Artiste autodidacte sensible à son environnement, Nathalie Leung Shing pratique le « craftivisme », une forme d’activisme construite autour d’un artisanat qui provoque la réflexion de manière non combative et qui incite à réfléchir sur des questions telles que l’environnement. Son engagement militantisme se reflète surtout dans les dernières pièces qu’elle a réalisées, mettant en lumière le comportement des fumeurs sur les plages. En effet, cette habitante de Grand-Baie âgée de 46 ans, a créé un panier et un album colorés à partir de 800 mégots de cigarettes ramassés lors d’un nettoyage de plage. Après la 12e mini-exposition internationale d’art textile et fibreux en Ukraine en juin dernier, l’artiste présentera une de ses œuvres lors de la 13e Biennale internationale d’art textile qui se tiendra du 6 décembre 2025 au 1er mars 2026 à Pékin.
À Maurice, rares sont les plages qui sont épargnées des dégâts de la pollution humaine. En participant régulièrement au ramassage des déchets, le constat est toujours le même pour Nathalie Leung Shing. « Il est courant de voir des canettes de bière vides, des bouteilles en plastique et des mégots de cigarettes joncher la plage », déplore cette habitante du nord. Si la pollution plastique est parmi les plus visibles, les mégots de cigarette sont également le déchet le plus courant. Il se trouve que chaque mégot pollue jusqu’à 500 litres d’eau et met entre 10 à 15 ans à se décomposer en microplastiques. Ces petits déchets que beaucoup sous-estiment, contiennent des substances toxiques comme le plomb, le mercure et la nicotine, extrêmement toxiques pour la vie aquatique. Pour cette artiste dont l’environnement est au cœur de ses préoccupations, il est crucial de sensibiliser le public.
Pour tenter de remédier à ce problème, elle qui utilise le recyclage et des matériaux durables pour conscientiser à l’environnement, a décidé une fois de plus d’utiliser son talent pour cette fois dénoncer la pollution des mégots. L’élément déclencheur a été une collecte bénévole organisée à Mont Choisy avec un petit groupe. « En moins de deux heures, nous avons récolté une quantité astronomique de mégots de cigarettes sur le parking de la plage de Mont Choisy, soit un nombre stupéfiant de 1 700 », dit-elle.
Démontrant l’ampleur du problème. Mais en collectant ces mégots, elle s’engage à lutter contre ce fléau en lui offrant une seconde vie. « En fait, il s’agit d’un message d’espoir. À travers mon art, j’ai créé un objet transformant des mégots de cigarettes laids et toxiques en une poubelle visuellement attrayante afin de transmettre un message écoresponsable sur l’importance de se débarrasser correctement des mégots », affirme-t-elle. Pour elle, cette pollution pourrait être rapidement réduite si les consommateurs s’engageaient à changer leurs habitudes. Raison pour laquelle elle a choisi des actions visuelles en concevant des pièces rappelant des poubelles avec des mégots comme matière de création.
« En faisant des piles de dix pour les compter, on aurait dit qu’on visait le livre Guinness des records. On avait mal aux jambes et au dos à force de se baisser pour les ramasser, d’autant plus que beaucoup de ces mégots étaient à moitié recouverts d’herbe ou à moitié enfouis dans le sable. Après avoir rempli un grand sac-poubelle, je les ai emportés chez moi pour réfléchir à la création d’un objet d’art qui remettrait en question le caractère jetable de la consommation humaine. Je ne peux pas élaborer des lois, mais je peux attirer l’attention des gens sur le problème grâce à mon art. Vu de loin, il ressemble à un beau panier coloré. Mais en y regardant de plus près, on se rend compte qu’il est en fait fait de filtres de cigarettes, soutient Nathalie Leung Shing.
Mais travailler avec des mégots de cigarette présente des défis. Les composants, parfois usés, peuvent devenir fragiles. Et leur qualité d’usage n’est pas garantie lors de la réalisation d’une maquette. Mais l’artiste a pris grand soin de ne pas les abîmer. “Je les ai soigneusement découpés, désodorisés, cousus méticuleusement et intégrés à un motif de point de croix ou de broderie. Pour éliminer l’odeur désagréable de fumée, je les ai désodorisés avec un spray et j’ai même ajouté un peu de parfum Givenchy”, explique-t-elle.
Nathalie Leung Shing réalise divers objets avec des matières recyclées et des matériaux naturels tels que des feuilles mortes, ou encore des poils de chats. Avec du fil et une aiguille, elle défie les conventions et élève la couture au rang d’art. Poussée par la conviction que l’artisanat peut susciter des changements positifs et des conversations significatives, les créations de Nathalie présentent des points de couture complexes, des matériaux de récupération inhabituels et une histoire. C’est le point de départ d’une “protestation douce” à travers le craftivisme, une forme d’activisme construite autour d’un artisanat qui provoque la réflexion de manière non combative et qui incite les gens à se poser des questions.
Avant de s’adonner à l’art textile, elle a étudié le commerce international au Royaume-Uni et a passé 18 ans à travers l’Asie à travailler dans le design, la mode et l’hôtellerie en tant qu’experte en marketing. C’est en 2021 qu’elle choisit de retourner à Maurice pour suivre sa véritable vocation et sa passion pour les arts et l’artisanat. En tant qu’artiste autodidacte, elle travaille principalement avec des textiles recyclés et des matériaux naturels, les transformant en objets stimulants. Sa pratique reflète un profond engagement envers la durabilité et la narration. En juillet 2025, son travail a été présenté dans Fiber Art Now (États-Unis) et Resurgence Magazine (Royaume-Uni).
Il a également été exposé à la 12e Scythia International Mini Textile and Fibre Art Exhibition en Ukraine (juin 2025) qui avait réuni 121 artistes issus de 30 pays. Ainsi qu’à la Boomer Gallery au Royaume-Uni (août 2025). Cette habituée des expositions internationales présentera une œuvre lors de la 13e Biennale internationale d’art textile qui se tiendra en décembre à Pékin. En juillet de cette année, Nathalie Leung Shing avait remporté le concours Trash to treasure, un concours d’art sur Instagram organisé par Islanders Preservation Action du Groupe Oxenham.