L’inflation et la montée des prix contraignent un peu plus les dépenses des ménages. Et les fêtes de fin d’année s’annoncent sous le signe de la frugalité. Conséquence, si les supermarchés sont toujours fréquentés, et davantage depuis ces deux dernières semaines avec le boni de fin d’année, les clients achètent beaucoup moins et seulement l’essentiel. Les caddies ont été troqués pour des paniers. “Le Mauricien achète prudent. Pas de folies. Pas de flafla.
Il va aujourd’hui aux basiques”. Soucieux de maintenir malgré tout l’esprit de Noël et des fêtes de fin d’année, certains ont misé sur les cadeaux pour les enfants principalement et levé le pied sur les achats pour la table. C’est du moins ce que notent les commerçants qui, s’ils voient leurs chiffres d’affaires gonfler veulent croire à l’attachement des Mauriciens à cette période festive et familiale — stratégique pour leur chiffre d’affaires et leur résultat annuel —, relativisent, craignant déjà pour l’année prochaine. « Cette année, la consommation responsable s’impose dans les comportements d’achats qui s’orientent de plus en plus vers les achats basiques.
Les chiffres d’affaires sont en croissance, mais c’est dû à la hausse des prix et non la conséquence des achats qui ont été réduits. L’année prochaine, ce sera pire avec la hausse des tarifs de l’électricité, avec l’effet cascade sur les prix et donc sur le panier du consommateur. Donc, le chiffre d’affaires pour cette fin d’année ne reflète pas la réalité qui se dessine », disent-ils. C’est sous le signe de la frugalité et de la responsabilité que se clôturera l’année 2022, prévoient les commerçants.
À 11h hier, à la vielle de Noël, les rues de la capitale, qui généralement, en cette période, sont noires de monde, étaient très fluides. Certes, il y avait du monde. “Mais beaucoup moins que les années précédentes, et moins qu’avant le Covid”, disent les magasiniers. Ceux qui sont sortis hier, c’était pour les achats de dernière minute, principalement pour les petits, ou pour les tenues vestimentaires à porter en ce jour de fête. “La plupart des gens ont fait leurs achats durant la semaine. Et ce sont les jouets et autres cadeaux pour les enfants qui ont été privilégiés. Les parents ont cette année acheté prudemment. Sans doute parce que les prix ont augmenté et que les porte-monnaie sont vides, et qu’il y a d’autres dépenses à faire pour la rentrée. L’année prochaine, on comprend que ça va être difficile. Les parents réfléchissent à deux fois avant de faire des folies”, dit Nadesh, un commerçant de Port-Louis qui gère une boutique pèle-mêle allant de jouets pour enfants aux bicyclettes, en passant par les gadgets high-tech.
Les caddies ont diminué
Plus loin, dans une boutique de prêt-à-porter, Christine a démarré sa journée à 8h30 hier matin. À la mi-journée, la boutique est remplie, les cabines d’essayage aussi. Mais ce n’est pas la foule, dit-elle. Pour cause, “au lieu de deux-trois vêtements, les gens prennent un. Ils reviendront sans doute la semaine prochaine pour les habits de fête de fin d’année”, se dit-elle, jouant sur l’optimisme. Cette vendeuse explique que la tendance cette année est notamment la prudence. “Les prix des vêtements ont un peu augmenté. Ça fera notre chiffre d’affaires, mais les ventes sont moindres, car les gens dépensent moins”, dit-elle.
Plus loin, dans les centres commerciaux, les parkings sont bondés et ne désemplissent pas. Au contraire, il y a un ballet incessant de véhicules qui entrent et qui sortent, les Mauriciens profitant de cette veille de Noël pour compléter leurs achats. “Pas si sûr”, explique Seendy, vendeuse dans une boutique de babioles en tous genres à Bagatelle. “Il y a du monde dans les centres commerciaux, mais si certains achètent, beaucoup sont en vadrouille. Ils sont sortis voir l’ambiance, faire un ou deux achats de dernière minute, mais les achats sont contrôlés. Pas de flafla”, note-t-elle.
Du côté des grandes surfaces, c’est le même constat : “Le Mauricien achète prudent.” Les caddies ont été troqués pour les paniers. Plus faciles à manier et surtout plus adaptés aux achats qui ont diminué, notent les gérants. Ainsi, si affluence il y a dans les grandes surfaces, les ventes, elles, ne sont pas ce qu’elles avaient l’habitude d’être en cette période de l’année. D’ailleurs, pour cette fin 2022, le mouvement a été plus lent, estiment les gérants. Si pour cette veille de Noël et en prévision de l’affluence pour la fin de l’année les commerces ont ouvert davantage de caisses, afin de ne pas trop faire patienter les clients, les gérants constatent que la mouvance a démarré seulement cette semaine.
