L’Attorney General, Gavin Glover, a présenté le Courts (Amendment) Bill en deuxième lecture comme une réforme structurante visant à moderniser les procédures judiciaires, réduire les délais et renforcer l’accessibilité de la justice. « We are modernizing procedures and making our courts more accessible to citizens », a-t-il affirmé, soulignant l’ambition centrale du projet de loi : accélérer le traitement des affaires tout en garantissant équité, transparence et indépendance judiciaire.
Gavin Glover a reconnu une réalité préoccupante : les délais judiciaires trop longs minent la confiance du public. « Il existe une perception croissante que porter une affaire devant les tribunaux est si time-consuming que certains préfèrent laisser tomber. Cela ne peut pas durer », dit-il. Le cœur de la réforme porte sur la procédure de Judicial Review, décrite par l’Attorney General comme l’un des piliers de l’État de droit. Souvent mal comprise, elle ne vise pas à contester le fond d’une décision administrative, mais à en examiner la légalité et la raisonnabilité. « It is not an appeal on the merits, but a review of the decision-making process », ajoute-t-il.
Aujourd’hui, cette procédure comporte deux étapes – une demande de leave puis l’examen au fond –, mécanisme conçu comme un filtre mais devenu, selon Gavin Glover, « lourd, coûteux et source de retards injustifiables ». Certains dossiers restent en effet bloqués pendant des mois, voire des années, à la seule étape préliminaire. « Cela va à l’encontre même du rôle de la Judicial Review, qui est d’assurer un contrôle rapide des actions administratives. »
Le projet de loi répond à ce problème en confiant l’examen du leave au juge en chambre, en imposant un délai strict de 60 jours une fois le dossier « en état », et en supprimant la nécessité d’introduire une seconde procédure une fois l’autorisation accordée. « A binding time limit is being introduced », a-t-il souligné, tout en précisant qu’il ne s’agit pas de mettre la pression sur les magistrats, mais de créer un « incentive for prompt decision-making ».
Gavin Glover a longuement répondu à l’une des questions les plus sensibles soulevées par la réforme : ces nouveaux délais constituent-ils une atteinte à l’indépendance du Judiciaire ? Il a estimé que la vraie question est de savoir si le contenu du projet de loi restreint réellement l’indépendance judiciaire. « Il y a une nuance », dit-il, en ajoutant que: « It all depends on how reasonable the time limit is. »
Il a illustré son propos par deux extrêmes : imposer un jugement en 24 heures serait évidemment inacceptable, mais laisser des affaires en suspens pendant des années l’est tout autant. Le délai de 60 jours choisi pour la phase initiale est donc, selon lui, « raisonnable, équilibré et conforme aux exigences de la Constitution ».
Le projet de loi modifie en outre plusieurs législations connexes – notamment en matière financière, pénale ou administrative – afin que l’ensemble du corps juridique adopte un langage harmonisé pour la Judicial Review. « The impact will be tangible for citizens », a-t-il assuré. L’objectif ultime est clair : redonner confiance au public dans un système qui, selon lui, doit répondre aux standards d’un État moderne. « Deliver justice more swiftly », a soutenu Gavin Glover, résumant ainsi l’esprit de la réforme, soit une justice plus rapide, plus efficace, mais toujours indépendante.
REZA UTEEM, MINISTRE DU TRAVAIL : « Le projet de loi simplifie les étapes de la Judicial Review »
Le ministre du Travail, Reza Uteem, a déclaré que l’objectif de ce projet de loi consiste à simplifier et à alléger les procédures relatives aux demandes adressées au pouvoir judiciaire. « La Judicial Review constitue le moyen fondamental par lequel la justice veille à ce que l’exécutif et les organismes publics exercent leurs pouvoirs dans les limites qui leur sont fixées et rendent des comptes conformément à la loi », dit-il, ajoutant que « la Judicial Review est un élément essentiel du système de freins et de contrepoids, et elle est consacrée dans notre Constitution. »
Il a réfuté les propos du député Adrien Duval, qui s’est référé au projet de loi de 2009 sur la justice administrative émanant de la Law Reform Commission. « Les motifs prévus à l’article 5 sont déjà des motifs valables pour engager une Judicial Review en Cour. La loi ne fait que codifier ce qui existe déjà dans notre système juridique », fait-il comprendre. Il précise : « pourquoi imposer des restrictions au pouvoir judiciaire quant aux motifs sur lesquels il peut examiner une décision administrative ? À l’avenir, d’autres fondements pourraient être développés et reconnus par la jurisprudence. » Le ministre Reza Uteem estime que ce texte ne limitera en rien l’appréciation des juges.
