Concubin/e avant 18 ans : une réalité anormale mais presque ordinaire

Dans les milieux touchés par la précarité, le concubinage avec de jeunes filles reste un mode de vie courant.

Depuis lundi dernier (le 24 janvier), tout adulte qui vit en couple sous le même toit avec un/e mineur/e est en infraction avec la Children’s Act, promulguée cette semaine. La loi prévoit en ce sens une amende n’excédant pas un million de roupies et une peine d’emprisonnement n’allant pas au-delà de 10 ans.

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La cohabitation entre jeunes hommes adultes et des mineures déscolarisées est une réalité sous des toits touchés principalement par la pauvreté économique et l’exclusion sociale. C’est celle-ci qui est la principale cause de l’échec scolaire, l’instabilité familiale… poussant bien des jeunes filles à devenir des concubines d’adolescents comme elles ou de jeunes adultes bien avant l’heure.

Cathy (nom modifié) a 16 ans. L’adolescente se remet d’une rupture amoureuse qui remonte à deux semaines. La relation qu’elle entretenait avec son ex-petit ami, 17 ans alors, était, dit-elle, bien plus qu’une histoire d’amour entre adolescents. “Nous vivions ensemble comme mari et femme chez sa famille”, confie Cathy. Les deux jeunes gens ont été encouragés par des adultes à vivre en couple. La mère de son ex-ami lui aurait même donné des conseils pour éviter une grossesse.

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La jeune fille poursuit : “Il allait travailler tous les jours. Il démontait des pneus de véhicules pour le compte de quelqu’un et moi je restais à la maison pour faire le ménage.” Ses journées, raconte-t-elle, n’avaient rien d’extraordinaire : “Mo fer louvraz, mo get televizion, mo dormi.”

Il arrivait aux deux jeunes de sortir quelques fois pour le plaisir. Et c’est ensemble, comme un couple établi, qu’ils faisaient leurs achats de fin de mois. Mais au bout d’une année de concubinage, Cathy raconte qu’elle a décidé de s’en aller. Elle est partie vivre chez sa tante.

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“Je suis partie de sa maison parce que ça n’allait plus avec sa mère. La communication ne passait plus. Elle exerçait trop de pression sur moi”, dit l’adolescente.

Cathy raconte que lorsqu’elle a quitté le toit de son ancien partenaire, elle n’a pas pris tous ses effets personnels. Elle compte y retourner pour récupérer ses affaires. Mais, affirme-t-elle, malgré les supplications de son ancien petit ami, elle ne s’installera pas chez lui, dit-elle.

Cathy : « Nous avons vécu dans sa chambre »

Comme beaucoup de jeunes filles de moins de 18 ans qui vivent en concubinage, Cathy avait cru trouver la stabilité familiale qui lui manquait depuis sa tendre enfance. “À cause de leurs conditions de vie et de leur historique familial, les filles sont victimes de leur vulnérabilité. Elles se laissent facilement convaincre par leur partenaire et acceptent la cohabitation”, observe Mario Maudarboccus, travailleur social à Richelieu.

Ce dernier explique que le concubinage entre mineurs ou mineures et jeunes adultes est une réalité dans certains foyers se trouvant dans des quartiers où il intervient. Il y aurait, dit-il, une douzaine de cas. “Le chiffre n’est peut-être pas énorme, mais c’est déjà trop ! » s’inquiète le travailleur social. La pauvreté, poursuit-il, est un des facteurs, sinon le premier qui pousse les jeunes filles à se mettre en concubinage avec leur partenaire du moment.
En effet, Cathy a grandi dans un environnement économiquement et socialement précaire. Elle explique qu’au décès de son père biologique, sa mère a refait sa vie avec un homme violent.

Elle avait 16 ans et lui 21 ans

Quand elle a rencontré son ex-petit ami, elle n’a pas hésité à accepter la proposition que lui a faite la mère de celui-ci. “Elle m’a demandé de venir vivre chez eux”, dit-elle. Cathy allait sur ses 16 ans et avait déjà abandonné le collège. “Nous avons vécu dans sa chambre”, confie la jeune fille.

