La réforme du système de pension, qui est on the card depuis 2008, et annoncée dans le premier budget de l’Alliance du Changement à partir de l’exercice financier 2025-26 et échelonnée au cours des cinq prochaines années, se présente comme un véritable pavé dans la mare politique et économique. L’introduction de la Basic Retirement Pension (BRP) à 65 ans, avec mise en vigueur prévue à partir du 1er septembre prochain, selon le plan établi par la Budget Cell du ministère des Finances, ne fait nullement l’unanimité. Que ce soit sur le plan syndical, parmi ceux qui sont à la veille de célébrer leur 60e anniversaire, donc aspirant à bénéficier des premiers paiements du ministère de la Sécurité sociale ou encore au sein de certains quarters de la majorité gouvernementale. Dans ce dernier cas, les prises de position sont soit davantage plus nuancées que la fronde syndicale, soit plus discrètes, pour ne pas dire sournoises.
Face à cette situation ayant débouché sur une unité syndicale retrouvée, sous la forme d’une plateforme commune avec pour slogan Pansion à 60-tan à tous : pa negosiab, l’Hôtel du Gouvernement a pris la décision de se donner un afterthought avec la tenue d’une Special Cabinet Meeting demain, sous la présidence du Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam. Ce dernier, qui est rentré hier matin du 3e sommet de l’Océan à Nice, et de sa rencontre avec le président français, Emmanuel Macron, au Palais de L’Élysée, est engagé dans une course contre-la-montre pour tenir en ligne de compte les objections formulées contre la BRP à 65 ans et la piqûre de rappel pour faire preuve d’empathy et de compassion envers les membres du 3e âge. Mais à peine une semaine après le Budget Speech, Moody’s Investors s’est rappelé aux bons soins du gouvernement avec une Issuer Note, mettant en garde contre des execution risks des ambitious consolidation paths définis dans le budget.
Le premier constat découlant de la mesure visant à repousser le paiement de la Basic Retirelent Pension de 60 à 65 ans demeure cette unité reconstituée, certes conjoncturelle, dans le monde syndical. Le négociateur de la Fédération des Travailleurs Unis (FTU), Atma Shanto, un vieux de la vieille dans le syndicalisme, aura réussi un tour de force. Mettant de côté leurs différences, ou encore mieux leur ego, les dirigeants et animateurs syndicaux ont accepté volontairement de se rencontrer, vendredi, pour constituer une plateforme commune visant à contrer la mise en vigueur de la BRP à 65 ans.
Les syndicalistes ont unanimement fait passer le message au gouvernement : pas question d’accepter le report de la BRP de 60 à 65 ans. L’initiative de la FT sera complémentée par la décision de la Confédération des Travaillers des Secteurs Public et Privé (CTSP) du tandem Reeaz Chuttoo et Jane Ragoo, pour organiser une manifestation dans les rues de la capitale samedi pochain, 21 juin.
Les syndicalistes de la plateforme commune, comprenant entre autres la Confédération des Travailleurs des Secteurs Public et privé (CTSP), la General Workers Federation (GWF), le Mauritius Labour Congress (MLC), la Federation of Parastal Bodies and Other Unions (FPBOU) et la Federation des Travailleurs Unis (FTU), misent sur une mobilisation populaire lors de ce rassemblement anti-BRP à 65 ans, pour acculer le gouvernement à un changement d’avis et apporter des amendements nécessaires aux paragraphes 246 à 249 du Budget Speech, intitulé From Abyss to Prosperity : rebuilding the bridge to the future.
talon d’Achille
Si la problématique de la BRP à 65 ans affecte principalement des salariés dans des secteurs d’activités économiques comme la construction, l’agro-industrie, notamment les opérations aux champs ou encore dans le transport en commun, les organisateurs de la manifestation du 21 à Port-Louis disposent d’une carte maîtresse, soit les femmes au foyer, dont la pension de vieillesse à partir de 60 ans constitue un tout en termes de soulagement. Ce dernier élément s’avère être le talon d’Achille politique de la démarche de réforme de la pension.
À ce stade, la question qui se pose est de savoir si l’Hôtel du Gouvernement viendra de l’avant avec un nouveau BRP Deal, acceptable aux beneficairies-in-waiting et susceptible de désamorcer la montée de la grogne syndicale avec la première étape du 21. Du moins, la tenue de la Special Cabinet Meeting de demain avec pour principal item à l’agenda le dossier de la réforme de la pension est perçue comme une initiative de la part du gouvernement pour se donner les moyens de mettre les points sur les « i » sur cette question cruciale.
Force est de constater que si l’item de la Social Protection se présente dans les estimates avec une budget line de Rs 90 milliards, les dotations budgétaires pour assurer le paiement de la Basic Retirement Pension sont juste sous la barre des Rs 53 milliards pour l’exercice financier 2025-26 avec le montant se maintenant presque au même niveau pour les deux autres années subséquentes, soit Rs 53,7 milliards en 2026-27 et Rs 52,9 milliards pour 2027-28.
