Chaque année, des représentants de syndicats, d’associations et d’ONG se rendent au ministère des Finances pour les traditionnelles consultations avec le Grand Argentier en amont de la présentation du budget. Ces consultations sont-elles une simple formalité ou pèsent-elles de tout leur poids dans la balance devant dicter les mesures budgétaires ?
Haniff Peerun, président du Mautitius Labour Congress (MLC), voit dans ce rendez-vous annuel une occasion pour le ministre d’écouter la voix des différents partenaires. « Même si certaines propositions ne sont pas réalisables, la majorité, surtout celles faites par les mouvements syndicaux, sont tout à fait réalisables car ne demandant pas trop d’investissement financier. » Il constate toutefois avec regret qu’en général, une minime partie de ses propositions soit retenue. « C’est davantage du côté du patronat que les propositions sont prises en considération. » Ce qui l’amène à dire qu’il s’agit davantage « d’un exercice de marketing et de communication pour le ministre qui montre qu’il est à l’écoute des divers partenaires de la société en amont du budget même si peu de propositions sont retenues ».
Trinida Chetty, Chief Executive Officer (CEO)de Deco Design et présidente sortante de l’AMFCE (Association mauricienne des femmes chefs d’entreprise), est d’avis que « c’est l’occasion pour ces associations de participer activement à la prise de décision qui nous concerne tous en tant que citoyens mauriciens ». C’est une opportunité, par ailleurs, dit-elle, de faire entendre les voix des travailleurs, ce qui favorise des politiques budgétaires plus justes et équitables. Elle estime néanmoins qu’« une rencontre plus fréquente avec les parties concernées est essentielle afin de garantir une continuité dans les actions prises, dans leur réelle mise en œuvre et surtout, de renforcer un lien étroit entre le gouvernement et les parties prenantes et garantir ainsi un renforcement de confiance entre nous ». Elle regrette que des taux d’intérêt bancaires élevés rendent l’accès au financement encore plus difficile et découragent les femmes à entreprendre.
Pour Reaz Chuttoo, de la CTSP, ces consultations sont extrêmement importantes. « La CTSP ne se contente pas de faire des demandes mais nous démontrons, documents à l’appui, l’urgence d’apporter des corrections pour plus de justice sociale. » Il invite les associations à être plus professionnelles dans leurs demandes et non voir dans cette rencontre une simple tradition. « Il faut pouvoir démontrer la pertinence des propositions de manière concrète. »
S’agissant d’une meilleure chance de réalisation des propositions, le leader syndicaliste pointe le système de financement. « Tant que le système de financement des partis politiques ne change pas et que des compagnies privées les financent, il y aura toujours ce lobbying des capitalistes qui imposent leur agenda. La seule manière de contrecarrer cela, c’est d’imposer notre agenda par le pouvoir de nos votes. »
HANIFF PEERUN (SYNDICALISTE) :
« Davantage un exercice de marketing et de communication »
Le défilé de syndicalistes et autres associations au ministère des Finances dans le cadre des propositions budgétaires est un exercice annuel précédant la présentation du budget. Quelle est l’importance de ces consultations prébudgétaires pour vous ?
Depuis des années, chaque ministre des Finances, avant l’exercice budgétaire, consulte tous les partenaires de la société : des associations de consommateurs aux syndicats en passant par des ONGs. Il va également à Rodrigues pour le faire. Parfois même, le ministre des Finances se trouve être le Premier ministre.
L’importance de telles rencontres est l’occasion pour le ministre des Finances d’écouter la voix de ces différents partenaires. Même si certaines propositions de ces derniers ne sont pas réalisables, la majorité, surtout celles faites par les mouvements syndicaux, sont tout à fait réalisables car ne demandant pas trop d’engagement financier.
En tant que syndicaliste de longue date, à quel point ces rencontres, selon vous, sont-elles porteuses d’espoir pour les syndicalistes souhaitant voir la réalisation de leurs revendications ?
Certaines de nos propositions sont acceptées par le ministre des Finances à travers le gouvernement même si elles sont minimes. C’est davantage un exercice de communication entre le ministre des Finances et le monde syndical. D’emblée, le ministre nous brosse un tableau négatif de la situation économique locale et internationale pour nous montrer que ses mains sont liées. Cela dit, il montre sa volonté à apporter certaines solutions pour apaiser la souffrance de la population.