« La seule nuance soulevée par Adrien Duval concerne les dommages-intérêts », a-t-il poursuivi. Il a affirmé que, par nature, la Judicial Review vise à examiner un processus décisionnel, et qu’«il est très rare qu’un tribunal accorde une compensation financière » dans ce cadre. Il a également rejeté l’affirmation selon laquelle le système procédural serait complexe, affirmant au contraire que « ce projet de loi va, au contraire, simplifier substantiellement les choses ». Il a expliqué qu’une Judicial Review comporte deux étapes : d’abord, la partie lésée doit demander une autorisation (Leave). Une fois celle-ci accordée, intervient la phase principale, au cours de laquelle les Merits de la décision contestée sont examinés.
Reza Uteem indique que les juges ont le devoir d’écarter les demandes frivoles. « En réalité, les échanges d’affidavits, les points préliminaires, les objections, etc., sont souvent très étendus. Rien que pour la phase du Leave, la procédure s’éternise », concède-t-il. Actuellement, il faut se présenter devant deux juges, un mécanisme appelé à disparaître. Après le vote de ce projet de loi, la demande sera examinée In Chambers par un seul juge ayant compétence, ce qui permettra d’accélérer le traitement des dossiers.
« Avec le projet de loi, un délai est fixé pour que le juge rende sa décision », poursuit le ministre. Même le Privy Council a fait valoir que les Judicial Reviews doivent être traitées aussi rapidement que possible. « Nous supprimons l’incertitude liée à la notion de rapidité. Désormais, le délai est de 45 jours. Il sera possible de faire appel durant cette période. Nous modifions plusieurs lois qui retardaient actuellement le processus de Judicial Review », rassure-t-il.
Le ministre du Travail a cité l’exemple d’un chargé de cours qui avait déposé un cas contre l’Université de Maurice : sa procédure de Judicial Review introduite en février 2018 n’a connu une décision sur le Leave qu’en septembre 2025. Au moment où le jugement a été rendu, l’affaire n’avait plus d’objet, le requérant ayant pris sa retraite et la question de sa promotion ne se posant plus. « C’est précisément ce type d’abus que nous cherchons à prévenir grâce à cette réforme. » Désormais, le pouvoir judiciaire disposera d’un délai de 60 jours pour statuer.
Évoquant la modification de l’article 76, Reza Uteem a fait ressortir qu’auparavant, une partie lésée devait prêter un nouvel affidavit après l’octroi du “leave” (Second stage). « Désormais, si le juge estime qu’il existe une affaire défendable, il ne sera plus nécessaire de déposer une nouvelle série d’affidavits. » Il a conclu : « Les documents déjà versés au dossier constitueront la base de la seconde phase, au cours de laquelle le juge examinera la demande sur le fond. »
Roxana Collet, Organisation du Peuple de Rodrigues : « L’État n’a pas peur d’être contrôlé »
Marie Roxana Collet de l’Organisation du Peuple de Ropdrigues (OPR) a affirmé, mardi, que certaines décisions publiques dans son île natale ont été contestées. « Notre justice ne répond plus à la rapidité, à la clarté et proximité », dit-elle. Cependant, elle précise que « ce n’est pas la faute du judiciaire, des juges, magistrats, hommes de loi ou le personnel qui travaillent avec compétence. Ce sont les procédures trop lourdes qui freinent leur efficacité. Depuis longtemps, nos concitoyens et juges réclament une justice plus simple, rapide et proche ». D’après elle, ce projet de loi répond à ces attentes.
Marie Roxana Collet insiste que les amendements à la Courts Act visent à simplifier et rationaliser la procédure de révision judiciaire et ne constituent pas en « une refonte des droits administratifs qui évoluent au cas par cas ». Elle met en exergue que la justice est la garantie que chacun est traité avec équité selon la loi, sans privilège ou discrimination.
