Dev Virahsawmy est décédé aux petites heures ce matin à l’âge de 81 ans. Son nom est aujourd’hui étroitement associé à l’histoire contemporaine de Maurice comme politicien, poète et écrivain, enseignant et surtout comme promoteur et défenseur de la langue nationale. Il demeure le symbole de la lutte pour la valorisation de la langue maternelle, le Kreol.
Dev Virahsawmy est resté actif intellectuellement jusqu’à son dernier souffle. Tout en sachant que la fin était proche, il a choisi d’en parler ouvertement dans des interviews de presse et de se réconcilier avec son « vie kamarad » Paul Bérenger.
Il a aussi rencontré le Premier ministre, Pravind Jugnauth : « Mo’nn dimann li gete dan ki fason li kapav ouver laport a de proze inportan, swa literasi ek aritmetik ki bizin reintrodwir dan ti klas. Monn dir li ed mwa ouver laport Extended Programme. Lor sa bann pwin-la, Pravind inn montre so apresiasion. » Il a aussi eu l’occasion de s’entretenir avec l’évêque de Port-Louis, Mgr Jean-Michaël Durhône. Avant d’annoncer que tous ses droits d’auteur ont été légués au diocèse de Port-Louis.
Son souhait est que l’État achète ces droits d’auteur pour Rs 10 millions afin que son œuvre devienne un patrimoine de l’État et des Mauriciens. « Mo’nn dimann legliz katolik servi sa kas-la pou ledikasion bann zanfan kreol dan site. » Il a également plaidé pour que l’huile de cannabis soit accessible à tous ceux, qui en ont besoin pour se soigner. Un de ses derniers vœux est que chaque Mauricien mette en terre un arbre de fruits à pain dans le cadre d’une stratégie menant à l’autosuffisance alimentaire.
Dev Virahsawmy est né en 1942. Dans une interview accordée à Week-End le 16 octobre dernier, il raconte comment, à l’âge de trois ans, il a été atteint de poliomyélite. « J’ai perdu l’utilisation de mon épaule et de mon bras gauche et, en même temps, j’ai découvert qu’à Maurice, en général, les gens n’ont aucune pitié, compréhension ou compassion pour les handicapés. Ils se moquent d’eux, sont méprisés et j’ai été surnommé mognon ti lame pendant des années. »
« Par ailleurs, mes parents avaient honte de moi et j’ai dû en permanence, été comme hiver, porter des chemises à longues manches et mettre ma main gauche dans la poche de mon pantalon pour cacher mon infirmité. » Il est devenu orphelin à l’âge de 10 ans en perdant sa mère et a été élevé par son oncle et son grand-père.
Il a fréquenté l’école St Enfant Jésus, à Rose-Hill, et puis le collège St Joseph jusqu’au SC, avant de faire son HSC au collège Royal de Port-Louis. Il a entrepris ses études tertiaires à l’Université d’Édimbourg, en Écosse. C’est à cette occasion qu’il se découvre une passion pour le Kreol Morisien. « Je voulais étudier la linguistique appliquée et faire du kreol mon sujet de thèse. J’ai eu la chance d’être accepté dans un cursus de linguistique grâce à une défection de dernière minute. Un nouveau chapitre de ma vie venait de commencer avec l’étude de tout ce qui concerne le kreol dans le monde et, à partir de là, j’ai écrit la première étude sur la langue créole de Maurice », confiait-il.
À son retour au pays, il propose de faire de la langue créole une langue nationale et se heurte à une farouche opposition, et une des personnes qui était favorable à sa proposition était Paul Bérenger. C’est sur cette base qu’une amitié est née entre les deux hommes.
Dev Virahsawmy a été le premier membre du MMM, parti nouvellement créé à participer à une élection législative partielle et à entrer au Parlement comme député de Pamplemousses/Trllet (No 5) en 1971.
Il a été arrêté en 1972 et a été en prison après avoir dit qu’il comptait faire un coup d’éclat après un discours royal au Parlement. Il retrouve à la prison son ami Paul Bérenger et d’autres dirigeants du MMM. Par la suite, Dev Virahsawmy devait prebdre ses distances dj MMM pour créer le MMMSP. Il a aussi été le créateur du groupe culturel Soley Ruz, dont faisaient partie des artistes comme Ban Cuttayen (Krapo kriye), les frères Joganah, Nitish, Micheline et Rosemay, et Eric Nelson. Il a par la suite été conseiller de différents leaders politiques, dont le défunt sir Gaëtan Duval et de feu sir Anerood Jugnauth.
Dev Virahsawmy était également un écrivain et un poète prolifique. Sa pièce de théâtre la plus connue écrite en prison a été Li. Cette pièce, jouée avec comme acteur principal Gaston Valayden, a été à un moment interdite à Maurice et avait remporté le premier prix du Concours de Radio France International. On se souvient également de Josef ek so palto arc-en-ciel, montée avec le concours de son ami Gérard Sullivan, qui a connu un immense succès. Il a aussi traduit des pièces de Shakespeare en Kreol Morisien, dont Tempest.
Dev Virahsawmy a également été un enseignant passionné. Il a aidé des milliers des jeunes à préparer leur General Paper et des textes de ittérature anglaise pour les examens de HSC. Ils lui seront toujours reconnaissants. .
Le-Mauricien présente ses plus vives sympathies à son épouse, Loga, qui l’a accompagné jusqu’à son dernier souffle, et à ses deux filles, Saskia et Anouska.