Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a réservé la primeur de l’annonce de négociations avec le Royaume-Uni sur l’exercice de souveraineté de Maurice sur l’archipel aux Chagossiens. Il participait, hier matin, à la cérémonie organisée conjointement par le Prime Miniser’s Office et le Chagossian Welfare Fund pour commémorer le déracinement forcé des Chagossiens de leurs îles natales entre 1965 et 1973.
« Lors de ma mission aux Nations unies, en septembre, j’ai rencontré l’ancienne Première ministre britannique, Liz Truss, et nous avons initié des discussions sur l’archipel des Chagos. Je ferai une déclaration à l’Assemblée nationale à ce sujet. Le nouveau Premier ministre britannique, Rishi Sunak, doit également faire une déclaration au parlement britannique. Nous ne sommes pas arrivés à un accord. Cependant, pour la première fois, nous avons commencé à parler, et j’ai mis sur la table des points fondamentaux pour nos discussions. Il y aura des discussions préliminaires, qui ont été engagées », déclare-t-il.
Le Premier ministre s’est également appesanti sur l’aide accordée par le gouvernement au Chagos Welfare Fund, qui a la responsabilité d’améliorer le bien-être social et économique des membres de la communauté chagossienne. Le Premier ministre précise d’ailleurs que le président du conseil d’administration du fonds lui demande régulièrement d’augmenter la contribution gouvernementale, qui tourne autour de Rs 7 millions, afin de financer leurs activités. Il expliquer que « le gouvernement se penchera sur la question ».
Pravind Jugnauth a par ailleurs dit sa fierté que le séga tambour ait été décrété patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Aussi, afin de marquer le 3e anniversaire de cette décision historique , un concours de séga tambour sera organisé le 10 décembre prochain. Lors de la cérémonie, il a remis à Olivier Bancoult, en sa qualité de président du Chagos Resilience Group (GRG), qui remplace désormais le Chagos Refugee Group, un contrat concernant un terrain de 38 perches à Pointe-aux-Sables pour que les Chagossiens puissent s’y engager dans la culture de légumes.
Pravind Jugnauth, dont la dernière participation à cette commémoration remonte au 3 novembre 2019 – du fait de la pandémie de Covid-19 –, note que chaque événement rappelant le déracinement forcé des Chagossiens est vécu avec émotion. « C’est avec beaucoup de tristesse que nous rendons hommage à la persévérance dans la lutte menée ensemble et à ceux qui nous ont quittés, à Maurice ou ailleurs, sans avoir réussi à trouver la lumière au bout du tunnel », dira-t-il.
Il a également évoqué la visite effectuée par la délégation mauricienne, dirigée par l’ambassadeur Jagdish Koonjal, aux Chagos en février dernier, ce qui avait permis d’atteindre plusieurs objectifs. « Cela a permis d’affirmer notre souveraineté sur l’archipel des Chagos à la suite de l’avis consultatif que nous avons obtenu de la Cour Internationale de Justice et de la résolution qui a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, ainsi que le jugement de la Cour internationale sur le droit de la mer dans le cas opposant Maurice aux Maldives. La Cour a reconnu que les Chagos font partie intégrante du territoire mauricien. J’étais fier de voir le drapeau mauricien flotter sur les îles Peros Banos et Salomon, et sur le récif de Bleheim. Une plaque commémorative avait aussi été placée sur Peros Banhos », souligne-t-il.
« Nous avons également donné l’occasion à une équipe de Chagossiens de retourner dans leurs îles natales sans aucune restriction. On se souvient de leur émotion lorsqu’ils ont débarqué. Ils ont eu l’occasion d’aller sur le site où se trouvait leur église et de se rendre au cimetière, tous deux dans un état d’abandon. La mission nous a donné l’occasion de collecter des données cruciales pour le cas devant le tribunal du droit de la mer concernant la délimitation des frontières maritimes entre Maurice et les Maldives », avance le Premier ministre.
Il a encore une fois tenté de justifier la décision d’accorder priorité aux journalistes internationaux pour faire partie de l’expédition de Blenheim Reef. L’on notera que la presse internationale, dont The Guardian, a fait très peu de cas des récentes audiences de la Special Chamber de l’International Tribunal for the Law of the Sea le mois dernier.
« La presse locale accorde déjà beaucoup d’attention à ce dossier. Toutefois, il nous faut sensibiliser le monde pour faire savoir ce qui s’est passé, afin que tout le monde sache comment une injustice sans précédent a été commise et afin de mettre en exergue au niveau international l’excision illégale des Chagos du territoire mauricien avant l’indépendance » , s’est-il évertué de faire comprendre.
Pravind Jugnauth a par ailleurs insisté sur l’importance de poursuivre la lutte. Il a exprimé le souhait que « nous puissions arriver à un consensus le plus vite concernant la souveraineté de la République sur les Chagos, que les Chagossiens qui le souhaitent puissent y retourner et que les Mauriciens qui le veulent puissent s’y rendre ».
Intervenant à son tour, Olivier Bancoult a annoncé que, tenant compte du fait que les Chagossiens ne sont plus des réfugiés, il a été décidé que le Chagos Refugees Group changerait de nom pour devenir le Chagos Resilience Group, et ce, « afin de bien montrer la résilience des Chagossiens ». Il a ainsi accusé les autorités britanniques de pratiquer une politique de Divide and Rule en accordant la citoyenneté britannique à tous les Chagossiens.
Or, selon lui, « l’identité est plus importante que la citoyenneté ». Ainsi, s’il estime ne pas pouvoir empêcher les jeunes de prendre la nationalité britannique, il leur demande néanmoins de « ne pas oublier la lutte menée pendant toutes ces années pour permettre aux Chagossiens de retourner dans leurs terres natales ».
La cérémonie a été marquée par une séance de prières célébrée par le père Gérard Mongelard, qui a eu l’occasion dans le passé d’accompagner les Chagossiens dans l’archipel. Elle s’est terminée par un geste symbolique, durant lequel le Premier ministre, Pravind Jugnauth, le Premier ministre adjoint, Steven Obeegadoo, Olivier Bancoult et d’autres personnalités présentes ont jeté des fleurs à la mer, en hommage aux Chagossiens disparus, alors que la sirène d’un remorqueur se faisait entendre.