Suite aux amendements à la Courts Act, elle avance que la procédure révisée est désormais plus cohérente : « Le projet de loi harmonise la révision judiciaire dans toutes les sphères de la vie publique ». Elle cite par là même les institutions comme la santé, l’économie, les médias, la propriété intellectuelle, la fiscalité, l’agriculture, le transport, les professions réglementées entre autres. « Par exemple, les décisions du Tribunal des Relations de travail pourront être contestées par révision judiciaire ». Idem en ce qui concerne les décisions de la Financial Crimes Commission (FCC) qui seront désormais révisables, tout comme celles du Public Appeal Tribunal, de la National Land Transport Authority qui sont aussi concernées.
« Ce projet de loi montre que l’État n’a pas peur d’être contrôlé et il choisit la transparence, l’efficacité et il place le citoyen au centre », fait ressortir Marie Roxana Collet. Et ce, avant de conclure que « ce Bill répond à une justice moderne, de confiance, une justice au service du peuple ».
Adrien Duval, opposition : « Occasion ratée de doter Maurice d’une loi compréhensive »
Adrien Duval a attaqué l’approche de l’Attorney General, Gavin Glover, Senior Counsel. Selon lui, ce dernier a raté l’occasion de mettre en avant un projet de loi compréhensif recouvrant tous les aspects de l’exercice de Judicial Review dans son ensemble, alors qu’un tel projet de loi a été maintes fois recommandé.
Ainsi, la Law Reform Commission (LRC) avait soumis, et ce, depuis plusieurs années, l’ébauche d’un projet de loi, le Draft Administrative Justice Bill, qui recouvrait de façon compréhensive toutes les facettes de l’exercice de Judicial Review. Pour lui, le présent projet de loi n’est qu’une reforme incomplète. Il n’apporte aucune clarté sur les “grounds” sur lesquels un justiciable peut demander une Judicial Review, ou encore les “remedies” que la cour peut ordonner en faveur d’un justiciable lésé. Autant de points qui ne sont pas couverts par le Courts (Amendment) Bill.
Le Draft Bill de la LRC recouvrait aussi la question de dédommagement d’un plaignant lésé dans le cadre d’une Judicial Review, dit-il. « Or, le présent projet de loi ne mentionne nullement cela. »
Adrien Duval attire aussi l’attention sur ce qu’il considère comme un manquement dans le projet de loi. Ainsi, si le projet de loi impose une échéance de 45 jours sur le justiciable, à partir d’une prise de décision contestable, pour demander le Leave to apply for Judicial Review, il ne contient aucune obligation envers les entités administratives pour informer le justiciable de la décision prise et des raisons qui ont mené à cette décision, et ne leur impose aucun délai pour fournir cette information. Il a ainsi demandé à l’Attorney General d’envisager un amendement en ce sens. Ce qui, de son avis, fera toute la différence concernant le droit administratif tel qu’il est pratiqué à Maurice.
Pour Adrien Duval, le projet de loi alourdit la Courts Act existante, qui régit actuellement les demandes de Judicial Review, avec une procédure complexe. Cela a le mérite d’ajouter à la confusion, a maintenu Adrien Duval, vu qu’il faudrait désormais se référer à la nouvelle loi, à la Courts Act, et aux décisions de justice entourant les demandes de Judicial Review.
« On doit se poser la question de savoir pourquoi l’Attorney General n’a pas suivi les recommandations de la Law Reform Commission », devait-il souligner. Pour lui, Gavin Glover a donc « raté une occasion en or d’apporter une reforme compréhensive sur le concept de Judicial Review, qui aurait mis la République de Maurice au diapason avec les meilleures pratiques d’autres juridictions du Commonwealth ». Et de conclure : « Mauritius needs a comprehensive law on Judicial Review ! »
Manoj Seeburn , backbencher:
« Renforcer le Supervisory Role de la Cour suprême »
Manoj Seeburn, backbencher de la majorité, a parlé du projet de loi comme d’une réforme majeure pour moderniser le système. Selon lui, ce texte marque « our government’s commitment in modernizing and strengthening the judicial system », avec un objectif clair : améliorer l’accès à la justice, réduire les délais et renforcer le rôle de supervision de la Cour suprême.
Pendant des années, a-t-il rappelé, plus de 25 lois faisaient référence à la Judicial Review avec des formulations différentes, des procédures disparates et des délais variables. Cette mosaïque législative a engendré confusion, lenteurs, surcoûts et incohérences pour les justiciables comme pour les autorités publiques. « Pendant des années il y a eu confusion. Nous y mettons de l’ordre et renforçons le Supervisory Role de la cour Suprême », a-t-il lancé.
