Alors qu’Air Mauritius se débat pour redresser la barre après une succession de défaillances techniques sur sa flotte, c’est une autre crise qui prend forme : celle d’une fracture entre la compagnie et ses passagers. Des voyageurs laissés dans l’inconnu, parfois dans des conditions indignes, témoignent d’un malaise bien plus profond que quelques pannes d’avions. Au cœur de cette tourmente : l’absence d’écoute, le manque de compassion, et une communication jugée hautaine et désincarnée.
Le 1er août, à l’aéroport de Mumbai, les passagers du vol MK749 à destination de Maurice sont embarqués selon l’horaire prévu, 2h45 du matin. Mais une fois installés dans l’appareil, les minutes s’étirent, la chaleur devient étouffante, et aucune information ne filtre. Trois heures passent. Pas d’air conditionné, pas d’eau, pas de repas. À bord : des enfants, des personnes âgées, des malades, et des passagers avec des correspondances. L’un d’eux s’indigne : « On nous a tassés dans l’avion sans air ni nourriture. C’est inacceptable. »
Le même jour à Plaisance, un autre épisode de confusion touche les passagers du vol MK42 à destination de Paris. Ils arrivent dès 17h30 à l’aéroport, s’enregistrent, puis… un simple SMS leur annonce l’annulation du vol. Certains reçoivent un appel du call center leur intimant de rentrer chez eux. Pas de personnel au sol, pas d’annonce officielle. Rien. Ce n’est qu’à 19h qu’une employée finit par confirmer : oui, le vol est annulé, mais sans donner d’explication. Trente minutes plus tard, un supérieur intervient pour rectifier : le vol n’est pas annulé, il est « suspendu », car l’appareil est bloqué à La Réunion. Un ATR est en route avec une équipe de maintenance. Entre-temps, les passagers, y compris des bébés et des enfants en bas âge, attendent dans l’incertitude la plus totale, sans rafraîchissements, sans prise en charge, sans la moindre forme de respect.
La situation est similaire sur d’autres routes. À Chennai, les passagers d’un vol à destination de Mumbai sont restés coincés dans un appareil cloué au sol à cause d’une panne de climatisation. La chaleur devient vite insupportable. L’équipage n’a d’autre solution que d’ouvrir les portes pour laisser entrer un peu d’air.
Pour les passagers, ce n’est plus seulement une question de perturbations techniques – qu’ils peuvent comprendre. C’est le silence, l’inaction, le manque de considération qui révoltent. Sur les réseaux sociaux, les témoignages s’accumulent, mais la frustration monte d’autant plus que les commentaires sont souvent effacés ou ignorés.
Au lieu de gestes d’apaisement, les passagers constatent avec stupeur un mur de communication froide, presque méprisante. Les rares réponses, quand elles arrivent, sont impersonnelles, techniques, et souvent contradictoires. La crise semble gérée à distance, comme si les voyageurs n’étaient que des données à recalculer.
Cette distance entre la direction d’Air Mauritius et ses usagers se creuse dans un contexte déjà chargé : tensions sociales internes, accusations de copinage dans le recrutement des pilotes, gouvernance contestée. La série noire que traverse la compagnie est peut-être le révélateur d’un mal plus profond : la perte de la culture du service, de la responsabilité et du respect du client.
Une chose est certaine : les passagers, eux, n’oublieront pas comment ils ont été traités. Et ils commencent à le dire, haut et fort.