Tout en étant historique et acclamé sur le front international, notamment au sein de la communauté LGBTQ+, le jugement de la Cour suprême, signé des juges David Chan et Karuna Gunesh-Balaghee, ne fait que réaffirmer la protection des droits fondamentaux de cette catégorie de Mauriciens. En tout cas, de l’avis des spécialistes en Droit pénal, les attendus du jugement sont loin de constituer un blanc-seing contre des pratiques sexuelles hors cadre, dont la sodomie, entre couples normaux. Mercredi dernier, la Cour suprême a décrété anticonstitutionnelle une loi criminalisant les pratiques sexuelles entre gays. Et datant de 1898. Cette étape marque une victoire significative pour la reconnaissance des droits des membres de la communauté LGBTQ+ dans le pays. Cette avancée sur le principe du respect des droits fondamentaux des individus est d’une telle envergure que l’UNAIDS, agence spécialisée des Nations unies, a émis un communiqué le même jour pour saluer ce développement sur le plan des droits fondamentaux.
Le jugement intervient suite à une affaire logée en Cour suprême par Abdool Ridwan Firaas Ah Seek un homosexuel, et aussi le Collectif-Arc-en-Ciel (CAEC), une organisation non-gouvernementale luttant contre l’homophobie et toute autre forme de discrimination par rapport aux orientations sexuelles. Dans leurs plaintes respectives, ils contestent la validité de l’article 250 (1) du Code pénal, qui faisait un crime les rapports sexuels anaux et la sodomie entre hommes adultes consentants en privé. Dans cette affaire, le Directeur des Poursuites publiques avait assuré une présence au titre du principe de l’Amicus Curiae.
Après analyse des faits, la Cour suprême est arrivée à la conclusion que la section 250 (1) du Code pénal violait diverses dispositions de la Constitution, notamment le droit à la liberté, à la vie privée, à la liberté d’expression et à la protection contre la discrimination. La décision repose sur le principe selon lequel la loi, bien qu’apparemment neutre, discriminait dans ses effets les homosexuels en raison de leur orientation sexuelle.
Abdool Ridwan Firaas Ah Seek affirme que dès l’âge de 13 ans, il avait épousé des orientations homosexuelles. Dans sa déposition en Cour, il avait soutenu que « although he tried to behave like a heterosexual, he quickly realised that being a homosexual person was his true nature. He has been living in a homosexual relationship with his partner for the past 10 years. Although the acts of sexual intimacy between him and his partner are consensual and conducted in private, he lives in constant fear of being arrested as section 250 (1) of the Criminal Code criminalises acts of sexual intimacy between men in Mauritius. »
De ce fait, la clause 250 (1) du Code pénal constituait une épée de Damoclès dans la vie de tous les jours vu que « when indulging in sexual intimacy with his partner, he is simply expressing his love for somebody. However, section 250 (1) is like the sword of Damocles dangling over his head because it criminalises sex between men. »
Il maintient que « the Constitution guarantees protection against inhuman and degrading treatment, but he is not free to be himself. It is very hard for a homosexual to live in a country where one is supposed to have the freedom to do what he pleases, provided he respects the law, but where sodomy is criminalised. » Il ajoute que de ce fait que les homosexuels sont considérés comme des criminels.
« Section 250 (1) discourages male homosexuals and the wider LGBT community from freely exercising their rights to assemble and express their sexual orientation, as evidenced by the cancellation of the LGBT pride march in March 2018 which, however, was successfully organised in 2019 with the help of the police », notent les juges en résumant les arguments d’Abdool Ridwan Firaas Ah Seek, soulignant que « the crux of the present case is whether section 250 (1) of the Criminal Code is unconstitutional. »
Discrimination
Partant du fait que le mot sexe n’est pas défini de manière explicite dans la Constitution, les juges de la Cour suprême n’ont eu d’autre choix que se de référer à des précédents à l’étranger, notamment en Tasmanie ou encore au Canada, en Afrique du Sud et au Bélize, ou encore en Inde, avec le United Nations Human Rights Committee remettant en perspective l’article 26 de l’International Covenant on Civil and Political Rights.
