemnité de repas parce que les chiffres communiqués à ce jour ne reflètent pas le coût des repas dans les hôtels où les équipages font escale. En outre, cette indemnité de repas était au minimum pendant la période du Covid.
Nouveau contrat de travail
L’échelle salariale de la convention collective de 2014 s’établissait comme suit :
l Équipage de cabine (en 30 points d’échelle) de Rs 22 025 à Rs 51 440
lFlight Purser (en 30 points d’échelle) de Rs 27 575 à Rs 58 100
l Senior Flight Purser (en 30 points d’échelle) de Rs 33 125 à Rs 68 715
Le nouveau contrat de travail individuel proposé en juillet 2020 est uniquement pour la catégorie de l’équipage de cabine décomposé en 12 points d’échelle commençant à Rs 17 600 et se terminant à Rs 42 775.
Par ailleurs, les nouveaux contrats n’ont été proposés de manière sélective qu’à deux catégories d’équipages, à savoir le Senior Flight Purser et le personnel de cabine et les critères de fusion de 3 catégories en 2 n’ont pas été fournis.
Au lieu d’une augmentation annuelle, le nouveau contrat propose une augmentation tous les 2 ans et les conditions d’heures supplémentaires qui s’appliquaient à partir de 80,5 heures/mois à raison de 1,5 fois le taux horaire normal du salarié, et à compter de 90 h/mois à raison de 2 fois le taux horaire ont aussi été modifiées. Ainsi, les nouvelles conditions d’heures supplémentaires proposées s’appliquent uniquement à partir de 82,5 heures/mois au forfait de 1,5 fois le taux horaire normal du salarié.
Les critères de fusion de 3 catégories en 2 n’ont pas été fournis. SFP et FP ont pourtant une échelle de salaire définie distincte. Toujours est-il que les nouveaux contrats n’ont été proposés de manière sélective qu’à deux catégories d’équipages, à savoir le SFP et le personnel de cabine.
L’AMCCA maintient que la structure de l’équipage à bord doit être maintenue avec 3 catégories étant donné qu’il n’y a aucun changement dans la prestation de services commerciaux et la norme MK en tant que compagnie aérienne. Et également pour la sécurité à bord établie par hiérarchie. De surcroît, cette restructuration annule toute possibilité d’évolution de carrière interdisant toute promotion et contraire à notre accord de procédure. À noter qu’une telle restructuration drastique est imposée uniquement au personnel de cabine et n’est pas à l’échelle de l’entreprise ce jour, le personnel de cabine travaille déjà dans cette catégorie depuis plus de 20 ans sans aucune possibilité de promotion. Le dernier exercice de promotion pour la Flight Purser a été réalisé en 2017 après 17 ans.
L’AMCCA estime que les sacrifices consentis par les salariés face à une réduction de leur package salarial équivaut à un refinancement des finances de l’entreprise par les salariés eux-mêmes, alors que les principaux actionnaires de l’entreprise n’ont manifesté aucun intérêt à réinvestir. Par conséquent, l’AMCCA demande que les employés soient remboursés sur les sacrifices financiers qui leur a été imposée par l’administration volontaire.
Autres sacrificesconsentis
Selon l’AMCCA, tout l’équipage doit récupérer son contrat de travail d’origine étant donné que ce sont les conditions les plus favorables qui doivent prévaloir comme stipulé dans le WRA Act. Il convient de noter que la WRA Act est beaucoup plus favorable que la convention collective signée entre MK et l’AMCCA en 2018. La loi stipule clairement qu’une convention collective ne peut être moins favorable que la loi en vigueur. Ainsi, il est difficile pour l’AMCCA de concéder un droit acquis sans aller à l’encontre de la loi.
Le syndicat dit comprendre que la spécificité du travail du personnel de cabine et la situation financière actuelle de MK empêchent les administrateurs de placer le personnel de cabine sous la WRA, il est donc justifié, selon l’AMCCA que toutes les conditions de la convention collective soient rétablies in TOTO. Le syndicat tient, à cet effet, à souligner que la convention collective de 2014 doit être bien inférieure à ce qu’elle devrait être en 2024 vu qu’il y a un différentiel de retard de 10 ans, ce qui est selon l’AMCCA déjà une très grande concession de la part des salariés.
En conséquence, le syndicat avait désapprouvé fermement les conditions imposées par l’administration qui sont préjudiciables aux membres de l’AMCCA, car elles entraînent un impact très négatif sur leur vie, leurs conditions d’emploi, leur rémunération et leur pension actuelle et future. Étant donné qu’aucun accord n’avait été conclu pour signer une nouvelle convention collective avec de nouvelles conditions de travail et que les administrateurs ont été de très mauvaise foi pour arrêter les négociations en cours avec le syndicat et proposer à la place des contrats individuels sans clarifier les « requêtes » des syndicats à ce sujet, l’AMCCA a dû saisir l’ERT !