Osman Mahomed, ministre du Transport intérieur
« Réduire la souffrance de nombreuses familles »
La route n’est pas qu’un espace de circulation : elle est devenue, au fil des années, le théâtre d’un drame humain répétitif. Le constat dressé par le ministre du Transport intérieur, Osman Mahomed, est sans concession. Présentant en deuxième lecture le Road Traffic (Amendment) Bill à l’Assemblée nationale, il a justifié la réintroduction du système de permis à points par une urgence morale et sociale, qui consiste à faire reculer la tragédie des accidents de la route et la souffrance qui frappe des familles entières.
« Behind every figure in those statistics, there is a grieving mother… The number of serious injuries and fatalities on our roads have become a silent pandemic », a déclaré le ministre, parlant d’une réalité qui dépasse les chiffres. Selon lui, chaque accident grave cache une histoire bouleversée : une mère qui pleure, un père qui ne verra pas grandir ses enfants, ou encore une famille précipitée dans la précarité après la perte du principal soutien financier. C’est cette réalité humaine qui fonde, dit-il, la philosophie du projet de loi.
Le gouvernement relance donc le système de permis à points avec une ambition assumée. « The overarching objective remaining the same, that is, change the psychology of driving, a simple universal principle. Driving is a privilege and not a right », dit-il. Le message est clair : la sécurité routière passe d’abord par un changement de mentalité, et non par une simple accumulation d’amendes.
Il réfute l’idée d’un texte essentiellement répressif : « The aim is not to generate revenue through fines, but to restore discipline on our roads », estime-t-il. L’approche retenue se veut corrective plutôt que punitive, avec un système de points qui sanctionne la répétition des infractions, et non l’erreur isolée. Celui qui persiste à enfreindre les règles s’expose à la perte progressive, puis à la suspension, du privilège de conduire.
Les enseignements du passé
Pour justifier la réintroduction du permis à points, Osman Mahomed s’appuie sur des chiffres. « During the period 10 March 2013 to 27 July 2015, the Penalty Point System brought about evidence-based results as the number of fatalities on the road had dropped by 13% », a-t-il trouvé. À l’inverse, le système des Cumulative Road Traffic Offences (CRTO), amendé à plusieurs reprises depuis 2018, n’a pas donné les résultats escomptés malgré un durcissement progressif.
Le ministre n’a pas caché sa frustration face à ce qu’il qualifie de « renoncements politiques successifs », soulignant qu’aujourd’hui, son ministère propose une alternative concrète, réfléchie et alignée sur les meilleures pratiques internationales. Le projet de loi élargit ainsi la liste des infractions assorties de points et inclut désormais des comportements particulièrement dangereux, comme les rallyes illégaux. À ce sujet, il a été sans ambiguïté : « The legislation will not bring the desired results without an effective enforcement by the police and other authorised officers. »
Le texte, aussi ambitieux soit-il, devra donc s’appuyer sur une application rigoureuse sur le terrain. Le système comporte aussi ce que le ministre appelle un Fear Factor absent du CRTO. « The genius of the system is that the points allocated to any driver is constant and visible to him… The possibility for him to lose the tremendous privilege of driving is the strongest psychological effect prompting a driving behavioural change », prévoit-il. En d’autres termes, le conducteur est constamment confronté aux conséquences de ses actes.
Face aux critiques évoquant une mesure punitive, Osman Mahomed se montre catégorique. « The reintroduction of the Penalty Point system is not a trial and error experiment », a-t-il assuré. Selon lui, le projet de loi est « the product of a collective and profound reflection designed to meet an urgent national concern » et s’inspire de systèmes éprouvés dans de nombreux pays développés.
Autre élément mis en avant : aucune augmentation des amendes n’est prévue pour les infractions concernées par les points. À ceux qui estiment que l’État cherche avant tout à remplir ses caisses, il a rétorqué que « that argument does not hold water » . Le cœur de la réforme est ailleurs : instaurer une discipline durable et protéger des vies.
Au-delà des mécanismes juridiques, le ministre a voulu adresser un message direct aux citoyens. « I am optimistic that it will contribute to save lives and consequently reduce the suffering of many families », a-t-il affirmé, appelant à un « sursaut collectif ». Pour lui, la sécurité routière n’est ni une question idéologique, ni partisane, mais un devoir envers les victimes d’hier et les usagers de demain.