Les mauvaises langues prétendent que le chiffre des Rs 50 milliards semble magique. Car du côté de la Financial Crimes Commission, l’on confirme que les enquêtes sur des cas de fraude, de corruption et de blanchiment de fonds, instruites depuis le début de cette année, portent sur un préjudice de l’ordre de Rs 50 milliards. Les pieces of circumstancial evidence font que parmi les 47 suspects concernés dans ces différents scandales, les noms de deux anciens membres du gouvernement sortant, l’ancien Premier ministre et l’ex-ministre des Finances, Pravind Jugnauth, et Renganaden Padayachy, sont cités.
Cette réunion spéciale du conseil de demain fait suite à une série de consultations et de séances de travail avec différents stakeholders menés par le Premier ministre suppléant, Paul Bérenger, en l’absence de Navin Ramgoolam. Un comité interministériel, avec en première ligne le ministre de la Sécurité sociale, Ashok Subron, de Rezistans & Alternativ, s’est réuni en pas moins de deux reprises, soit mardi et jeudi, pour jauger les critiques formulées contre la BRP à 65 ans, et évaluer les différentes options pour pallier les lacunes et manquements notés dans la formule de réforme proposée dans le Budget Speech.
Quelle forme prendra ce budgetary face saving device ? La première observation unanime qui se dégageait juste avant le retour de mission du Premier ministre est que toute décision par rapport à la BRP à 65 ans relèvera du ressort et des prérogatives de Navin Ramgoolam avec la Special Cabinet Meeting pour engager la sacro-sainte collective responsibility sous la Constitution.
Consensus
Un consensus est palpable quant aux caractérisques difficiles de pouvoir continuer à travailler au-delà de 60 ans dans certains secteurs économiques, d’où cet effort d’empathy et de compassion, mentionné das le discours du budget.
À cet effet, les exemptions déjà acceptées et en pratique avec l’âge de la retraite à 55 ans, notamment dans l’industrie sucrière, attestent de cette réalité. Depuis le début de la semaine écoulée, le ministère de la Sécurité sociale est engagé dans un laborieux exercice de compilation de données en vue de procéder à une évaluation des coûts de toute dérogation, avec soit une formule de transition d’allowances au titre des health-means ou même un rallongement de la période de mise en vigueur de la BRP à 65 ans de cinq ans à huit ou dix ans.
Dans la conjoncture, il y a encore le cas des femmes au foyer atteignant leurs 60 ans pendant la période de la mise en application de la réforme de la pension, qui se présente comme un casse-tête sociopolitique à l’Hôtel du Gouvernement.
L’Afterthought Cabinet Meeting de demain tiendra en ligne de compte tous ces facteurs objectifs, ayant des bearings sur le budget et l’effort de consolidation fiscale, avec en toile de fond le phénomène du vieillissement de la population en vue de revoir la copie visant à « rationalising the BRP. »
En contrepartie, deux autres facteurs hors du contrôle de l’Hôtel du Gouvernement font également partie de l’équation de la réforme de la pension. D’abord, la mobilisation des syndicats en vue de la manifestation de samedi prochain et le move parallèle de Bruneau Laurette le même jour. Une première indication de la position du gouvernement devra être possible dès mardi avec la riposte du ministre du Travail et des Relations industrielles, Reza Uteem, à l’intervention du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, sur le budget à l’Assemblée nationale.
Par contre, le summing up des débats budgétaires par le Premier ministre et ministre des Finances est annoncé pour le mardi 24, soit un peu plus de 48 heures après la manifestation de la plateforme commune syndicale.
Néanmoins, l’incontournable s’est invité aux débats sur le budget dès la fin de la semaine dernière. Par le truchement d’une Issuer Note, Mood’ys Investor’s a sorti un carton jaune. Le titre de cette dernière notation pour Maurice veut tout dire : « Budget for 2025-26 sets ambitious fiscal consolidation path but execution risks remain. »
Plus loin dans son analyse du budget, Moody’s affirme que « the budget introduces comprehensive fiscal measures addressing key challenges including increasingly rigid government expenditures. The fiscal adjustment relies heavily on politically sensitive reforms, including rationalizing social spending and transfers and increasing taxes. These measures face implementation hurdles, and revenue gains may fall short if economic growth weakens. Successfully enacting these measures and achieving targeted fiscal outcomes will be critical for restoring fiscal credibility and stabilizing debt dynamics. »
Plus que des hypothèses devant être brandie pour refroidir l’ardeur de ceux au sein du gouvernement se rangeant dans le camp prônant la thèse bizin fer kitsoz lor pansion…