En effet, lorsque nous participons à ces réunions, nous y allons en tant que porte-parole des travailleurs et des Mauriciens en général. Une partie minime de nos propositions est en général retenue. C’est davantage du côté du patronat que les propositions sont prises en considération. Par exemple, chaque année, il y a des Schemes en faveur du patronat sous prétexte qu’il ne pourra payer les augmentations. Les mouvements coopératifs et les PME aussi sont les grands gagnants chaque année.
Pour nous, donc, c’est davantage un exercice de marketing et de communication auquel s’adonne le ministre qui montre qu’il est à l’écoute des divers partenaires de la société en amont du budget. Mais nous savons que très peu de propositions sont retenues. Par exemple, à chaque fois, le MLC demande un contrôle rigoureux des prix pour apporter un peu de soulagement aux travailleurs mauriciens. Le gouvernement ne le fait jamais, sauf quand il y a un problème comme le Covid-19. Ce n’est que lorsqu’il y a un problème dans le pays fournisseur qu’il vient fixer les prix des oignons et des pommes de terre. Or, nous savons pertinemment bien qu’il y a un cartel au niveau des importateurs.
Au final, ces consultations sont-elles utiles ?
Non, nous reconnaissons qu’il y a au moins une consultation et qu’au moins, nous sommes en mesure de faire entendre nos demandes dans l’intérêt des travailleurs. Maintenant, c’est au ministre d’assumer ses responsabilités.
Au moins le peuple mauricien est au courant des propositions des syndicats pendant cet exercice car nos demandes sont rapportées par les médias. Quand elles ne sont pas réalisées, nous n’en sommes pas responsables. Cela a le mérite de montrer au public de quelle manière le ministre répond à nos demandes en faveur des travailleurs.
De quelle manière auriez-vous souhaité améliorer ces consultations prébudgétaires en vue de l’aboutissement des revendications ?
Nous aurions souhaité que le ministre et le Premier ministre participent ensemble à ces consultations avec les syndicats, associations et ONGs, car le ministre doit avoir l’approbation du Premier ministre pour approuver les demandes. Il faudrait que nous puissions le même jour poser des questions et obtenir des réponses. Il faudrait que cela prenne la forme d’un forum où il y a consultations et discussions.
Si le ministre n’est pas d’accord avec telle proposition, il faut qu’il puisse nous dire pourquoi ce n’est pas réalisable. À ce moment, nous pourrions faire des contre-propositions dans l’intérêt de tous les Mauriciens. Au lieu de nous dire qu’ils vont délibérer pour essayer de retenir nos propositions et que tel n’est pas le cas lors du budget. Par exemple, nous avons déjà demandé que l’enregistrement lors de l’achat d’une voiture se transforme en un simple Transfer Fee car le coût de l’enregistrement est élevé. Une voiture est déjà enregistrée par son premier acquéreur. Or, le deuxième, troisième acquéreur doivent encore payer l’enregistrement.
Les syndicats sont mieux à même de connaître les problèmes auxquels font face les travailleurs. Nous sommes là et pour le secteur public et pour le secteur privé pour exprimer leurs sentiments. Nous le faisons, non pas dans un esprit de démagogie mais nous venons avec des propositions qui tiennent la route, en faveur non seulement des Mauriciens mais parfois même en faveur du gouvernement.
Chaque année, l’Audit vient critiquer les gaspillages et autres fraudes dans les ministères. Nous faisons des propositions pour combattre le gaspillage et la fraude. Si le gouvernement nous écoutait, le rapport de l’Audit n’aurait pas été aussi accablant chaque année. Tous les ans, le rapport montre qu’il y a des pensions de vieillesse qui continuent d’être payées à des personnes décédées. Tout est digitalisé aujourd’hui. Il suffirait d’informatise tout le système ! Le gouvernement devrait être davantage à l’écoute des syndicats pour que les Mauriciens puissent avoir une vie plus décente.