Manoj Seeburb, Backbencher
« Nous devons agir avant qu’une vie de plus ne soit perdue »
Le député Manoj Seeburn a d’emblée déclaré que « nous devons réduire les décès et les blessures graves sur nos routes ». Il poursuit que « nos routes, autrefois symboles de connectivité et de progrès, deviennent de plus en plus des espaces de danger, d’incertitude et de perte. La situation sur nos routes exige de l’honnêteté et du courage de la part de chacun d’entre nous, y compris du leader de l’opposition, qui a fait plusieurs observations sur ce projet de loi sans toutefois exprimer de désaccord. Nous devons nous demander : sommes-nous prêts à rester silencieux, passifs, alors que les tragédies se multiplient ? »
Insistant sur l’importance de prendre ses responsabilités, il se demande « sommes-nous prêts à dire à nos citoyens que nous avons vu les signes avant-coureurs, mais que nous avons échoué à agir ? La réponse est non. Aujourd’hui, nous avons le devoir d’agir avant qu’une vie de plus ne soit perdue. » Aussi, cet amendement constitue, selon lui, « une réponse ferme à cet appel », car « il met en place un cadre efficace pour une meilleure conformité aux lois routières et vise à renforcer la protection des usagers de la route et à encourager une culture de conduite responsable ».
« Au cœur de cet amendement se trouve la réintroduction du système de points de pénalité. Cette réforme établit une approche structurée qui responsabilise les contrevenants et décourage les comportements dangereux au volant. En attribuant des points de pénalité pour les infractions routières et en suspendant ou en restreignant les permis lorsque trop de points sont accumulés, ce système encourage une conduite meilleure et plus sûre. Il s’agit d’une législation bien conçue par le State Law Office et introduite par le ministre du Transport, qui traite la quasi-totalité des enjeux majeurs », a affirmé le député.
L’amendement favorise ainsi la dissuasion, d’après lui, et renforce la responsabilité des conducteurs. « En attribuant des points aux auteurs d’infractions, le système impose une pénalité concrète et cumulative dépassant la simple amende ponctuelle. Sachant que les infractions répétées peuvent mener à la suspension ou au retrait du permis, les conducteurs imprudents deviendront plus vigilants. » Il est d’avis que des études à travers le monde montrent que les conducteurs proches du seuil de perte de permis « réduisent significativement la probabilité de commettre de nouvelles infractions ».
« Certains diront que le système est trop sévère, mais pour être clair : un conducteur prudent n’atteindra jamais la limite de ce système. Le système de points de pénalité est le meilleur outil pour répondre à ces problèmes », a conclu l’intervenant.
Arvin Boolell, ministre de l’Agro-Industrie
« Aucune leçon à prendre de l’opposition »
Arvin Boolell, ministre de l’Agro-industrie, estime que le gouvernement agit dans l’intérêt public et que la nouvelle législation marque une rupture nécessaire. Il a ainsi reconnu que le leader de l’opposition avait été, dans l’ensemble, « fair » dans son approche, tout en rappelant clairement la position du gouvernement. « We have no lessons to learn from the opposition regarding road safety » , fait-il ressortir.
Pour le ministre, les dernières années ont été marquées à la fois par des progrès et des reculs en matière de sécurité sur les routes, ce qui rend impératif un changement de cap « fort et cohérent ». Il a ainsi souligné que l’expérience accumulée démontre que « penalty point system is the best », même si ce dispositif doit s’accompagner d’autres leviers essentiels, comme l’éducation, des infrastructures de qualité et le sens des responsabilités individuelles.
Au cœur de son intervention, le ministre Boolell est revenu sur la nécessité de mettre fin à l’impunité. « Repeated offenders cannot get away with murder », a-t-il lancé, insistant sur la création d’un mécanisme efficace pour « a better compliance with traffic regulations » et « encouraging responsible driving behaviour ». Selon lui, l’objectif est clair : envoyer un message sans ambiguïté à l’ensemble des usagers de la route.
Arvin Boolell a estimé que les Cumulative road traffic offences, introduites en 2015, visaient déjà à améliorer la sécurité routière. Mais il a reconnu sans détour que ce système « failed to deliver » et que les résultats attendus n’ont jamais été au rendez-vous. Dès lors, le gouvernement n’avait plus le choix que d’opter pour un véritable tournant. C’est dans ce contexte qu’il a évoqué le Road Traffic Management Bill 2025, qu’il qualifie sans hésiter de « turning point ». Le système proposé, a-t-il assuré, est « fair, transparent and clearly outlines the consequences of irresponsible driving ».
« The penalty point system introduces an essential deterrent effect that the cumulative road traffic offences lack », a-t-il renchéri, ajoutant que la menace de perdre le droit de conduire constitue un puissant moteur de changement de comportement. S’appuyant sur des comparaisons internationales, notamment avec la Nouvelle-Zélande, Arvin Boolell a fait état de l’efficacité de ce système, soulignant qu’il n’est « no different from our penalty system ».
Il a aussi mis l’accent sur la dimension humaine et morale du projet de loi. « If we love our children, if we love our people, we have to make sure that safety and security is all-encompassing », dit-il.