“Les années précédentes, surtout avant le Covid, les gens venaient en masse dans les supermarchés dès qu’ils touchaient le boni de fin d’année. Nos enseignes étaient remplies dès la mi-décembre. Mais cette année, cela a été plus lent. Alors que nous avons pris les dispositions pour plus de staff, plus de caisses, et des horaires de fermeture plus tardives, et ce, depuis le 20 décembre, ce n’est qu’à partir du 22 et 23 que les gens sont venus faire leurs courses. Et là encore, alors que nous devions restés ouverts jusqu’à 22h, à partir de 20h30, il n’y avait déjà pratiquement plus de clients”, indique Nausheen, opératrice marketing pour une grande enseigne de Curepipe.
Hier, les caddies, non, les paniers plutôt, c’était pour le repas de Noël et les chocolats principalement. Côté alimentaire, si les traditionnels dindes, pintades, crustacés et autres poissons étaient au rendez-vous, les consommateurs n’ont pas été gourmands. “Ils ont fait des achats, mais la quantité a diminué”, note Nausheen. La plupart des clients sont passés acheter des produits de base comme le riz, l’huile, la farine, quelques conserves et un plat pour le repas de Noël, note-t-elle, avançant qu’il y a moins d’engouement aux dépenses pour la nourriture que les années précédentes.
Moins d’engouement
La vente de boissons alcoolisées a également diminué contrairement aux autres années, dit Ignace Lam, des supermarchés Intermart. D’une, c’est une question d’achats plus prudents et réfléchis, et de deux, dans la foulée, avec les forces de l’ordre qui veillent au grain en cette période, les consommateurs sont deux fois plus prudents quant à ce qu’ils consomment et lèveront ainsi le pied sur l’alcool. Et pas seulement, note pour sa part Yusuf Sambon, des supermarchés Lolo, qui constate que la vente des boissons gazeuses a aussi diminué cette année. “Les clients recherchent davantage les jus de fruits. Peut-être pour des questions de santé. Il n’empêche que les ventes des boissons gazeuses ne sont pas aussi conséquentes que les années passées”, dit-il. La comparaison avec les années précédentes est inévitable, car “avant il y avait un réel engouement pour la consommation en cette période de fête. Dès le 20 décembre, pour les Mauriciens, le maître-mot c’était shopping, shopping, shopping. Mais depuis quelque temps, les Mauriciens sont devenus prudents. Ils achètent l’essentiel, se font un petit plaisir, mais restent tout de même consciencieux dans leurs achats”, analyse Yusuf Sambon.
L’ambiance, on la retrouve davantage dans les foodcourts. “Les parking des centres commerciaux sont remplis, mais les gens sont plus de sortie en famille, pour manger un bout dans les food-courts. Les supermarchés ne sont pas aussi bondés que les autres années en cette période”, ajoute-t-il. Et encore, par rapport aux achats pour les fêtes, les caddies, quand ce ne sont pas de petits chariots, ne sont pas remplis. “Nous faisons des ventes, mais l’inflation impacte nettement sur le business. Pour moi, elle est au-dessus de 15% et par rapport à l’année dernière, les prix ont flambé. Même si les coûts du fret ont baissé, l’euro et le dollar demeurent stables et nous en souffrons, et davantage les consommateurs sur qui ces prix sont répercutés”, explique le gérant de Lolo Supermarket.
Achats malins
Du coup, certains clients marchent avec les brochures et s’arrêtent aux produits déjà présélectionnés à la maison pour ne pas faire de dépenses en plus sur le budget, notent les commerçants. Ainsi, si Ignace Lam dit noter une bonne ambiance dans les centres commerciaux qui connaissent une certaine affluence ces derniers jours, “cela ne veut pas dire pour autant que les gens achètent. Les clients ont misé sur les produits traditionnels, comme le chocolat, les crustacés ou encore la dinde, etc., mais il y a une baisse dans le volume d’achats”, dit-il, expliquant que “si le chiffre d’affaires est gonflé, c’est en raison de la hausse des prix avec l’inflation galopante.”
Les consommateurs ne font pas de folies cette année, dit-il. Peut-être que la semaine prochaine, pour la fin de l’année et la fin de mois, les caddies seront un peu plus remplis, mais la tendance est déjà en marche : pour faire face à une envolée des prix des produits alimentaires, ils ont changé leurs habitudes et achètent prudent et privilégient le basique, car on ne sait pas ce que nous réserve 2023.