Une fois n’est pas coutume, la direction de Mauritius Telecom, représentée par son Chairman Maxime Sauzier, et son CEO Kapil Reesaul, a présenté ses résultats financiers pour 2022 et a ensuite répondu aux questions de la presse. MT a d’abord présenté son bilan financier qu’il a qualifié de positif et d’exceptionnel avec des revenus record de Rs 11,4 milliards et des profits nets en hausse de Rs 1,1 milliard malgré les difficultés causées en 2022 par la controverse qui a écorné son image de marque avec le Sniffing Gate. Mais ce qui a marqué surtout cette conférence de presse, c’est l’heure des questions, où la direction a affirmé qu’il y a bien eu des manquements sous l’ère Sherry Singh, tout en se réfugiant derrière l’enquête et les procédures pour ne pas en dire plus.
Les journalistes présents à cette conférence de presse se sont surtout appesantis sur les dessous des enquêtes tous azimuts déclenchées en interne par Mauritius Telecom à la suite du départ surprise de Sherry Singh comme CEO de la compagnie le 30 juin 2022 pour des raisons liées à de profonds désaccords avec le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Deux jours plus tard, à la radio, le 1er juillet, l’ex-CEO de MT expliquait la base même de ce désaccord et faisait de graves allégations contre le PM sur ce qui sera connu comme l’affaire sniffing, où le Premier ministre avait intimé le CEO de MT de permettre à équipe technique en provenance de l’Inde de procéder à un survey sur le câble SAFE. Sherry Singh avait qualifié cette intrusion à Baie-du-Jacotet de sniffing du réseau internet, c’est-à-dire capture de données sensibles pouvant porter préjudice à la sécurité nationale, aux chancelleries étrangères à Maurice et aux Mauriciens en général puisque ce survey permettait un accès direct aux données confidentielles de toutes les parties.
Les loopholes, « il y en a »
Dans le sillage du départ de Sherry Singh, la nouvelle direction de MT a diligenté une série d’enquêtes internes sur la gestion des anciens dirigeants, sur lesquelles les journalistes ont demandé des explications lors de cette conférence de presse. À la question de savoir si les conclusions seront rendues publiques, le président du conseil d’administration de MT, Maxime Sauzier, a fait comprendre que « les findings ne peuvent être divulguées du fait qu’il y a une enquête de la police. Nous avons remis nos rapports aux autorités concernées. À ce stade, ce se serait inopportun de les divulguer avant la fin de l’enquête. Ce sera fait en temps et lieu je pense. Pour l’instant, nous sommes obligés de suivre la procédure. » Me Sauzier a néanmoins confirmé des manquements : « Il y a eu trois audits commandités. Un Technical, un-HR et un autre Financial Forensic. Les loopholes, s’il y en a, la décision finale sera prise par les autorités qui enquêtent. Mais il y en a. Je ne peux pas vous dire aujourd’hui, ce sera grave à l’enquête. C’est la raison pour laquelle nous avons remis les trois rapports aux autorités. »
Le président de MT n’a pas voulu directement nommer ces manquements, mais il a donné de claires indications quant à leur nature : « Si je vous dis qu’il y a eu trois rapports, vous avez trois domaines. La conclusion est simple. Si nous avons référé les cas aux autorités, c’est qu’il y a eu manquements dans les trois. »
Quant au CEO de MT, Kapil Reesaul, qui s’est plus concentré sur l’opérationnel, il a évoqué le fameux audit américain qui a aussi fait « des recommandations pour renforcer la gouvernance. Je peux vous rassurer que toutes les recommandations ont été passées à l’Audit Committee et nous avons établi un plan d’action pour les mettre en place. » Pour ce qui est du Copper Recovery Project et du manque à gagner de MT ou des mesures prises contre l’intérêt de la compagnie, le CEO devait déclarer : « Nous sommes en train de collaborer avec la police pour fournir les renseignements recherchés. À ce stade, nous n’allons pas donner tous les détails en raison de l’enquête en cours. Le board a donné son aval pour aller de l’avant avec des Law Enforcement Enquiries que sont l’ICAC et la police. »
Pour ce qui est des transactions avec Huawei, l’enquête FTI et le sniffing allégué, Kapil Reesaul a botté en touche en disant attendre les conclusions des enquêtes en cours. Cependant, concernant les résultats financiers de MT, il a été plus loquace : « S’il n’y avait pas eu ces manquements, je pense que les profits auraient été beaucoup plus encore. Nous avons fait les efforts qu’il fallait dans le second semestre. Going forward, je pense que les résultats vont être beaucoup mieux. »
Profits en hausse de 79%
Pour en revenir aux résultats financiers de MT, le chiffre d’affaires était pour l’année financière 2022 de Rs 11,4 milliards, représentant une croissance de 5,4% par rapport à l’année précédente. Conséquemment, les profits nets dépassaient la barre du milliard, soit Rs 1,1 milliard en 2022 contre Rs 618 millions en 2021, enregistrant une croissance de 79%.
Le CEO de MT a rappelé que ce résultat financier positif a été possible bien que MT ait fait face à de nombreux défis l’année dernière que la compagnie a surmontés : « Nous avons su montrer que nous sommes une compagnie résiliente, pleine de ressources et déterminée. Mauritius Telecom a su prendre des mesures audacieuses pour répondre aux exigences de ses actionnaires, ses prestataires, ses employés et ses clients dans un contexte d’économie mondiale volatile. »
Kapil Reesaul avance que la compagnie a poursuivi ses investissements dans l’optimisation et la sécurité de son réseau et a aussi fait la part belle à l’innovation et à la numérisation, essentielles à sa croissance. Ainsi, dit-il « depuis l’installation de la nouvelle administration en août dernier, des initiatives ont été prises pour rendre MT plus responsable et éthique, notamment à travers une actualisation du code de conduite afin de refléter les valeurs et l’engagement des principes de bonne gouvernance pour assurer une gestion transparente et responsable de la compagnie. »
Quant à Maxime Sauzier il s’est réjoui que « le board ait tenu son engagement de veiller que Mauritius Telecom opère au terme des normes d’équité et de transparence les plus élevées avec le renforcement des pratiques de bonne gouvernance au sein de la compagnie. De même, nous avons mis en œuvre des mesures pour promouvoir une culture d’éthique et d’intégrité parmi les employés. »
