Le deuxième round du comité tripartite sur la compensation salariale annuelle se tiendra cette semaine sous la présidence du Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam. Le conseil des ministres, réuni vendredi, a pris note de l’état d’avancement des discussions entre les partenaires sociaux, soit Business Mauritius, les représentants des PME, le ministre du Travail, Reza Uteem, et les représentants syndicaux.
Selon les informations présentées lors de la réunion technique tripartite, Statistics Mauritius prévoit un taux d’inflation de 3,7% pour 2025. Les dépenses mensuelles moyennes des ménages, estimées à Rs 43 400 en 2024, devraient atteindre Rs 45 000 l’année prochaine. Des données complémentaires demandées à Statistics Mauritius seront communiquées aux organisations patronales et syndicales afin d’éclairer la suite des négociations.
Tout indique que le quantum de la compensation salariale devrait être annoncé lors de ce prochain round. En cas de désaccord majeur, un troisième tour de table pourrait être inscrit à l’agenda.
Le président de la Confederation of Public and Private Sector Workers (CTSP), Reeaz Chuttoo, redoute que les syndicats soient une nouvelle fois placés devant un fait accompli, comme cela a été le cas l’an dernier. « Cette année, le gouvernement n’a aucun prétexte. Si aucune négociation réelle n’a lieu, nous conclurons à un système autocratique », déclare-t-il.
Pour lui, les salariés, dans l’attente d’une compensation équitable de la perte du pouvoir d’achat, risquent d’être déçus. « Le premier round n’a été qu’un exercice d’écoute, et le deuxième servira à présenter une décision déjà tranchée. Une bonne partie des travailleurs ne touchera probablement pas la compensation salariale, tandis que l’allocation CSG s’amenuise avant de disparaître », s’insurge-t-il.
La CTSP appelle ainsi le gouvernement à cesser de réduire cette allocation, avertissant que l’écart se creusera davantage entre le secteur privé et le public, surtout avec la publication prochaine du rapport du Pay Research Bureau (PRB). Reeaz Chuttoo se demande même s’il est utile pour sa confédération de participer au deuxième round pour simplement entendre une décision imposée.
Le président de la Federation of Parastatal Bodies and Other Unions (FPBOU), Deepak Benydin, estime que le taux de 3,7% annoncé par Statistics Mauritius ne correspond nullement à la réalité vécue par les ménages. Il souligne que le panier de la ménagère retenu (pain, riz, farine, viande, poisson, huile, margarine, fruits et légumes, ainsi que boissons non alcoolisées) ne reflète pas entièrement les prix sur le marché. Il cite ainsi l’exemple des carottes, à Rs 75 le demi-kilo, des haricots verts (Rs 100/livre) ou encore le sac d’oranges (Rs 150).
Deepak Benydin critique également l’inclusion des intérêts sur prêts immobiliers dans le panier, sans prise en compte du capital remboursé. « Les dépenses moyennes en logement, électricité, gaz et eau évaluées à Rs 4 000, ne reflètent pas la réalité », dénonce-t-il. De son côté, le président du Mauritius Labour Congress (MLC), Haniff Peerun, affirme que la classe syndicale ne fait pas confiance à Statistics Mauritius, notamment parce que Business Mauritius siège sur conseil d’administration sans aucune présence syndicale. « Voilà pourquoi le COO de Business Mauritius, Pradeep Dursun, s’est empressé de valider le taux de 3,7% », estime-t-il.
Haniff Peerun cite également le State of Economy, qui affirme que sous le précédent gouvernement, il y aurait eu « une manipulation délibérée des données afin de donner une fausse impression des progrès économiques ». Et de conclure : « Lors de la réunion technique, Statistics Mauritius n’a pu répondre à plusieurs questions clés. Où les prix ont-ils été relevés (supermarchés, bazars, pharmacies, etc.) ? À quelle fréquence ? Selon quelle méthodologie ? Pourquoi le chapitre sur le coefficient de Gini a-t-il été retiré du rapport sur le budget des ménages ? Il n’existe aucune autre institution capable de contre-vérifier les chiffres de Statistics Mauritius, qui détient le monopole de ces enquêtes. »