En cette année électorale, pensez-vous que les propositions seront réalisées plus facilement ?
Ce n’est un secret pour personne qu’en une telle période, le gouvernement – n’importe lequel – joue au Père Noël pour venir avec des mesures innovantes et essayer de gagner la faveur des électeurs. Mais il ne faut pas que les Mauriciens oublient que le budget est financé par l’argent du peuple. C’est notre argent. Certains disent qu’ils ne payent pas la taxe. Mais il y a la taxe indirecte. Même les plus pauvres paient la taxe à travers les articles qu’ils achètent.
TRINIDA CHETTY (ENTREPRENEUSE) :
« Une rencontre plus fréquente avec les parties concernées est essentielle »
Le défilé de syndicalistes et autres associations au ministère des Finances dans le cadre des propositions budgétaires est un exercice annuel précédant la présentation du budget. Quelle est l’importance de ces consultations prébudgétaires pour vous ?
La consultation prébudgétaire nous a donné l’opportunité de participer activement à la prise de décisions qui nous concernent tous en tant que citoyens mauriciens. Elle permet au gouvernement d’adopter une approche transparente et responsable dans la gestion des finances publiques. En impliquant les parties prenantes dans ce processus, le gouvernement peut accroître la légitimité et l’acceptabilité du budget final. Les décisions budgétaires deviennent donc le résultat d’un processus inclusif et transparent.
À quel point ces rencontres porteuses d’un grand espoir pour les syndicalistes souhaitant voir la réalisation de leurs revendications sont-elles utiles ?
Les syndicalistes représentent les intérêts des travailleurs et sont en mesure de fournir des perspectives uniques sur leurs besoins et préoccupations. Ils garantissent que les voix des travailleurs sont entendues et prises en compte dans le processus, et ainsi favorisent des politiques budgétaires plus justes et équitables.
Certains y voient là un exercice davantage formel qu’une rencontre, tenant vraiment compte des problèmes exposés par les diverses associations pour qu’ensuite on propose un suivi et des solutions. Votre opinion…
Nous remercions le gouvernement pour cet exercice. Nous souhaiterions que des mécanismes de communication efficaces soient mis sur pied pour informer les parties prenantes des diverses étapes budgétaires. Le gouvernement doit s’assurer que les informations pertinentes sur le budget sont accessibles mais surtout compréhensibles à tous. Une rencontre plus fréquente avec les parties concernées est essentielle afin de garantir une continuité dans les actions prises, de leur réelle mise en œuvre mais surtout de renforcer un lien étroit entre le gouvernement et les parties prenantes et garantir ainsi un renforcement de confiance entre nous.
De quelle manière auriez-vous souhaité améliorer ces consultations prébudgétaires en vue de l’aboutissement des revendications ?
Depuis le Covid-19, les obstacles sont de plus nombreux et il est important que le gouvernement mette en place des actions afin d’éviter aux PME de mettre la clé sous le paillasson. En ligne avec les démarches du gouvernement d’encourager les femmes à entreprendre, il est important que les difficultés auxquelles nous faisons face soient prises en considération pour que nous puissions les surmonter. Les prêts bancaires restent une source de financement importante pour de nombreuses femmes mais l’accès reste un défi en comparaison à nos homologues masculins en raison de divers facteurs tels que la discrimination de genre, les stéréotypes et les barrières structurelles. Des taux d’intérêt bancaires élevés rendent l’accès au financement encore plus difficile et découragent les femmes à entreprendre.
Pour les femmes entrepreneures existantes, le taux d’intérêt pratiqué aujourd’hui a un impact significatif et nuit à une croissance économique inclusive et durable. Il est essentiel de revoir cela au plus vite afin d’arrêter l’hémorragie. Un plan éducatif structuré est également nécessaire pour aider les femmes entrepreneures à mieux comprendre le processus et les critères requis lors d’une demande de prêt et leur permettre ainsi de présenter des plans d’action solides aux banques. Certains pays ont mis en place des programmes de soutien spécifiques aux femmes entrepreneures, notamment des garanties de prêts, des subventions ou des prêts à taux d’intérêt préférentiels afin de faciliter l’accès aux finances.
