Consommation : Les maraîchers déplorent l’accès limité au « Gran Bazar »

La reprise des activités s’avère difficile au marché central, et ce en raison des procédures mises en place par la municipalité de Port-Louis. Selon les règlements en vigueur, seules 50 personnes peuvent y avoir accès à la fois, pour une durée de 30 minutes. « Cela ralentit considérablement le mouvement et décourage la clientèle », disent les maraîchers. De même, ils regrettent que deux portes seulement soient ouvertes – une pour l’entrée et l’autre pour la sortie – ce qui implique que certains clients doivent faire le tour du marché pour y avoir accès. Toutefois, ce samedi, si les conditions contraignantes sont maintenus, le « Gran Bazar » aura perdu de sa touche folkloroique, qui le rend si authentique des autres marchés à Maurice et dans cette partie de l’océan Indien, et au risque de perdre son âme.

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Lundi, le nombre autorisé était de 30 personnes par groupe. C’est après négociation avec le Lord-maire, Mahfooz Moussa Cadersaïb, que vingt personnes supplémentaires ont été autorisées. Nombre que les opérateurs jugent « insuffisant ». Dannysen, maraîcher, explique qu’il est « très difficile » de travailler dans ces conditions. « La clientèle du Marché Central en semaine est constituée principalement de gens de bureaux. Ceux-ci profitent de leur pause déjeuner pour venir au marché. S’ils doivent maintenant faire la queue et attendre pour y avoir accès, ils ne viendront pas, car beaucoup n’ont que 30 minutes de pause », s’insurge-t-il.

Depuis lundi, ajoute-t-il, les clients se font rares au Marché Central pour ces raisons. L’autre contrainte : les autorités leur imposent deux personnes seulement par étal. Dans la majorité des cas, il s’agit du propriétaire et d’un employé. Chez Alouda Pillay, la gérante se retrouve ainsi devant un dilemme : « J’ai 12 personnes qui travaillent avec moi au marché Que vais-je faire de toutes ces personnes puisqu’elles ne peuvent pas venir travailler ?» De plus, la consommation sur place est interdite. Seuls les logements à emporter sont autorisés. De quoi décourager les clients rendant les affaires encire plus difficiles.

Alors que les maraîchers font face à pas mal de contraintes, ce sont les marchands ambulants qui en profitent. Kritanand Madrah se demande comment il y a des règles strictes pour le Marché Central, alors que des légumes et des fruits sont vendus dans la rue sans aucun contrôle. « Allez voir ce qui se passe près du site de la vente à l’encan. Tous les clients y vont et il n’y a aucun contrôle. Aujourd’hui, il y a des marchands aux quatre coins du marché et le gouvernement ne fait rien. Nous, au marché, payons pour les étals et nous n’arrivons pas à travailler dans ces conditions convenables», déplore-t-il.
Hurry Krisna parle des difficultés à écouler les légumes. En deux jours, dit-il, il n’a vendu que 25 livres de légumes. « Il y a 150 à 200 étals au marché pour 50 clients. Comment va-t-on travailler ainsi ? » se demande-t-il. Nassir Sookharry travaille à la section “poultry”. La vente, indique-t-il, n’est qu’à 10% à 15% du chiffre d’affaires habituel depuis la reprise et « c’est la faute aux restrictions sur l’accès ». Il poursuit : « Il y a des clients qui sont brutalisés à l’entrée. J’ai vu une femme âgée supplier pour entrer, mais on le lui a interdit. »

Même scénario chez les vendeurs de “roti” et de “dholl puri”. En fin de journée, ils n’avaient encore épuisé leurs piles. « La vente est difficile. Les gens qui viennent ici sont ceux qui travaillent dans les bureaux. Mais ils n’ont que 30 minutes pour déjeuner et n’ont pas le temps de faire la queue pour pouvoir entrer au marché. Ils préfèrent donc aller ailleurs », regrette Randhir Shibdat. Son collègue Rakha fait ressortir qu’il y a une politique à deux vitesses : « Dans les Food Courts, les gens entrent comme ils veulent. Il n’y aucune de restriction. Mais au Marché Central, on impose des conditions strictes»
Les maraîchers se disent conscients de la nécessité d’imposer des règles sanitaires, mais estiment que l’entrée et la sortie au marché central peuvent être mieux organisées. « Actuellement, on n’a ouvert que les deux portes de l’allée centrale, l’une pour entrer et l’autre pour sortir. Toutes les autres portes ont été fermées. Ce qui fait que si une personne vient du côté de la gare et veut entrer au marché, elle devra faire le tour et passer par l’autre porte, du côté de la MCB. Ce qui décourage les gens encore une fois. Or, si on avait laissé toutes les portes ouvertes, on aurait eu des sorties et des entrées de chaque côté », expliquent-ils. Ces derniers sont aussi d’avis que le marché central est suffisamment grand pour que la “social distancing” soit observée. « Les allées sont assez grandes et la superficie du marché est supérieure aux supermarchés, où il n’y a pas tant de règles strictes », disent-ils.

Par ailleurs, la reprise a été marquée de quelques couacs également. À l’exemple des “pooja shops” interdites d’opérer lundi, puis autorisées mardi. Le gérant de l’animalerie dans l’allée principale a eu moins de chance, puisque mardi il lui était toujours interdit d’opérer. « J’ai eu beaucoup de clients qui sont venus me voir pour me dire que leur tortue ou leurs poissons n’avaient pas eu à manger pendant un mois, mais je ne pouvais rien faire », dit-il.

Raj Appadu, président de l’Association des Commerçants, déplore la façon de faire du gouvernement envers les maraîchers. « On ne prend pas en considération les dépensent encourues pour maintenir un étal au marché central. Les légumes sont périssables. Après quelques jours, s’ils n’arrivent pas à tout vendre, il faudra jeter. Je fais un appel au Premier ministre ainsi qu’aux ministres de la Santé et des Administrations régionales pour revoir leur position sur les marchés. » Dans la foulée, il dénonce les activités tolérées autour du Marché Central et rappelle qu’il y a un jugement de la Cour suprême, interdisant des marchands dans un rayon de 500 mètres. « Cela n’est pas respecté », déplore-t-il.

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