Anuradha Deenapanray-Chappard : « L’ayurveda c’est renouer avec la simplicité »

L’auteure mauricienne Anuradha Deenapanray-Chappard signe un nouvel ouvrage intitulé L’ayurveda, la science du bien-être avec des recettes simples et saines, publié chez Vérone Éditions à Paris. Réalisé en collaboration scientifique avec l’Ayurvédacharya Rajalakshmi Chellappan, ce livre invite à découvrir ou redécouvrir cette médecine ancestrale indienne, fondée sur l’équilibre entre le corps, l’esprit et la nature. Nous l’avons rencontrée lors de sa visite à Maurice il y a quelques semaines.
Journaliste, conférencière et professeure d’université en littératures modernes, traductrice, Anuradha Deenapanray-Chappard vient de terminer sa formation en ayurveda auprès de la Tapovan Open University (Paris et Normandie), et elle suit actuellement une formation diplômante en naturopathie au Centre Européen de Formation pour exercer comme naturopathe. « Je suis comme une rivière : agitée à la source, et paisible en allant vers la mer », nous confie-t-elle en souriant. En effet, après plusieurs années de recherches, de formation et d’expérimentation personnelles, elle publie aujourd’hui le premier ouvrage mauricien consacré à l’ayurveda, cette médecine traditionnelle indienne vieille de plus de 5 000 ans. En juillet de cette même année, elle publiait un autre ouvrage Un électron libre, une biographie dédiée à Jacques Maunick.
Toutefois, ce n’est pas de cet ouvrage qu’il était question lors de notre sympathique entretien, mais de l’ayurveda. Issu du sanskrit, elle nous explique que « ayur » signifiant « vie » et « veda » signifiant « science », l’ayurveda puise ses racines dans les traditions orales et écrites de l’Inde, vieilles de plus de cinq millénaires. À la fois médecine traditionnelle, philosophie et art de vivre, elle est aujourd’hui reconnue comme l’un des premiers systèmes de santé holistique du monde.
L’ayurveda reconnue par l’OMS
Loin de s’opposer à la médecine moderne, soit l’allopathie, elle souligne que l’ayurveda la complète en proposant une approche préventive, personnalisée et naturelle. Anuradha Deenapanray-Chappard nous confie d’ailleurs que l’ayurveda reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) trouve toute sa pertinence dans un monde où le stress, la vitesse et la surcharge d’informations dominent. Ainsi, avec cet ouvrage en vente dans toutes les librairies Bookcourt, son objectif est de rendre cette science de la vie accessible au plus grand nombre, tout en lui redonnant sa place légitime au sein des pratiques de bien-être contemporaines. « L’ayurveda est souvent perçue à tort comme une pratique religieuse. Or, il s’agit avant tout d’une approche holistique, complémentaire à la médecine allopathique, qui vise à prévenir plutôt qu’à guérir », explique-t-elle.
Son livre, dit-elle, se distingue par une approche à la fois scientifique et pratique. « On y trouve des explications claires sur les fondements de l’ayurveda, des conseils adaptés au quotidien, ainsi que des recettes simples et saines à base de plantes locales comme le moringa, le tulsi, l’amla ou encore l’aloe vera », nous explique Anuradha Deenapanray-Chappard. Et elle ajoute qu’« il y a peut-être une mauvaise interprétation de l’ayurveda. Beaucoup associent cette discipline à des croyances religieuses, alors qu’elle peut être pratiquée par tous, peu importe vos croyances, etc. L’ayurveda s’appuie sur des principes médicaux éprouvés depuis des millénaires. Même Hippocrate s’en est inspiré », souligne-t-elle.
