Changement Climatique – Shaama Sandooyea (activiste) : « Maurice n’a pas le luxe d’attendre avant d’agir ! »

« Maurice n’a pas le privilège ou le luxe d’attendre que le changement climatique devienne une crise avant d’agir ! ». Telle est la réaction de Shaama Sandooyea, jeune biologiste marine et militante pour le climat suite aux dernières manifestations météorologiques extrêmes impactant le pays.

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Outrée, elle martèle que depuis avril 2023, les scientifiques internationaux avaient sonné l’alarme au sujet de l’El Niño. « La crise climatique avec l’El Niño est un cocktail mortel pour notre région – Sud-Ouest de l’océan Indien. Les activistes et scientifiques n’ont eu de cesse d’alerter à Maurice, mais les élus et décideurs les écoutent-ils ? » se demande-t-elle.

Militant pour des actions concrètes face à la crise climatique et ayant participé à des manifestations et conférences internationales consacrées à l’environnement et au climat, Shaama Sandooyea souligne que « Maurice est un pays très vulnérable face à la crise climatique avec des ressources très limitées et un système politique peu transparent, ce qui fragilise le processus de Recovery après un désastre. Au moment même où nous avons appris que le changement climatique deviendrait une crise, nous aurions dû tout mobiliser afin de s’y préparer. Nous avons dépassé le tournant depuis 2013 ou même plus tôt. Maurice n’a pas le privilège ou le luxe d’attendre que le changement climatique devienne une crise avant d’agir. Le manque de temps rendra les choses compliquées ».

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Elle ne se montre nullement optimiste pour l’avenir du pays quant à l’impact climatique. Elle explique que les facteurs qui détermineront le processus d’adaptation et de résilience sont : une approche scientifique et transversale – que tous les institutions et ministères soient inclus ; le financement (comment les fonds seront utilisés) ; la volonté politique (prendre des décisions qui seront non-profitables à l’économie mais qui aideront la société face à cette crise) entre autres.

Or, se désole-t-elle : « nous savons tous que le système politique à Maurice est corrompu, opaque, surtout avec les partis politiques constamment au pouvoir. Les décideurs politiques œuvrent pour eux-mêmes et pour les capitalistes pas pour le peuple, et les décisions qu’ils prennent sont uniquement pour le bénéfice de quelques personnes – les décideurs, leurs familles, proches, capitalistes, etc. Or, la crise climatique affecte d’abord les communautés vulnérables, la classe ouvrière, les marginalisés, les femmes, ensuite la classe moyenne et j’attends de voir le jour où un gouvernement priorisera ce segment de la société et pas uniquement la veille des élections ».

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Pour la jeune militante du climat, il faut que les fonds soient dirigés sous plusieurs angles avec une approche transversale. Elle estime qu’investir uniquement dans les drains ne suffisent pas. « Il faut stopper tous les projets qui détruisent les écosystèmes naturels comme les marécages, les plages, les flancs de montagne tels La Tourelle. Investir dans des drains pendant que des écosystèmes sont détruits, c’est tout simplement illogique », martèle-t-elle.

Shaama Sandooyea maintient qu’il est grand temps d’inclure la communauté scientifique dans les prises de décisions notamment dans l’octroi des EIA, ou même en ce qui concerne les projets d’intérêt national : « La protection des zones naturels est cruciale mais il faut faire gaffe quant à la méthodologie »,prévient-elle.

Elle met l’accent également sur l’importance d’un programme de plantation d’arbres, précisant que des actes de Greenwashing ne sont pas la solution face à la crise climatique. « Nous avons besoin d’une reforestation active couvrant plusieurs hectares », dit-elle.

Shaama Sandooyea s’offusque qu’alors que les compagnies pétrolières contribuent à la crise climatique, « nous avons un gouvernement qui souhaite exploiter nos eaux pour le pétrole. C’est comme si le gouvernement et les lobbies, notamment l’Economic Development Board, ne sont pas au courant de ce qui se passe. Il faut stopper toute forme d’exploitation de notre territoire. C’est dangereux », met-elle en garde.

Autre point de contention : les autorités portuaires qui souhaitent accueillir des bateaux de croisière et agrandir les infrastructures existantes afin de permettre aux navires de se ressourcer en huile. « Est-ce vraiment la priorité à ce stade ? Les conditions extrêmes en mer font que les accidents maritimes seront plus fréquents – devons-nous donc juste nous taire et attendre la prochaine catastrophe écologique après Wakashio ? » s’interroge-t-elle encore.

Elle souligne par ailleurs que l’impact de la crise climatique est tout aussi social puisqu’il y a des pertes de vies, d’infrastructures, et plusieurs personnes sont affectées physiquement, émotionnellement et mentalement. « La classe ouvrière paye un prix élevé – nous avons vu les victimes qui ont péri en chemin car leur moyen de déplacement était plus vulnérable. Les personnes qui travaillent directement avec la nature – les agriculteurs, les pêcheurs, les travailleurs au Port sont les plus à risques physiquement et financièrement. Il faut intégrer la classe ouvrière et les représentants respectifs dans les prises de décisions au niveau du NEOC etc. », plaide-t-elle.

Quant aux vagues de chaleur, « elles encourageront des maladies à se propager et seront difficiles à supporter. Des personnes se sont évanouies à cause de la chaleur. Il faut agir. Le secteur de la santé doit prévenir la population des risques, à quoi s’attendre et ce qu’il faut faire. Il y a trop de choses à revoir ou à changer dans le fonctionnement du système politique à Maurice en ce moment mais il faut que ces changements soient faits le plus rapidement possible et de manière juste ! » conclut-elle.

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