Drogue : Les overdoses en hausse à Maurice

Il y aurait de 4 à 5 cas d’overdose aux drogues par semaine à Maurice, selon des travailleurs sociaux sur le terrain. Certains en meurent, d’autres survivent avec des séquelles. Du premier cas noté dans les années 80 à ce jour, le pays n’a jamais échappé à ce drame avec la hausse dans la consommation des opiacés et des drogues de synthèse. Mais puisque les cas ne sont pas toujours officiellement enregistrés, c’est un sujet dont on parle à peine. En marge de la Journée mondiale de la sensibilisation à l’overdose des travailleurs du terrain en parlent. De La Réunion, le Dr Mété, addictologue, explique aussi le phénomène.

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Le nombre de cas d’overdose serait en hausse, selon Danny Philippe, vice-président du Collectif Urgence Toxida (CUT). “Il y a 20 ans, il y en avait approximativement 5 en une année. De nos jours, il peut y en avoir 4 ou 5 par semaine.” Cependant, déterminer avec certitude qu’un décès est dû à une overdose de drogue demeure compliqué. Dans le rapport des médecins, la cause du décès est souvent attribuée à un œdème pulmonaire, qui est l’une des conséquences de l’overdose. D’où le manque de chiffres fiables sur le sujet.

“Selon nos contacts sur le terrain, il y a de plus en plus cas depuis l’émergence des drogues synthétiques. Pour cette même raison, il y a un rajeunissement des victimes d’overdose.” À noter que le tout premier cas d’overdose a été enregistré dans les années 80 peu après la venue du Brown Sugar dans le pays. Dans les années 2000, avec l’arrivée du Subutex sur le marché noir, plusieurs cas ont été dénombrés, avant de devenir moins fréquents par la suite.

Troubles de la conscience.

Mais qu’est-ce qu’une overdose ? “L’overdose, c’est l’absorption d’une substance psychoactive à un niveau qui excède ses capacités de tolérance”, indique le Dr Mété, addictologue réunionnais. La gravité de la situation va dépendre de la classe pharmacologique de la substance. Selon le spécialiste, elle peut engendrer une altération de la conscience qui peut aller jusqu’au coma. “Dans le cas des dérivés de l’opium et des autres drogues ayant un effet dépresseur, la dangerosité est liée au risque de dépression respiratoire : la respiration ralentit jusqu’à s’arrêter. L’hypoxie (manque d’oxygène) risque d’entraîner des lésions neurologiques irréversibles, une crise d’épilepsie. Avec les troubles de la conscience, il existe aussi un risque de fausse route avec inhalation, de chute, d’agression, d’accident.”

Il indique également que, dans le cas des stimulants tels que la cocaïne, les risques sont un accident vasculaire cérébral, un infarctus du myocarde, une crise d’épilepsie ou des épisodes psychotiques.

Des moments clés.

L’overdose est récurrente chez les dépendants à la drogue et elle est souvent observée dans des cas bien particuliers. “Ces overdoses s’observent souvent à la sortie de prison, à la sortie d’une détox avec la reprise des consommations, en cas de changement de dealer ou d’utilisation d’une héroïne plus pure que d’habitude.”
Si la personne survit, il n’est pas exclu qu’elle ait des séquelles. “Tout va dépendre de la durée de l’anoxie. Il peut persister des lésions neurologiques irréversibles avec un état végétatif chronique. Dans le cas des stimulants, il peut y avoir des lésions liées à un accident vasculaire cérébral, à un infarctus du myocarde.”

Prévenir.

Pour conclure, l’addictologue pense qu’un travail d’information et de prévention destiné spécifiquement aux usagers de drogue est primordial si l’on veut faire baisser les cas. “Ne pas consommer est bien sûr l’idéal, néanmoins en cas de consommation, il ne faut pas faire de mélanges, ne pas rester seul, et limiter les prises.
L’Organisation Mondiale de la Santé recommande depuis 2014 de mettre à la disposition des usagers de drogue et de leur entourage des sprays nasal de Naloxone, qui est l’antidote de l’héroïne et des opiacés. Elle permet en quelques secondes de sauver une personne d’une overdose. Il faudrait que les autorités de santé permettent aux ONG de distribuer des kits de Naloxone en spray aux injecteurs de drogues et de les former, eux et leurs proches, à son usage afin de permettre de prévenir ces nombreux décès évitables.”

Les produits

Le Dr Mété précise que, quand on parle d’overdose, on pense particulièrement à l’héroïne et “et aux autres dérivés morphiniques particulièrement pourvoyeurs ; mais de nombreuses substances psychoactives peuvent également entraîner des overdoses : l’alcool, les benzodiazépines, les barbituriques, la cocaïne, entre autres.” Le médecin soutient que les mélanges de produits peuvent être particulièrement dangereux. “Par exemple, la prise concomitante d’alcool et de médicaments.”

Les signes

Certains signes permettent de détecter l’éventualité d’une overdose. “On va être interpellé par la présence de troubles de la conscience difficilement réversibles : malgré nos appels, nos stimulations (exemple, un pincement), ces troubles persistent et la personne ne se réveille pas de manière satisfaisante.” Parmi les signes physiques dans le cas d’une overdose aux opiacés tels que l’héroïne ou la morphine, on remarque que les pupilles sont serrées, fermées et sont peu réactives à la luminosité. “On dit qu’elles sont en myosis.” L’addictologue parle également d’une respiration ralentie, parfois même avec des pauses respiratoires. “C’est la dépression respiratoire.”

Les premiers soins

Sitôt ces signes observés, il faut agir en urgence. Quelques réflexes peuvent sauver une vie dans ces cas-là. S’assurer de la liberté des voies aériennes et placer la victime en position latérale de sécurité est encouragé si la personne a des troubles de conscience. “Il faut alors appeler les secours et la surveiller dans l’attente de leur arrivée. Si la personne est en arrêt cardio-respiratoire (pas de respiration, pas de pouls carotidien pendant plus de 10 secondes), on pratique un massage cardiaque en association à un bouche-à-bouche : on alterne 30 massages cardiaques avec 2 insufflations respiratoires.” Mais le temps qu’on a pour administrer un traitement avant que l’overdose ne soit fatale dépend de l’importance de celle-ci. En cas d’arrêt respiratoire, on ne dispose que de quelques minutes pour agir. “En l’absence de traitement adapté, les lésions peuvent être irréversibles et le décès peut survenir en quelques minutes”, dit le Dr Mété.

Quant à la prise en charge médicale, elle va débuter par l’évaluation de la profondeur du coma, la fréquence cardiaque, la pression artérielle et si le patient respire convenablement. “On élimine d’autres causes de coma comme l’hypoglycémie par la mesure rapide de la glycémie par voie capillaire.” Après quoi, les médecins tenteront de déterminer de quel type de substance il s’agit. “Si l’on suspecte une overdose d’héroïne, on administre en urgence de la Naloxone par voie intraveineuse ou par voie intranasale. Pour d’autres overdoses, on dispose quelquefois d’un antidote, comme le Flumazénil pour les benzodiazépines. On assure la ventilation du patient après libération des voies aériennes au masque avec un apport d’oxygène. En cas d’arrêt cardio-circulatoire, il sera procédé à un massage cardiaque, à une tentative de cardioversion (choc électrique externe) en cas de trouble de rythme sinon à l’injection d’adrénaline afin de stimuler la reprise de l’activité cardiaque. Si les troubles de la conscience sont profonds et non réversibles rapidement, le patient devra être placé sous respiration artificielle après intubation oro-trachéale.”

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