- — Aucun mécanisme concret pour empêcher les prédateurs de récidiver
- — La ministre Navarre-Marie en faveur de l’amendement de la loi
La liberté conditionnelle après une accusation d’agression sexuelle sur enfant donne, malheureusement, la… liberté à tout pédophile potentiel de récidiver. Sans condamnation judiciaire pour violences sexuelles, une personne mise en cause n’est pas inscrite au Child Sex Offender Register. Or, lorsque tel est le cas, la loi qui régit ce registre prévoit bien une surveillance du délinquant sexuel afin de prévenir tout risque de récidive. Mais en l’absence de dispositifs complémentaires pour renforcer cette loi, le registre ne peut agir comme le rempart espéré contre la récidive. Prenons le cas de Dantay Chutteeya, un homme de 58 ans qui, le 26 juin dernier, a enlevé une fillette de neuf ans à la sortie de l’école à Port-Louis. Cette affaire restera à jamais gravée dans la mémoire de la petite victime qui, fort heureusement, n’a pas été agressée. L’homme était alors en liberté conditionnelle dans une autre affaire d’enlèvement, survenue en mai dernier à Baie-du-Tombeau. Il n’a pas encore été jugé et ne figure donc pas sur le registre. Et même s’il y figurait, rien dans la loi actuelle ne l’aurait empêché de rôder autour d’une école, comme il l’a fait en juin. Pourquoi ? Parce que bien que la Child Sex Offender Register Act 2020 stipule que le registre « aide à la surveillance et à la localisation, dans la communauté, des personnes reconnues coupables d’infractions sexuelles sur des enfants, et à détecter et enquêter sur ces délits », aucun mécanisme concret n’existe à ce jour pour alerter sur la présence de prédateurs dans des espaces fréquentés par des enfants. Lors de son arrestation, la police a découvert que Dantay Chutteeya allait souvent sur des sites en ligne à caractère pédopornographique, révélant son obsession inquiétante. « Cette affaire a servi de rappel quant à la nécessité d’amender la Child Sex Offender Register Act 2020 », déclare Arianne Navarre-Marie, ministre de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille.
Il est si peu évoqué que les institutions qui devraient s’en intéresser au plus près oublieraient presque son existence. Et pourtant, le Child Sex Offender Register (CSO Register) est bien en place. Mis en œuvre sous l’égide de la Child Sex Offender Register Act 2020, une loi promulguée en janvier 2022, ce registre suscite une question essentielle : à quoi sert-il réellement ? En clair, ce registre est un répertoire des personnes reconnues coupables d’infractions sexuelles sur des enfants par la justice mauricienne. Et selon la loi, il est un dispositif visant à réduire et prévenir le risque d’abus sexuels commis contre des enfants. Il contribue à la surveillance et localisalisation dans la communauté les personnes reconnues coupables d’infractions sexuelles sur des enfants. Et aide à détecter et enquêter sur les délits sexuels commis contre des enfants. Toutefois, plus de trois ans après l’entrée en vigueur de cette loi, le CSO Register n’a jamais été mentionné ni même reconnu pour son efficacité. « Le registre est opérationnel », affirme le porte-parole de la police, Shiva Coothen. Il est certes opérationnel, mais ne peut-être consulté par n’importe qui !
Le commissaire de police est le seul à être habilité à partager des informations sur les délinquants sexuels sur enfants avec d’autres autorités gouvernementales locales et agences étrangères afin d’assurer leur surveillance et de prévenir tout risque pour la sécurité publique. Cependant, explique Shiva Coothen, la Cour est habilitée à consulter le registre dans le sillage du prononcé d’un jugement. Mais un délinquant sexuel déjà condamné est inscrit dans les fichiers criminels de la police. Le CSO Register ne ferait que confirmer des informations existantes ! Sa pertinence devant la Cour reste discutable !
Pour la police, le registre n’a pas lieu d’être consulté par d’autres parties autres que celles citées par la loi. Aucune personne condamnée pour un délit sexuel ne peut obtenir de certificat de moralité ; par conséquent, l’embauche d’un individu ne constitue pas un motif valable pour consulter le registre.
Lovena Sowkhee réclame une plus grande accessibilité
De son côté, Lovena Sowkhee, avocate qui assiste régulièrement des victimes de pédophiles soutenues par l’ONG Pedostop, estime pour sa part que le registre devrait être davantage utilisé et accessible dans l’intérêt de la protection des enfants. « Car, dit-elle, pour l’instant, le CSO Register, qui a son importance, ne sert malheureusement à rien ! » Elle s’explique : « Les lieux de culte sont, par exemple, des espaces fréquentés par des familles accompagnées d’enfants. Ils sont en droit de savoir quels risques peuvent exister, d’autant que les enfants ne sont pas toujours sous la surveillance directe de leurs proches pendant une cérémonie religieuse. Certes, le CSO Register ne va pas empêcher à lui seul un pédophile de récidiver. Mais il faudrait amender la Child Sex Offender Register Act 2020 afin d’interdire l’accès de certains lieux — comme les lieux de culte, les centres commerciaux ou autres espaces fréquentés par des enfants — aux délinquants sexuels, notamment à travers des dispositifs comme le bracelet électronique. Nous sommes en juillet 2025 : qu’a-t-on réellement fait pour appliquer les objectifs de cette loi ? Comment s’effectue le suivi censé prévenir la récidive des délinquants sexuels dans la communauté ? Aux États-Unis, les citoyens ont le droit de consulter ce type de registre. Je suis fermement en faveur de cette approche, car en tant que parent, je voudrais savoir si le nouvel arrivant dans mon quartier est ou non un pédophile. » Tout en plaidant pour l’introduction du bracelet électronique, Lovena Sowkhee se dit en faveur de la castration chimique.
« La sécurité des enfants est non négociable, et la loi n’est pas figée », déclare pour sa part Arianne Navarre-Marie, ministre de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille. Invitée à donner son avis sur ce registre dont l’efficacité reste à démontrer — ou, du moins, à être rendue publique —, la ministre laisse entendre que le maintenir sous restriction ne mène à rien. Le cas de l’enlèvement survenu à Port-Louis, dit-elle, a servi de rappel quant à la nécessité d’amender la Child Sex Offender Act 2020. « Ce registre devrait pouvoir être consulté par un plus grand nombre de parties autorisées, et pas uniquement par la police. Il faudrait légiférer pour permettre à d’autres instances, notamment les écoles, d’y avoir accès afin de mieux protéger les enfants », déclare la ministre Navarre-Marie.
S.Q.