Le bras de fer renaît entre artistes et radios
Le bras de fer entre les artistes et les concours de disques de l’année reprend. En effet, ce conflit, qui oppose à pareille époque des membres de la communauté des chanteurs aux radios, ne date pas d’hier. Bruno Raya, Warren Permal, Steve Augustin, Billygane, entre autres, se sont réunis pour parler d’une même voix au sein du Kolektif Artis Mizikal, afin de réclamer cette semaine une révision du système d’organisation de ce concours annuel, avec pour objectif la reconnaissance officielle des artistes en lice.
Face à la presse mercredi dernier, le Kolektif Artis Mizikal (KAM) a fait valoir que les médias, notamment les radios, exploitent les chansons des artistes le temps d’un concours, en tirent des bénéfices financiers sans, en retour, compenser ceux-ci. Alors que les artistes ne reçoivent rien, les radios, les opérateurs de téléphonie et même les auditeurs — qui remportent des cadeaux — bénéficient du système. Quant à l’artiste gagnant du concours radiophonique, il ne gagne rien non plus.
Un concours qui a perdu son sens originel
À l’époque où la radio publique était la seule du pays, ce concours représentait un rendez-vous majeur pour les artistes. Le concours du disque de l’année constituait alors, pour le lauréat de la catégorie locale, une véritable consécration : la reconnaissance du public pour son talent et sa carrière. Durant des années, cette reconnaissance suffisait au lauréat. Toutefois, en 2018, la Mauritius Broadcasting Corporation et ses sponsors ont récompensé en cadeaux et par un chèque de Rs 10 000 l’un des membres du KAM, Warren Permal, dont la chanson avait été élue disque de l’année. Âgé de seulement 21 ans à l’époque, le jeune homme avait été auréolé aux côtés d’autres artistes lors d’une cérémonie donnée en grande pompe.
Avec l’émergence des radios privées, des autres plateformes de diffusion digitale, la profusion de créations et des styles qui s’évaporent aussi vite qu’ils apparaissent, la dimension commerciale de ce concours s’est amplifiée. De leur côté, certains artistes, mécontents de l’organisation, critiquant à voix basse le système de vote ou, à voix haute, l’exploitation de leur travail, avaient choisi de se retirer du concours ou de ne pas y participer lorsqu’ils désapprouvaient le mode opératoire.
Aujourd’hui, le Kolektif Artis Mizikal souhaite que les radios prennent conscience de la valeur du travail artistique de tous ceux qui se trouvent derrière chaque chanson retenue pour le concours. Il rappelle que le système actuel risque d’exploiter les artistes et de réduire la musique mauricienne à un simple produit commercial, menaçant ainsi le patrimoine culturel, la motivation des artistes et le développement d’une industrie musicale locale durable.
Un appel en direction des radios
C’est dans cette optique que le collectif a lancé un appel en direction des radios. Il réclame : la reconnaissance officielle des artistes participant à ces concours ; l’instauration d’une charte éthique assurant la transparence des votes, des revenus et des partenariats ; une redistribution équitable des bénéfices issus des campagnes publicitaires ; la création d’un véritable prix artistique valorisant la qualité, la créativité et la performance ; le respect du droit moral et de l’image des artistes ; ainsi qu’un dialogue constructif avec les médias et les autorités culturelles.
Le Kolektif Artis Mizikal s’attend à ce que ses revendications parviennent aux organisateurs et que ceux-ci corrigent les injustices causées aux artistes par leurs concours. À défaut, il se dit prêt à recourir à la justice pour rétablir le respect dû aux artistes.