Un rappel des demandes les plus pressantes faites par l’AMFCE…
Les femmes entrepreneurs n’ont souvent d’autre choix que de mettre la clé sous la porte en cas de grossesses planifiée ou non-planifiée. En ligne avec l’encouragement du gouvernement pour plus de naissances, nous avons demandé des mesures évitant aux femmes entrepreneures de se retrouver en difficultés. Il pourrait y avoir différentes formes selon les programmes les plus adaptés pour le gouvernement de compenser les femmes : congé de maternité rémunéré. Il existe aujourd’hui un système de compensation pour les femmes sous forme de congé de maternité rémunéré mais qui n’est applicable à ce jour qu’aux employées.
Rien n’a été fait pour les femmes entrepreneures. Il est important pour le gouvernement, dans sa démarche d’encourager la femme à entreprendre, de travailler sur un concept où elle aura l’aide nécessaire afin d’avancer sereinement. Nous avons demandé également un système de compensation salariale afin de permettre aux femmes entrepreneures d’embaucher plus facilement des remplaçantes pendant leurs congés et ainsi s’assurer de la continuité des activités de leurs entreprises.
Par ailleurs, dans d’autres pays, il existe des subventions ou taux préférentiels qui sont proposés aux femmes entrepreneures. Le gouvernement pourrait mettre en place des services de garde d’enfants subventionnés par l’État au domicile des parents afin de permettre aux femmes entrepreneures de reprendre le chemin du travail le plus rapidement possible sans se soucier du poids financier qui est impliqué dans ces démarches. Cela aiderait les femmes entrepreneures à concilier leur rôle de parents et celui d’entrepreneures.
D’autre part, le gouvernement pourrait accorder des allégements fiscaux ou des exemptions temporaires aux femmes pendant leurs congés de maternité. Cela, afin de réduire leur charge fiscale pendant cette période pendant laquelle leur revenu est réduit. Il est, en outre, important de mettre en place des programmes de mentorat et de soutien car ils sont essentiels pour la survie des entrepreneurs, en particulier en ces périodes d’incertitude comme celle de la pandémie que nous avons vécue. Les femmes entrepreneures sont amenées à développer un autre style de leadership et de gestion et les programmes associés à des institutions renommées peuvent les aider dans cette démarche.
REAZ CHUTTOO (SYNDICALISTE) :
« Ces consultations sont extrêmement importantes »
Le défilé de syndicalistes et autres associations au ministère des Finances dans le cadre des propositions budgétaires est un exercice annuel précédant la présentation du budget. Quelle est l’importance de ces consultations prébudgétaires pour vous ?
Elles sont extrêmement importantes. Depuis l’existence de la CTSP, il n’y a pas une seule année où nous avons manqué ce rendez-vous. La CTSP ne se contente pas de faire des demandes mais nous démontrons, documents à l’appui, l’urgence d’apporter des corrections pour plus de justice sociale. Pour rappel, l’an dernier, dans le cadre du 1er mai, nous avions lancé une campagne pour demander que le salaire minimum soit de Rs 16 000. Nous n’avons pas fait que demander. Nous avons montré combien coûte un panier de sécurité alimentaire contenant des produits permettant à une personne de ne pas basculer dans la malnutrition. Et il s’agit de produits les moins chers. Nous avons montré de manière scientifique combien coûte un tel panier.
Aujourd’hui, bien des partis politiques, dans le cadre de la campagne électorale, viennent avec des slogans : « Notre priorité, c’est la justice sociale » ; « Dan 100 zour, nou sanz ou lavi ». Or, ils ne disent pas en détail comment ils le feront. Les propositions ne peuvent simplement faire partie d’une tradition. Elles doivent être faites de manière professionnelle. Il faut pouvoir démontrer la pertinence de ces propositions de manière concrète. Recevons-nous ce que nous demandons ? Il s’agit là d’une autre question. Parfois, elles sont retenues, parfois une proposition n’est pas retenue tout de suite mais nous la voyons après.