Shridur Jugurnauth, Backbencher
« La sécurité routière n’est pas une question théorique »
Le député Shridur Jugurnauth a déclaré qu’en tant que backbencher du gouvernement, il plaide pour un système de pénalité « ferme, mais juste », portant ainsi « la voix des préoccupations légitimes, des aspirations et des attentes des citoyens qui nous ont confié un mandat ». Il ajoute que son devoir « n’est pas seulement d’approuver, mais aussi de contribuer, d’affiner, de questionner et de proposer des améliorations au Road Traffic (Amendment) Bill ».
Il poursuit : « La sécurité routière n’est pas une question théorique, c’est une nécessité fondamentale. Chaque statistique représente une famille brisée, une vie interrompue, un avenir bouleversé. La réintroduction du système de permis à points constitue un pas vers l’instauration d’une culture de responsabilité et de discipline sur nos routes. » Pour autant, pour que ce système fonctionne, il doit être « ferme, mais aussi, juste », explique-t-il. « Un système qui ne pénalise pas injustement ceux qui commettent une erreur sincère et isolée. »
« Prenons par exemple l’infraction de ne pas porter la ceinture de sécurité. La sanction doit être proportionnée. Je propose que la première infraction fasse l’objet d’un avertissement ou d’une amende, et que la déduction de points soit réservée aux récidivistes », a-t-il dit. La même logique doit s’appliquer aux défauts mécaniques mineurs. « Un citoyen peut quitter son domicile avec des feux parfaitement fonctionnels, et voir une lampe arrière tomber en panne à cause des vibrations ou de l’état des routes. Ce conducteur devrait-il immédiatement perdre des points ? Si les images du Safe City Network peuvent confirmer que les feux fonctionnaient auparavant, alors la justice exige que cette preuve soit prise en compte. Ce n’est pas de la clémence, c’est de l’équité. »
Il a ensuite souligné une incohérence plus générale. « La loi sanctionne, à juste titre, l’excès de vitesse. Pourtant, lors de l’inspection technique des véhicules, l’exactitude du compteur de vitesse – pourtant essentielle au respect des limitations – n’est pas systématiquement vérifiée. Comment peut-on exiger le respect strict des limites de vitesse si l’instrument même qui permet de mesurer la vitesse est négligé lors des contrôles techniques ? » s’est-il demandé.
Dianette Henriette-Manan, Rodrigues
« Pour une révision raisonnable des limitations de vitesse à Rodrigues »
Dianette Henriette-Manan (Rodrigues) soutient que « personne ne conteste que Rodrigues présente une topographie difficile », citant les routes sinueuses, les virages étroits et certaines sections traversant des villages et des zones rurales. « Cela rend naturellement la vitesse élevée dangereuse. Mais cela ne signifie pas que la limite actuelle, fixée à 50 km/h, doive rester figée dans le temps. »
« Cette limitation a été établie il y a de nombreuses années et ne reflète plus réellement l’évolution de notre parc automobile, ni l’amélioration de plusieurs tronçons routiers, ni les besoins actuels de mobilité de notre population », dit-elle. « Dans de nombreuses zones, cette limite est devenue obsolète et les gens sont sanctionnés. »
Elle avance que les visiteurs comme les Rodriguais remettent souvent en question cette limite. « Avec l’introduction du système de pénalités à points, cela devient encore plus injuste. Je propose donc une révision raisonnable des limitations de vitesse, différenciée selon les catégories de routes, bien que toute augmentation doive aller de pair avec un renforcement des contrôles », a-t-elle déclaré.
Un autre problème persistant affectant les usagers de la route à Rodrigues, bien plus que sur le territoire principal, dit-elle, est la présence d’animaux laissés sans surveillance sur les routes. « La semaine dernière encore, un accident s’est produit à cause de bovins traversant la chaussée. Il est donc impératif que cette situation, déjà définie comme une infraction dans la Road Traffic Act, soit clairement redéfinie pour inclure les animaux laissés sans surveillance, et que cette infraction s’accompagne de sanctions plus sévères, comme une augmentation des amendes. Trop souvent, les propriétaires ne font face à aucune conséquence, ce qui permet à ces violations de persister dans une impunité totale », a-t-elle souligné.
Elle devait poursuivre : « Je ne peux pas évoquer les amendements à la Road Traffic Act sans insister sur l’urgence de moderniser nos infrastructures routières existantes et de construire de nouvelles routes, afin que tous les Rodriguais puissent bénéficier d’installations routières similaires à celles de la République. L’Assemblée régionale de Rodrigues et le gouvernement ont fait de leur mieux avec les ressources disponibles. Mais j’en appelle au gouvernement central pour qu’il poursuive son soutien, car il existe encore des routes essentielles à construire à Rodrigues pour relier les citoyens aux services indispensables. »
Pour elle, Rodrigues reste l’une des régions affichant le plus faible nombre d’accidents graves. « Je demande que le projet de loi soit adopté, mais qu’il inclue des amendements spécifiques à Rodrigues. »