La cuisine d’antan remplie de bienfaits
De plus, depuis la pandémie, l’auteure observe un regain d’intérêt pour les médecines douces et les modes de vie plus naturels. « Le confinement a poussé beaucoup de gens à quitter les grandes villes, notamment en Europe, pour s’installer en Provence et pour se reconnecter à la nature et à eux-mêmes. L’ayurveda répond à ce besoin profond de recentrage », dit-elle. Loin d’imposer un mode de vie rigide, cette pratique encourage la discipline, la constance et l’écoute de soi. « Ce n’est pas une médecine curative, mais une philosophie de vie. On apprend à se connaître, à équilibrer ses énergies, à prévenir les déséquilibres physiques et mentaux », explique-t-elle.
Pour Anuradha Deenapanray-Chappard, cette « science de la vie » envisage l’être humain dans sa globalité. Elle repose sur l’équilibre des trois énergies vitales soit les doshas et des cinq éléments (air, eau, feu, terre et éther). « La santé ne se résume pas à l’absence de maladie, mais à un état d’harmonie entre le corps, le mental et l’esprit », souligne-t-elle. Véritable quête de sérénité et de bonheur, l’ayurveda s’appuie sur trois piliers : la vérité (sat), la conscience (chit) et la béatitude (ananda). L’auteure rappelle aussi qu’il n’est nul besoin d’être végétarien pour adopter l’ayurveda. L’essentiel est de comprendre sa propre nature (prakriti) et de suivre un mode de vie adapté.
Elle explique aussi si un médecin moderne établit d’abord un diagnostic pour ensuite proposer un traitement, une consultation auprès d’un praticien, ou vaidya, permet d’établir un bilan ayurvédique complet : observation du comportement, prise de pouls, analyse de la langue et des yeux, écoute des antécédents. Chaque programme est ensuite ajusté selon les besoins de l’individu. « Il est aussi bon de préciser que les praticiens de l’ayurveda ou de la naturopathie, par exemple, ont une charte, une feuille de route qu’il faut respecter. » Ainsi, contrairement à la médecine allopathique, qui intervient pour traiter la maladie, l’ayurveda cherche à maintenir l’équilibre avant qu’elle ne s’installe.
Ralentir, respirer et rééquilibrer
À cet effet, elle revendique une approche pédagogique de cette science de la vie millénaire. Issue elle-même d’une famille de pédagogues, elle souhaite transmettre un savoir fondé sur l’observation, la rigueur et le respect du vivant. Pourtant, « à Maurice, nous avons tout : les plantes, le climat, la richesse culturelle… mais nous avons oublié nos savoirs. Le moringa — qui se vend maintenant comme de l’or —, le margoz , le pipangaille… autrefois présents dans nos assiettes, sont aujourd’hui relégués au second plan. » Elle regrette cependant qu’il n’y ait pas beaucoup de restaurants dans les food courts qui proposent une cuisine traditionnelle mauricienne. « Avant tout le monde avait des baton mouroum dans son jardin. On faisait des bouillons avec, mais désormais, nous n’en avons plus chez nous. »
Elle espère ainsi que son ouvrage contribuera à sensibiliser un public plus large à la médecine préventive. « Nous vivons dans l’urgence permanente. L’ayurveda nous invite à ralentir, à respirer et à retrouver notre équilibre intérieur. » L’ayurveda, la science du bien-être écrit avec passion et rigueur scientifique, se veut avant tout une invitation : celle de renouer avec la simplicité, la nature et la sagesse des anciens, soit un retour à l’essentiel, tout simplement. Elle rappelle que la médecine traditionnelle repose avant tout sur la prévention. Anuradha Deenapanray-Chappard précise qu’il y a même un département dédié à la médecine traditionnelle à l’hôpital Victoria, à Candos.
« Dans un monde matérialiste où tout va trop vite, cette approche trouve tout son sens. Nous vivons dans une course contre la montre, mo pena letan comme on dit souvent. La pandémie nous a pourtant rappelé l’importance de ralentir, mais l’être humain oublie vite. L’ayurveda nous invite à faire une pause, à retrouver la rigueur et la constance nécessaires pour renouer avec nous-mêmes », conclut Anuradha Deenapanray-Chappard.

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