“Même si nous vivions ensemble, je n’envisageais pas le mariage”, dit-elle en reconnaissant qu’elle ne concevait pas la cohabitation avec son ancien ami comme une étape prématurée dans sa jeune vie. Déscolarisée et après un an de concubinage, Cathy a trouvé refuge chez sa tante, sans projet d’avenir.

Les grossesses précoces, relève Mario Maudarboccus, expliquent aussi la tendance au concubinage chez les mineurs. Le schéma est classique, dit-il : “Quand la fille se retrouve enceinte, les proches du garçon ou son compagnon adulte acceptent de prendre sa responsabilité auprès des autorités de l’enfance. Comme ça, le problème est vite réglé. Ce cas de figure arrive régulièrement.” Martine (nom modifié) a vécu cette situation.

Déscolarisée

Cette dernière n’est plus mineure. Elle a 25 ans et s’est mariée il y a quatre ans. C’est à l’âge de16 ans que Martine, déscolarisée depuis longtemps et qui vit dans un village du Sud-Est, est tombée enceinte de son compagnon âgé alors de 21 ans à l’époque.
“Mo fami pa ti dakor ki mo ti pe frekant li. Me mwa mo ti bien amourez. Me mo fami inn al lapolis. Lerla mem CDU (ndlr : Child Development Unit) inn fer lanket. Finalman lanket-la pann al pli lwin. Nou de fami inn zwenn. Zot inn dakor pou ki mo al kot mo kopin enn kout-enn kout”, raconte Martine. Toutefois, quand elle est tombée enceinte, elle s’est installée définitivement chez son partenaire, dans la maison familiale de celui-ci. “Mon mari, qui était mon petit ami à l’époque, avait pris l’engagement auprès de la CDU de subvenir à mes besoins et ceux de notre bébé”, raconte Martine. Mais à 17 ans, avec un enfant sur les bras, les choses allaient se compliquer pour Martine.

Le jeune couple, qui vit dans des conditions très modestes, fait depuis face à des difficultés financières. “Je suis soutenue par mes parents, ma sœur… ”, confie Martine, qui est devenue mère pour la deuxième fois il y a 10 mois. Il y a deux semaines, son mari est sorti de prison.

Condamné pour vol, il n’était pas à sa première incarcération. “Pendant qu’il était en prison, j’ai pu toucher une aide sociale pour subvenir aux besoins de mes enfants. Mais depuis quelques jours, je n’ai plus rien. J’ai dû aller frapper à des portes pour trouver du lait pour mon bébé”, confie Martine en larmes.

La voix brisée, elle affirme qu’elle veillera que sa fille aînée ne commette pas la même erreur qu’elle. “C’est-à-dire, dit-elle, vivre en concubinage en étant encore adolescente.”

Les plus concernés pas au courant de la loi

La prévention contre le concubinage précoce, insiste Mario Maudarboccus, doit se faire au plus vite. « Une loi a été promulguée pour condamner le concubinage des mineurs. Mais combien de personnes et de foyers qui sont directement concernés par ce problème sont au courant de cette loi et des sanctions qui sont appliquées ? C’est comme pour la loi sur l’éducation obligatoire jusqu’à l’âge minimum de 16 ans. Combien de jeunes ne vont plus à l’école avant 16 ans ? On n’a jamais entendu parler de sanction pour déscolarisation ! » fait remarquer le travailleur social.

Il revient maintenant au ministère de l’Égalité des Genres et ses officiers, dit-il, de définir et mettre en application un programme de sensibilisation et d’information sur la section relative au mariage et concubinage des mineurs dans la Children’s Act. «Qu’il y ait par exemple des billboards avec des images explicites pour interpeller ceux qui ont des difficultés à lire. Il faut à tout prix toucher aussi ces personnes, car si elles n’arrivent pas à écrire leur nom, comment voulez-vous qu’elles interprètent une loi ?» dit encore Mario Maudarboccus.

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