Manoj Seeburn insiste sur la nécessité d’un cadre unifié pour garantir équité et prévisibilité. L’un des pivots de la réforme propose que les demandes de leave soient désormais traitées par un juge en Chambre, sur dossier, sauf si l’intérêt de la justice requiert une audition orale. Cette approche vise à réduire les formalités et à accélérer le traitement des dossiers. Le projet introduit également un délai maximal de 60 jours pour statuer sur ces demandes, une innovation cruciale « to bring predictability » dans un système souvent critiqué pour ses lenteurs.
Autre changement de taille : lorsqu’un leave est accordé, la même demande devient automatiquement la requête au fond, éliminant ainsi les doublons procéduraux. Un gain de temps qui, selon lui, bénéficiera tant aux citoyens qu’aux entreprises. Le député voit également dans ce mécanisme un moyen de filtrer les recours peu sérieux : « We are discouraging frivolous applications », a-t-il expliqué, soulignant que le but est d’alléger la charge des tribunaux tout en préservant les droits des plaignants. La clause 4, présentée par le député comme l’une des plus importantes, modifie plus de 25 lois.
COURTS (AMENDMENT) BILL
Raj Pentiah : « La Judicial Review ne sera plus réservée aux privilégiés »
Le ministre de la Fonction publique, Raj Pentiah, a fait d’emblée ressortir que la procédure de Judicial Review s’assure que les autorités ne dépassent pas le cadre de la loi et que les « game powers do not turn into tyranny ». La procédure de Judicial Review maintient ainsi l’État de droit tout en protégeant les simples citoyens. « La Judicial Review n’est pas une simple procédure, mais un droit constitutionnel qui doit être garanti à tous les Mauriciens », affirme-t-il. « L’exécutif doit gouverner, mais sous le regard de la justice. »
Il a ensuite abordé les frasques de l’ancien régime, qui, selon lui, « bafouait allègrement » les principes d’équité et qui n’avait démontré « aucun respect pour les procédures établies ». Beaucoup de fonctionnaires lésés dans leurs droits avaient souffert en silence, dit-il, vu qu’ils ne pouvaient demander de Judicial Review. Les raisons à cela sont multiples, d’après lui : une procédure complexe et intimidante, des délais interminables ainsi que des coûts inabordables. « Ce qui devait être un droit pour tous n’était réservé qu’aux Privileged Few », a condamné le ministre.
Ceux qui ont eu le courage d’aller de l’avant ont vécu une procédure sans fin, dit-il encore, avec des coûts grandissants. « Dans certains cas, il n’y avait plus de Live Issue, ou encore certains demandeurs avaient pris leur retraite avant que le jugement ne soit prononcé. »
Il a ainsi salué le projet de loi, qui a grandement simplifié les procédures pour obtenir le Leave to apply for Judicial Review, ce qui réduira considérablement les délais et les coûts, de sorte que ceux qui se sentent lésés peuvent enfin voir la lumière au bout du tunnel, poursuit-il. Ainsi, ce sera un seul juge en Chambre qui sera concerné par le Leave Stage. Ce dernier sera en outre tenu de rendre sa décision dans un délai de 60 jours, et ce, en se basant uniquement sur les documents à sa disposition. Et ce ne sera que dans des cas exceptionnels qu’il pourra demander des « oral or written submissions ».
Selon le ministre, tout cela rendra le Leave Stage plus moderne, efficace et accessible, alors que sous l’actuelle loi, ce sont deux juges qui siègent « in open court » qui décident s’il faut octroyer ou non le Leave to apply for Judicial Review. « C’est une procédure longue et complexe, avec les coûts et les délais que cela implique », constituant « a trial before the trial ». Par ailleurs, si le Leave est refusé au demandeur, il pourra désormais faire appel de cette décision devant la Cour suprême, alors qu’auparavant, il devait obligatoirement interjeter appel devant le Privy Council.
Le ministre a conclu que le projet de loi rendra la demande de Leave to apply for Judicial Review plus équitable, efficace et accessible, et fera ainsi de sorte que notre république « soit alignée avec d’autres juridictions » dans le domaine du droit administratif. « Justice mut not only be done but must be seen to be done », a renchéri le ministre, qui affirme qu’avec ce nouveau projet de loi, ce sera effectivement le cas.

