Cinq ans après : Les victimes du Wakashio attendent toujours réparation

Sébastien Sauvage (Eco Sud) : « Les résidus d’hydrocarbures sont toujours présents dans les mangroves »

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Louis Thelva (pêcheur) : « La mer n’est plus la même »

Dans la soirée du 25 juillet 2020, le MV Wakashio s’est échoué sur les récifs de Pointe-d’Esny, Mahébourg. Douze jours plus tard, le pays allait vivre sa première marée noire, quand les hydrocarbures se sont échappés du vraquier. Au-delà de la catastrophe écologique, l’épisode du Wakashio a été également un bel exemple de résilience quand les Mauriciens se sont mobilisés pour fabriquer des bouées artisanales afin de contenir la progression des hydrocarbures. Mais cinq ans après, les victimes attendent toujours réparation.

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« Kot mo’nn fote ? » Cette phrase notoire de l’ancien Premier ministre, Pravind Jugnauth, face aux journalistes, n’a toujours pas de réponse cinq ans après la marée noire provoquée par le naufrage du MV Wakashio, avec à son brd 3 800 tonnes de fioul lourd et 200 tonnes de diesel. Pendant plusieurs mois, la mer était inaccessible dans la région de Mahébourg et toute la côte Sud-Est, afin de permettre le nettoyage par des équipes étrangères et mauriciennes. Les pêcheurs, plaisanciers, hôteliers, restaurateurs et autres résidents de Mahébourg ont ainsi vu leurs activités professionnelles sévèrement impactées. À ce jour, seuls les pêcheurs ont reçu une compensation à hauteur de Rs 130 000, plus une allocation mensuelle de Rs 10 000 sur huit mois. Tous les autres sont suspendus à une affaire en Cour. Okiyo Maritime Corp ayant saisi la Cour suprême en vue de limiter le montant total des compensations à Rs 720 millions. L’État a reçu Rs 60 millions sur les Rs 138 millions dépensées dans la gestion de cette catastrophe écologique.
Sébastien Sauvage, d’Eco-Sud, qui était sur le terrain dès le tout début, déplore qu’à ce jour justice n’ait pas encore été faite à ceux qui ont souffert de cette situation. « Nous avons appris la visite, le 8 juillet dernier, du CEO de Mitsui OSK Lines Ltd, Hashimoto Takeshi, au bureau du Premier ministre. Eco-Sud s’interroge si cette rencontre s’inscrit dans une stratégie de réparation et de justice pour les dommages causés à notre pays », avance-t-il.
Il ajoute que les responsables de cette catastrophe n’ont pris aucune mesure pour faciliter le traitement des plaintes légitimes, notamment celle déposée par Eco-Sud. « Pire encore, le rapport de la commission d’enquête sur le Wakashio reste toujours inaccessible au public… Cependant, nous avons pris bonne, que le ministre de l’Économie bleue, Arvin Boolell, a réaffirmé l’engagement du gouvernement à publier ce rapport. Nous attendons cela de pied ferme. »
Sébastien Sauvage souligne que les résidus d’hydrocarbures issus du Wakashio sont toujours présents dans les mangroves de la région cinq ans après. « Les communautés locales, tout comme les consommateurs, sont exposées à des risques sanitaires réels. Eco-Sud a, à plusieurs reprises, alerté sur la nécessité de mettre en place des mesures de précaution, mais force est de constater qu’aucune action concrète n’a été entreprise pour informer la population ni pour lancer des études indépendantes sur les impacts sanitaires à long terme », s’insurge-t-il.
Au sein de la communauté des pêcheurs, la situation est loin d’être plus reluisante, en dépit d’une compensation. Louis Thelva témoigne que les séquelles sont toujours présentes. « Nous ne pouvons plus pratiquer notre métier comme avant. Il n’y a plus de poisson et il y a une prolifération d’algues à certains endroits », confirme-t-il.
Il ajoute que depuis la marée noire du Wakashio, la mer n’est plus la même, à Mahébourg et les environs. « Pour pêcher, il nous faut aller en haute mer. Mais en hiver, c’est difficile, étant donné que nous sommes exposés au vent du sud-est. En ce moment, par exemple, ce n’est pas facile d’aller pêcher. Il n’y a presque plus rien dans le lagon. »
Il plaide pour une reconversion des pêcheurs. Du moins, ceux qui le souhaitent. « Étant donné que la pêche et l’agro-industrie sont maintenant sous le même ministère, ce serait bien que les pêcheurs puissent se reconvertir dans l’agroalimentaire. On pourrait, par exemple, nous donner le soutien nécessaire pour nous lancer dans la culture hydroponique. Ce serait profitable également pour la population, étant donné qu’on parle de sécurité alimentaire », plaide-t-il.
De son côté, Tony Apollon, très actif sur le terrain pendant la catastrophe du Wakashio, avance que le combat continue. Sollicité à ce sujet, il déclare que Mahébourg se relève petit à petit depuis ce sombre événement.
Mardi, il a adressé une interpellation parlementaire au ministre de l’Agro-industrie, Arvin Boolell. Il veut savoir où en est l’enquête ? Qu’en est-il du paiement de la compensation aux personnes affectées ? Et est-ce que le rapport de la commission d’enquête sera rendu public ?
Tony Apollon maintient que ce drame aurait pu être évité si les autorités avaient réagi plus rapidement. « C’est pour cela qu’il faut connaître les conclusions de la commission d’enquête. Il faut savoir qui a fauté. Non seulement pour rendre des comptes, mais cela nous aidera à prévenir les mêmes erreurs. Ces dix dernières années, deux bateaux ont fait naufrage sur nos récifs. N’attendons pas un troisième pour agir. Il y a des leçons à tirer. Gouverner c’est prévoir. »
Tony Apollon dit avoir une pensée spéciale pour tous ceux et celles qui ont été affectés par la marée noire et qui attendent toujours réparation. « J’espère que ceux qui doivent payer les compensations vont respecter leurs engagements. Beaucoup de personnes souffrent des séquelles du Wakashio. »

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