Rudolf Derek Jean Jacques, plus connu sous le nom de Gros Derek, et Bruno Wesley Casimir ont été autorisés à faire appel au Conseil privé du roi de leur condamnation à 32 et 30 ans de prison respectivement après qu’ils ont été reconnus coupables d’avoir, entre octobre 2011 et juin 2012, sur le parking de KFC à Flacq et à Batterie Cassée, Roche Bois, organisé l’importation de drogues dangereuses de Madagascar à Maurice en infraction de l’article 30(1)(a)(b) du Dangerous Drugs Act (DDA). Dans un jugement rendu en début de semaine, la Senior Puisne Judge (SPJ) Nirmala Devat et le juge David Chan Kan Cheong ont statué que les questions soulevées par les deux demandeurs dans leurs points d’appel sont « of great general or public importance which ought to be submitted to the Judicial Committee of the Privy Council. »
Une des questions d’intérêt général que le Conseil privé devra trancher est quels sont les éléments constitutifs du délit qui était reproché aux deux prévenus d’autant qu’aucune drogue n’a été trouvé ni saisie par la police dans le cadre de cette affaire. L’offense « d’organiser l’importation de drogues dangereuses à Maurice », fait partie de la série d’infractions qui ont été introduites par le législateur mauricien dans la Dangerous Drugs Act au début et au milieu des années 2000 afin de respecter les engagements du pays dans son combat contre le trafic illicite de drogue et pour donner effet à la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 et dont Maurice est signataire.
Première affaire sous l’article 30(1)(a)(b) du DDA
Ce qui fait que cette affaire, qui date de 2011 et 2012, est la toute première affaire qu’a eu à juger la Cour suprême sous l’article 30(1)(a)(b) du DDA. En l’absence de jurisprudence sur le sujet, le Conseil privé est donc invité à se prononcer sur les questions suivantes par rapport aux éléments constitutifs du délit : (i) si la preuve d’importation réelle de drogue est une exigence pour constituer un délit sous l’article 30(1)(a)(b)(ii) du DDA ?; (ii) si une condamnation sous l’article 30(1)(a)(b)(ii) du DDA peut être maintenue en l’absence de preuve par rapport à la nature et au poids de la drogue ? ; et (iii) si la non-production de la drogue, comme c’est le cas dans cette affaire, est fatale à l’accusation ?
Pour les juges, ces questions sont d’ordre d’intérêt général et l’éclairage qu’apportera Conseil privé, aidera, à l’avenir, les cours de justice à Maurice à décider de prochains cas similaires.
Pour rappel, Rudolf Derek Jean Jacques et Bruno Wesley Casimir ont été condamnés à 32 et 30 de prison et à une amende de Rs 500,000 et Rs 300,000 respectivement en novembre 2022 après qu’ils ont été trouvés coupables par le juge Luchmeeparsad Aujayeb d’avoir organisé l’importation de drogues dangereuses à Maurice en provenance de Tamatave, Madagascar. En appel, le verdict de culpabilité à leur égard a été maintenu mais leur sentence réduite de deux ans chacun après que la Cour d’appel (Devat SPJ, Chan Kan Cheong et Seebaluck JJ) a tenu compte du délai de dix ans qui s’est écoulé depuis leur arrestation et leur procès. Non satisfaits du jugement de la Cour d’appel, ils avaient demandé, à travers leurs hommes de loi – Me Raouf Gulbul pour Wesley Casimir et Me Zaredhin Jaunbaccus pour Rudolf Derek Jean Jacques – l’autorisation de faire appel au Conseil privé du roi. Le Directeur des Poursuites Publiques, à travers son représentant, Me Priscilla Veerabudren, Senior Assistant DPP, y avait objecté. Maintenant que cette autorisation a été obtenue, les avocats des prévenus comptent demander un early hearing afin que l’appel puisse être écoutée au plus tard en juin prochain. Si avec cette autorisation ils s’accordent un répit, Gros Derek et Wesley Casimir restent tout de même en détention en attendant la décision des Law Lords.
