- L’agence Kroll engagée pour dépister les dessous de la vente de cinq avions, le leasing de deux A330-200 et la commande de trois A350-900 supplémentaires
- Une autre investigation dans l’affaire d’un moteur complètement abîmé malgré plus d’une quarantaine d’interventions entre novembre 2023 et février 2024
La compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, qui tente toujours de trouver ses marques sur le plan international, n’a d’autre choix que de se mettre à l’heure des enquêtes en tous genres. C’est ce qui découle de deux communiqués émis en fin de journée d’hier par la compagnie aérienne suite à des décisions entérinées par le Board et dans le sillage des éléments de réponses fournies à l’Assemblée nationale, mardi dernier, par le Premier ministre, Navin Ramgoolam. La première investigation brasse large compte tenu que les attributions déclarées portent sur la vente de cinq aéronefs sous le précédent gouvernement, dirigé par Pravind Jugnauth et l’autre sur un fait rarissime d’un moteur d’avion abîmé.
Ainsi, Air Mauritius a retenu les services spécialisés de l’agence Kroll pour procéder à une Forensic Investigation des procédures établies pour la vente de cinq appareils de sa flotte et celles menant au contrat de location de deux A330-200. Un troisième volet de l’enquête concerne la commande auprès d’Airbus de trois appareils supplémentaires de type A350-900.
Ces cinq appareils ont été vendus durant la période de l’administration volontaire, soit depuis avril 2020 jusqu’à septembre 2021, période placée sous le contrôle de Sattar Hajee Abdoula. Il est question de deux A340-300, deux A319-100 et un A330-200.
Bien qu’aucune allusion directe ne soit faite à des articles de presse, ces décisions surviennent dans un contexte où deux articles publiés par l’hebdomadaire Week-End, ces deux dernières semaines sur des manquements de la compagnie, ont suscité de nombreuses interrogations. La première évoquait un avion d’Air Mauritius immobilisé depuis plus de deux mois à Naples pour des réparations majeures, tandis que la seconde portait sur un appareil “loué ou vendu” à une compagnie yéménite et récemment mis hors service dans une frappe aérienne en plein conflit régional.
Les enquêteurs doivent considérer les justifications économiques de ces décisions de vente en tenant compte de la valeur comptable de ces appareils dans les livres d’Air Mauritius. Ce premier volet concerne aussi les cessions ou éliminations des pièces de rechange, des outils spécialisés et d’autres actifs associés à ces aéronefs.
Le deuxième volet a trait à la location de deux A330-200 en 2022. L’enquête devra établir les paramètres de la procédure d’appel d’offres et de la conformité de l’exercice avec toutes les dispositions pour contrer les risques potentiels de pots-de-vin, les lois anti-corruption et de blanchiment d’argent. La mission de Kroll s’étend à l’identification d’éventuels bénéfices monétaires illégaux, de conflits d’intérêts ou des écarts aux responsabilités fiduciaires.
En vertu du contrat alloué par Air Mauritius, l’agence Kroll est fondée de pouvoir pour enquêter sur tous les aspects de l’appel d’offres menant à la location de ces deux A330-200 : de l’initiation de cet exercice à la négociation du contrat et sa finalisation. Le communiqué d’Air Mauritius souligne que cette initiative inclut toute étude de faisabilité produite avant même l’exercice d’appel d’offres, toute la documentation relative à cet exercice, les Processes pour l’exercice de présélection et de sélection, ainsi que la procédure d’approbation par le comité d’appel d’offres et le conseil de direction d’Air Mauritius.
Par ailleurs, la compagnie aérienne nationale a diligenté une enquête parallèle pour établir les responsabilités collectives et individuelles dans le cas d’un moteur complètement abîmé malgré plus d’une quarantaine d’interventions entre novembre 2023 et février 2024. Air Mauritius maintient dans ce second communiqué que le constat de négligence du consultant technique engagé par MK est sans appel. La facture acquittée par la nouvelle direction s’élève à 8,45 millions de dollars (environ Rs 400 millions) pour le laisser-aller qui prévalait sous l’administration précédente.
« L’affaire est rare chez Air Mauritius, mais elle est grave. Au plan financier d’une part, mais aussi quant à l’efficacité technique. D’où la décision du Board de réclamer une enquête qui devra établir la séquence des événements, et identifier les failles dans la communication entre les intervenants mécaniques et les ingénieurs techniques ainsi que l’examen des processus décisionnels », ajoute le communiqué.
L’enquête préliminaire sur le moteur ESN 41426 a établi qu’un détecteur électronique avait envoyé le premier message d’erreur le 24 novembre 2023. Constatant que la fréquence de survenance de ce même problème était bien trop élevée, le consultant technique est parvenu à la conclusion qu’il y avait eu des failles dans la gestion de ce problème mécanique particulier.
Les nouvelles investigations réclamées cette fois par le conseil d’administration couvrent des paramètres très larges, comme l’examen des registres d’interventions permettant d’identifier tous ceux qui étaient au courant des failles et les mesures correctives que certains auraient éventuellement engagées ou des éléments du protocole que d’autres auraient ignorés.
Dans cette perspective, Air Mauritius affirme avoir formellement rappelé à tous les employés la notion d’Accountability pour tous types de laisser-aller ou de négligence, antérieurs ou futurs.