L’année 2025 en a été une de transition pour le secteur de l’eau et de l’assainissement à Maurice, et forcément le constat est implacable. L’accès sans restriction au précieux liquide reste un mirage, un échec patent, pour dire les choses crûment. La limitation des ressources en eau, les menaces qui pèsent sur leur usage et le déséquilibre dans leur répartition ont atteint des niveaux critiques et constituent des défis graves pour les prochaines années. 2026 devrait ainsi marquer un tournant pour ce secteur : la fin du tout relatif état de grâce et le début de la nouvelle ère des objectifs de développement durable dévoilés en grande pompe par le gouvernement du Changement et son ministre des Services publics, Patrick Assirvaden, qui seront attendus au tournant, compte tenu des sommes colossales qui seront investies dans divers projets pharaoniques, en grande partie grâce à l’énorme manne financière allouée par les pays amis comme l’Inde, l’Arabie Saoudite, Abu Dhabi et la France.
Est-il encore nécessaire de tâter le pouls de la population ou tendre l’oreille pour corroborer le fait que le fossé s’est davantage creusé entre l’offre et la demande dans les zones les plus mal loties de l’île en s’aggravant parfois en situation de grande détresse pour des centaines de milliers d’abonnés de la CWA ? Les gouvernements qui se sont succédé au cours des 20 dernières années ont beau se ranger derrière l’excuse du changement climatique et des sécheresses de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses pour apporter une part d’explication à ce marasme, mais personne n’est dupe. Les méthodes de stockage de l’eau n’ont jamais été repensées, renouvelées et innovées, afin de protéger l’eau de l’évaporation et de la pollution, au même titre que le développement des structures de stockage souterrain, l’entretien des canaux de distribution de l’eau d’irrigation et la valorisation des ressources en eau qui se jettent dans la mer.
Quant aux investissements sur les infrastructures, si l’enveloppe a été augmentée, au fil des années, les travaux programmés, qui consistent à changer des kilomètres de grosses canalisations, ont été insuffisants pour remettre l’eau au robinet… Sans parler des soupçons de malversation entourant le projet In-House Pipe Replacement réalisé sous l’ancien régime, dévoilés dans un rapport sur fond de graves failles stratégiques, structurelles et de faits relevant de la corruption et de la dilapidation de fonds autour dudit chantier évalué à Rs 700 millions. Notre propos ici est de nous demander si, au-delà des sommes astronomiques jetées par la fenêtre, ces échecs répétitifs ne sont pas dus à des choix irrationnels, faits ici bas, sur terre, par des responsables pêchant par amateurisme.
Dilapidation des fonds
Ceux qui ont botté le MSM et alliés hors du pouvoir pourront-ils faire mieux ? Sont-ils en mesure de régler le problème à se source pour désamorcer la colère des citoyens qui ont pris l’habitude d’implorer la CWA d’ouvrir (un peu plus) les vannes ? Ces questions sont sur toutes les lèvres. Pour répondre à ces défis, le nouveau gouvernement avait donné le ton durant les six premiers mois en dévoilant un « Plan Marshall de l’eau » national, structuré autour de six axes stratégiques : le développement des eaux souterraines, l’expansion des ressources en eau de surface, la réutilisation des eaux usées, le dessalement, l’utilisation de l’eau pour l’hydroélectricité et la construction de mini-barrages. Ce plan vise non seulement à accroître l’approvisionnement en eau, mais aussi à améliorer l’efficacité et à garantir une distribution équitable sur l’ensemble du territoire.
Sauf qu’il est notoire que les longs débats, les discours solennels et les beaux plans ne servent à rien s’ils ne sont pas suivis d’actes. Aussi, pour garantir des résultats à grande échelle, Maurice n’a pas d’autres choix que de solliciter l’aide financière d’autres pays, d’institutions financières publiques et privés ou auprès d’agences de développements internationales, car c’est de la résolution financière que dépendra l’issue de la bataille de l’eau au cours des prochaines années.
Rangé dans le grand tiroir des projets fantôme, quand bien même il est retiré à chaque budget, depuis 2010, le dossier relatif à la construction du barrage de Rivière-des-Anguilles est un exemple, parmi tant d’autres, des atermoiements à répétition de nos décideurs politiques, entre difficultés de financement et hésitations sur les critères d’allocation des contrats, qui ont considérablement retardé l’expansion des capacités de stockage d’eau nationales, le renforcement de la résilience du réseau et la diversification des sources d’approvisionnement.
Rs 9 Mds pour le barrage de Rivière-des-Anguilles
Certes, il devient de plus compliqué de prendre pour argent les sempiternelles promesses liées à la relance du barrage à Rivière-des-Anguilles, mais la déclaration faite, le mois dernier, par le ministre de tutelle Patrick Assirvaden, selon laquelle un appel d’offres international devrait être lancé d’ici à la fin de l’année, est de nature à convaincre que le projet, qui sera financé à plus de Rs 9 milliards par un consortium composé de l’Abu Dhabi Fund for Development, du Saudi Fund for Development et de l’Arab Bank for Economic Development, connaîtra enfin un coup d’accélérateur dans les semaines à venir. Les travaux pourraient démarrer en août 2026. Le secteur de l’eau fera aussi l’objet d’un appui structurant grâce à la France, à travers l’Agence française de développement (AFD).
Patrick Assirvaden a annoncé, lors de la semaine écoulée, un programme de modernisation massif : remplacement des conduites, création de réservoirs de proximité, construction de mini-barrages et investissements étrangers structurants — notamment 200 M€ de réformes et 120 M€ de projets avec l’AFD et l’Union européenne. Rodrigues bénéficiera, là encore, d’actions spécifiques incluant des études, des capacités supplémentaires de stockage et une modernisation de la distribution.
La maîtrise des fuites d’eau à travers le réseau de distribution est un enjeu important pour le gouvernement. Le taux de non revenue water sur le réseau de distribution d’eau potable s’élève à plus de 60%. Le ministre s’est félicité que Maurice ait obtenu une ligne de crédit d’environ Rs 2,9 milliards auprès du gouvernement de l’Inde pour remplacer 114 kilomètres de canalisations d’eau défectueuses dans 13 localités. La question des installations anarchiques des tuyaux d’approvisionnement qui ne sont pas enfouis comme il se doit ou qui traînent carrément le long des rues et des trottoirs devrait aussi faire l’objet de discussions sérieuses au niveau du ministère des Utilités publiques, sans oublier le traitement des eaux usées, le dessalement et la collecte des eaux de pluie.
Le gouvernement mise aussi sur une technologie australienne pour installer de mini‑réservoirs de service en acier, ainsi que des réservoirs de stockage de 9 000 litres dans les régions les plus touchées.