Par exemple, le PTr se targue toujours d’avoir introduit l’éducation gratuite. Mais derrière, il y a ces milliers d’élèves qui sont descendus dans la rue en mai 75… Le gouvernement se targue d’avoir introduit le salaire minimum. Oui, mais c’est après que la CTSP ait entamé une grève de la faim, après que le pays ait appris que les Cleaners touchaient Rs 1 500 par mois. Parfois, nos idées sont Hijacked par les partis politiques qui en tirent un capital.
Certains y voient là un exercice davantage formel qu’une rencontre qui tienne vraiment compte des problèmes exposés par les diverses associations pour qu’ensuite on propose un suivi et des solutions. Votre opinion…
Dans une certaine mesure, oui. Mais à la dernière rencontre ayant eu lieu avec le monde syndical où étaient invitées 11 confédérations, seulement deux ont soumis un mémorandum. Il est vrai que toutes ont pris la parole mais il est évident qu’elles auront le sentiment que leurs demandes n’ont pas été tenues en considération quand elles n’ont fait que les exprimer verbalement. Certains n’ont toujours pas compris ce qu’est le budget.
Par exemple, un syndicaliste a demandé une étude sur le salaire minimum parce que cela aurait occasionné des pertes d’emploi. Nous étions choqués car nous nous attendrions que ce soit un patron du privé qui dise cela… Or, d’après lui, certains doivent licencier leur servante à cause du salaire minimum… Certes, c’est une question de rapport de force. Si vous êtes suffisamment fort et pouvez influencer les décisions politiques, vos demandes peuvent passer. Mais, si vous y allez pour la galerie, they take you for a ride…
Ces rencontres ont donc pour vous toute leur utilité ?
Je répondrai par un oui catégorique. Pendant trop longtemps, les leaders syndicaux ont soulevé des questions dépassant le cadre de la réalité. Beaucoup se revendiquent de mouvements apolitiques. Comment un syndicat peut-il être apolitique ? Un combat syndical est politique. Quand nous nous mobilisons pour l’augmentation de la pension, en faveur du salaire minimum, c’est une mobilisation politique. Il faut faire la différence entre politique et politique partisane.
Je reviens d’une rencontre syndicale en Afrique où il a été question de consolider la démocratie. 75% des syndicats présents pensaient que leur rôle consistait à défendre leurs membres. Or, un syndicat représente la classe des travailleurs et non seulement ses membres. Donc, lorsque des travailleurs étrangers sont surexploités, la CTSP milite pour qu’ils aient plus de justice sociale car autrement, ce sont les Mauriciens qui seront victimes. La demande pour des travailleurs étrangers bon marché, exploités, augmentera et il n’y aura plus de place pour les Mauriciens. Donc, les syndicats doivent être partie prenante de toute décision politique concernant la société civile comme le budget, la carte d’identité, etc.
De quelle manière auriez-vous souhaité améliorer ces consultations prébudgétaires en vue de l’aboutissement des revendications ?
Il existe un problème fondamental dans notre pays : le money politics. Les partis politiques à Maurice ne sont pas reconnus comme une entité légale et n’ont pas tenu à soumettre des Audited Accounts car ils reçoivent de l’argent du secteur privé. Quand quelqu’un vous donne de l’argent, il a une attente en retour. Tant que le système de financement des partis politiques ne change pas et que des compagnies privées les financent, il y aura toujours ce lobbying des capitalistes qui imposent leur agenda. La seule manière de contrecarrer cela, c’est d’imposer notre agenda par le pouvoir de nos votes. Mais je suis pessimiste à ce sujet car nous sommes encore une nation de roder bout.
Pour un changement donc, il faut que tous les interlocuteurs dans la société soient sur un pied d’égalité. Par exemple, il y a 15 ans, je lance la question du PRGF. Le patronat a toujours pu bloquer le projet avec la force de l’argent jusqu’à ce que la Workers Right Act (2019) entre en vigueur. Quand nous faisons la grève de la faim, la société civile vient nous soutenir. Nous avons donc créé un rapport de force qui n’est pas que syndical. Le gouvernement a fini par comprendre que le privé peut lui donner de l’argent mais pour qu’il puisse être élu, il lui faut des votes… Quand il est allé dans le sens du peuple, il a été élu… Il est absolument capital que les syndicats s’engagent dans les décisions politiques concernant la société civile.