Développement humain Maurice entre pauvreté discrète et défis climatiques

Alors que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) alerte, dans son dernier rapport sur l’Indice de Pauvreté Multidimensionnelle (IPM), sur un monde où pauvreté et risques climatiques s’entrecroisent dangereusement, la situation de Maurice, telle que décrite dans le Poverty & Equity Brief de la Banque mondiale, offre un contraste particulier. Le pays a en effet réussi à éradiquer presque totalement l’extrême pauvreté selon le seuil international de 3 dollars par jour, avec moins de 0,5 % de la population concernée dès 2017. Ce succès le place parmi les économies africaines les plus avancées en matière de développement humain.

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Mais derrière cet indicateur flatteur, la Banque mondiale met en garde : une pauvreté plus discrète, dite « relative », persiste et touchait environ 8,4 % de la population en 2023, selon la ligne nationale fixée à 50 % du revenu médian. Les enfants sont les plus touchés (15,7 %), tandis que les personnes âgées le sont beaucoup moins (3,1 %). Une partie importante des pauvres dépend des transferts publics, et beaucoup travaillent dans le secteur informel, notamment le tourisme, la manufacture et les services domestiques. Le chômage global a légèrement reculé à 6 % début 2025, mais celui des jeunes reste élevé à 19,8 %, avec des disparités selon le genre. Le taux de participation à la population active reste stable à 59 %, la baisse chez les hommes à 69,1 % étant compensée par une légère hausse chez les femmes à 49,1 %.
Sur le plan économique, la croissance du PIB réel a été de 4,7 % en 2024, soutenue principalement par la construction et les services financiers (contribution de 0,7 point chacun), tandis que l’agriculture et la manufacture ont fléchi. En 2025, la croissance devrait ralentir à 3 %, affectée par un repli du tourisme et de la construction, le secteur de l’hébergement et de la restauration devant croître de 1 % avec environ 1,4 million de touristes, et la construction de 0,5 %.
Le pays se situe relativement près du seuil mondial de prospérité (28 USD/jour, PPP 2021), avec un « prosperity gap » de 2,4 fois, nettement inférieur à la moyenne mondiale de 4,8. Les inégalités ont également diminué, le Gini index passant de 40 en 2017 à 37 en 2023, en grande partie grâce aux aides publiques, qui représentent 62,1 % du revenu des ménages les plus pauvres.
Ce constat fait écho aux préoccupations globales du PNUD, qui révèle que 1,1 milliard de personnes dans le monde vivent encore dans une pauvreté multidimensionnelle aiguë, marquée par des privations cumulées en santé, éducation et conditions de vie. Près de 80 % de ces populations vivent dans des environnements exposés à des aléas climatiques sévères – vagues de chaleur, inondations ou sécheresses – un cercle vicieux où le manque de ressources empêche toute adaptation, consolidant ainsi l’exclusion. Si Maurice a dépassé ce stade grâce à ses infrastructures et ses filets sociaux, le pays n’est pas épargné par les défis structurels identifiés par la Banque mondiale : inégalités persistantes, dépendance au tourisme et vulnérabilité aux chocs externes, notamment climatiques.
Alors que le rapport du PNUD souligne la concentration des vulnérabilités en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne – avec respectivement 380 et 344 millions de personnes pauvres exposées à plusieurs risques climatiques simultanés – Maurice se distingue en faisant partie des rares nations africaines à revenu intermédiaire supérieur. Mais cela implique aussi des attentes plus élevées. Le PNUD avertit que les pays les plus affectés par la pauvreté multidimensionnelle seront ceux qui subiront, d’ici la fin du siècle, les plus fortes hausses de températures – jusqu’à 92 jours supplémentaires de chaleur extrême par an dans les scénarios d’émissions élevées. Cette prédiction interroge directement Maurice, insulaire et exposé, qui devra conjuguer lutte contre les inégalités et résilience climatique. Comme le rappelle Haoliang Xu, administrateur par intérim du PNUD : « Pour lutter contre la pauvreté et créer un monde plus stable, il est impératif de s’attaquer aux risques climatiques qui mettent en danger près de 900 millions de personnes pauvres. » À l’approche de la COP30 au Brésil, le cas mauricien incarne ainsi une nouvelle réalité du développement : celle où la pauvreté ne se mesure plus uniquement à la survie, mais à la capacité d’une société à protéger les plus vulnérables face aux crises à venir.

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