La Cour suprême a annulé le jugement prononcé par la Cour intermédiaire contre la compagnie Change Express. Les juges Aruna Narain et Renuka Dabee ont renversé le verdict de culpabilité contre cette société cambiste et l’amende de Rs1 million imposée suite à un procès instruit par l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) pour infraction aux dispositions de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA). L’affaire a été renvoyée au magistrat de la Cour intermédiaire pour qu’il se prononce sur le Mens Rea de Change Express à la lumière des faits avérés.
En effet, Change Express avait fait appel contre le jugement de la Cour intermédiaire condamnant la société pour l’infraction d’avoir accepté un paiement en espèces en devises étrangères, dont le montant était supérieur à Rs 350 000 en violation aux articles 5(1) et 8 de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act 2002 (FIAMLA), avec en complément l’article 44(2) de l’Interpretation and General Clauses Act (IGCA) et condamnant celle-ci à payer une amende de Rs 1 million et des coûts de Rs 500. Il ressort que l’affaire portée devant la Cour intermédiaire par l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) remonte au 26 avril 2006.
Change Express représentée par Poulay Sawmynaden, président du conseil d’administration, était poursuivie pour avoir volontairement et illégalement accepté un paiement de 16 925 euros en espèces d’un dénommé Santa Vaitilingon en échange de la somme de Rs 634 684.50. Change Express, à travers Poulay Sawmynaden, avait plaidé non coupable à l’accusation.
Poulay Sawmynaden avait fait une déclaration au nom de Change Express et avait avancé aux enquêteurs que, selon les archives de la société, cette transaction n’avait jamais été effectuée à la succursale de Quatre-Bornes. Il avait mis en avant la copie d’un e-mail, qui a été trouvée dans le dossier d’un certain Krishnaduth Motaye, l’ancien PDG de la société. Il avait avancé que la transaction a été fabriquée par ce dernier, qui a fait l’objet d’une enquête interne sur des malversations à un certain moment.
Le dossier de l’accusation mettait en exergue que Santa Vaitilingon s’était rendu à la succursale de Quatre Bornes où il avait échangé 16 925 euros contre Rs 634 684.50 et que la transaction a été traitée par un certain Vinod Padayachy, le Manager de cette branche. Ce dernier n’avait pas été appelé à la barre des témoins dans le cadre du procès.
En contestant le jugement de la Cour intermédiaire, les hommes de loi de Change Express dont Me Gavin Glover Senior Counsel et Me Robin Mardemootoo (avoué), ont mis l’accent sur le fait que le principe d’identification devait être appliqué pour établir la responsabilité des personnes interrogées par l’ICAC. Cette dernière instance s’était appuyée sur le fait que la poursuite avait identifié Vinod Padayachy comme étant celui qui avait commis l’infraction mais n’avait pas témoigné et ou encore moins été interrogé par l’ICAC.
La défense de Change Express a soutenu que le « témoin » n’a pas suivi le protocole établi et que la poursuite n’a apporté aucune preuve que l’entreprise était au courant de cette transaction contestée au moment où elle s’est produite. Il a également été soutenu que Vinod Padayachy n’était pas le Directing Mind and Will de la société et qu’il avait agi de sa propre initiative lorsqu’il avait effectué la transaction suspecte.
D’autre part, les hommes de loi de l’ICAC ont pendant cette procédure d’appel relevé le fait qu’il ressort des éléments non contestés versés au dossier que Vinod Padayachy était le directeur de l’agence de Quatre Bornes à l’époque des faits et qu’il faisait partie de ses fonctions d’accepter de l’argent au nom de la compagnie. Du côté de la Commission anti-corruption, l’on maintient que le Manager n’agissait pas sur un coup de tête lorsqu’il a accepté le paiement, mais dans son champ d’activités qui lui était assigné et que son action était intentionnellement au bénéfice de la société.
Dans le camp du Directeur des Poursuites Publics, on a également affirmé que Vinod Padayachy, en tant que directeur de la succursale de Quatre Bornes, était la personne identifiée capable d’engager la responsabilité, et pourrait être qualifiée de Directing Mind de Change Express.
Les juges Aruna Narain et Renuka Dabee ont estimé qu’il incombait à la poursuite d’établir le Mens Rea de Change Express « beyond reasonable doubt ». « Under the identification principle, a company will, in a nutshell, only be criminally liable if an identified individual’s criminal conduct can be attributed to the company. However, not every employee or officer of a company will engage the criminal liability of the company; it has to be established that he represents the directing mind and will of the company », ont- elles soutenu. Elles relèvent que le magistrat de la Cour intermédiaire n’a même pas fait allusion aux principes applicables, et encore moins les a appliqués et que son jugement ne contient aucune analyse sur la question de savoir si l’acte de Vinod Padayachy consistant à accepter des sommes dépassant le plafond prescrit.
« He(the magistrate) contented himself, when considering the guilty intent of the accused, with finding that the non-recording and concealment of the transaction showed that the accused had acted willfully and unlawfully, as if for all intents and purposes he were considering the Mens Rea of a natural person. This in itself vitiates his finding that the mens rea of the appellant has been established », ont-elles affirmé.
« We quash the appellant’s conviction and sentence and remit the matter back to the learned Magistrate for him to address his mind to the mens rea of the accused company in the light of the facts he had found proved and of the applicable legal principles », ont conclu les deux juges.