Se basant sur toute la documentation disponible sur le plan international, la Cour suprême souligne que « the submission of learned Counsel for the Abdool Ridwan Firaas Ah Seek which is supported to a certain extent by learned Counsel for the DPP and is based on the accession of Mauritius to the ICCPR and on the interpretation of the UNHRC in Toonen (supra) that “sex” includes “sexual orientation”, to be powerful and persuasive. We are fully alive to the fact that the interpretations of the UNHRC do not have direct effect and are not directly applicable in Mauritius. But we believe due consideration must also be given to the following dictum of the Judicial Committee in Matadeen v Pointu (supra) :- “Since 1973 Mauritius has been a signatory to the International Covenant on Civil and Political Rights. It is a well recognised canon of construction that domestic legislation, including the Constitution, should if possible be construed so as to conform to such international instruments. »
Toujours à ce même chapitre de protection des citoyens contre toute forme de discrimination, les juges Chan et Gunesh-Balaghee indiquent que « it is noteworthy that if proof is needed that, in this day and age, protection from discrimination on the ground of sexual orientation is recognised as being a necessity, no better one is provided than by the State (if Mauritius) itself. » Le jugement fait état de la décision survenue en décembre 2008 avec Maurice et 66 autres États membres des Nations Unies engagés dans le sponsoring d’une déclaration commune à l’effet que « the Resolution on Human rights, sexual orientation and gender identity which was adopted on 17 June 2011 by the 17th Session of the Human Rights Council which affirms the universality of human rights and expresses concern about acts of violence and discrimination based on sexual orientation and gender identity. »
Liberté
Poussant le raisonnement plus loin, la Cour suprême évoque des sauvegardes adoptées à Maurice « to prohibit discrimination on the ground of sexual orientation in a number of spheres of activities, such as employment, education, and provision of goods, services and facilities, e.g.the Equal Opportunities Act, the Workers’ Rights Act and the Employment Relations Act. »
Rejetant catégoriquement l’argument de l’État selon lequel la loi était sensible à la réalité socioculturelle et religieuse de la société, la Cour relève que Maurice est un État laïc et que la Constitution protège la liberté de conscience et de religion. L’assertion de l’État selon laquelle les changements législatifs devaient attendre une opinion publique favorable est également rejetée sans aucune forme de procès.
Le principal raisonnement de la Cour suprême est que « Section 250 (1) is therefore discriminatory under section 16 of the Constitution against the plaintiff and other homosexual men on the basis of their sexual orientation. It proscribes in effect the only mode of sexual expression available to the plaintiff. It has the effect of criminalising the plaintiff’s sexual orientation which is an innate attribute of his identity and over which he has no choice. »
En conclusion, la Cour suprême décrète que l’article 250 (1) du Code pénal était anticonstitutionnel et violait l’article 16 de la Constitution, dans la mesure où il criminalisait les actes consensuels de sodomie entre adultes de sexe masculin consentants en privé. « We, accordingly, declare that section 250 (1) of the Criminal Code is unconstitutional and violates section 16 of the Constitution in so far as it prohibits consensual acts of sodomy between consenting male adults in private and should accordingly be read so as to exclude such consensual acts from the ambit of section 250 (1) », affirment les juges en réitérant l’importance de protéger les droits des individus LGBTQ+ et de veiller que les lois ne les discriminent pas en fonction de leur orientation sexuelle.
Abdool Ridwan Firaas Ah Seek était défendu par Me G. Glover, Senior Counsel, ainsi que Me Tim Otty, KC, Me Y. Moonshiram, et Mlle K. Mardemootoo, avouée alors que l’État mauricien était représenté par la Chief State Attorney, Ms N. Ramsoondar, l’Acting Deputy Solicitor General, assistés de Mme K. K. Domah, Senior State Counsel.