Du 17 au 19 mai, le Groupe A de Cassis/Lakaz A accueillera le premier week-end résidentiel destiné aux parents dont les enfants sont des toxicomanes. Avant cela, mi-avril dernier, du 12 au 14, l’ONG a démarré ses sessions annuelles de week-ends résidentiels, bâtis autour de l’estime de soi, la prise de conscience des valeurs et la découverte de l’individu avec une quarantaine de jeunes de 14 à 18 ans. Des mineurs, donc, pour la plupart.
Cadress Rungen, travailleur social, membre fondateur du Groupe A de Cassis et de Lakaz A, entre autres centres destinés aux abîmés de la société, explique : « initialement, nous avions des week-ends résidentiels avec les 18 à 25 ans. Mais ces dernières années, un sérieux rajeunissement de demandeurs d’écoute, d’aide et de soutien a été noté. Idem, ces jeunes viennent des quatre coins du pays, et non principalement des zones dites défavorisées et des poches de pauvreté. »
Le constat est grave et inquiétant : « Et au sortir de ces week-ends résidentiels, nous réalisons que ces jeunes éprouvent d’énormes difficultés, tant ils sont livrés à eux-mêmes, évoluant dans un univers qui va trop vite pour eux. Ils font beaucoup d’efforts pour s’adapter, c’est vrai. Mais au final, ils sont totalement paumés, largués… Et ce sur différents plans, ce n’est pas qu’une question spirituelle. Mais humainement et moralement, aussi, ces jeunes sont en quête d’écoute et de dialogue, afin de ne pas devenir des proies faciles des marchands de drogues. Pour finir comme délinquants, travailleuses du sexe et autres…»
Cadress Rungen assure, avec sa petite équipe de bénévoles, l’accueil, l’encadrement et l’animation de ces week-ends résidentiels qui se passent au Foyer Fiat, à Petite-Rivière. Une quinzaine de jours après la rencontre avec une cinquantaine de jeunes « venus de toutes les régions du pays, j’avais le cœur gros de constater à quel point nos jeunes sont perdus ! »
Tous ont cette immense soif d’amour, de compréhension, d’écoute et de dialogue. « Et ils ont tellement de talents chacun. En somme, ils ont déjà de quoi s’en sortir dans la vie, pour ne pas emprunter les mauvaises voies. Cependant, l’encadrement et l’orientation font défaut. Et c’est ce que nous leur proposons, selon nos humbles moyens », dit-il.
“Positive Peers”
Après les trois jours en week-end résidentiel, le travail ne s’arrête pas là. « En fait, c’est le commencement. À partir de ce premier contact, nous avons des rencontres régulières, la consolidation de nos unités de Positive Peers. » Dans la foulée, élabore le travailleur social, il y a des partages et des écoutes qui sont organisés. « Il y a de nombreux jeunes qui, par le biais du week-end résidentiel, nouent de nouvelles amitiés, découvrent des talents et des affinités. En somme, c’est à partir de là qu’ils commencent à trouver un véritable sens à leur vie et veulent, en toute légitimité, avancer dans cette nouvelle direction. Quoi de plus naturel ? »
Cadress Rungen ne cache pas sa détresse et ses inquiétudes à chaque rencontre avec les jeunes. « Avant de venir participer à un week-end résidentiel au Foyer Fiat, ces adolescents ne nous connaissent pas. Beaucoup ont simplement entendu parler du Groupe A de Cassis, de Lakaz A, de ce que nous faisons pour les toxicomanes, les Personnes vivant avec le VIH (PVVIH), les travailleuses du sexe, les sans domiciles fixes, et autres marginaux de la société. Certains nous approchent, ayant eu des contacts avec d’autres jeunes qui ont participé à nos activités et week-end résidentiels. D’autres sont conseillés, car évoluant dans des environnements précaires et sujets à d’éventuels pièges », confie-t-il. Et c’est ainsi que ces jeunes, de même que les parents, approchent l’ONG et s’enregistrent pour participer à un de leurs week-ends résidentiels.
Se découvrir et apprendre l’estime de soi
Durant ces trois jours, soutient-il, « nous commençons, déjà, par faire connaissance ». Mais pas de manière superficielle. « Il s’agit d’une expérience immersive et où, au détour des ateliers et travaux pratiques, nous allons nous mettre à l’épreuve et nous retrouver face à nous-mêmes, sans fard ni artifice. Une mise à nu intégrale, en acceptant de ne pas nous voiler la face et reconnaître nos travers et nos lacunes. » Tant pour ce qui est des jeunes que des parents, soutient Cadress Rungen, « une étape cruciale dans ce cheminement, c’est découvrir et comprendre l’estime de soi ».
Le 23 avril dernier, lors des débats à l’Assemblée nationale, à une interpelation du député du MMM Franco Quirin au ministre de la Santé, axé sur un projet de traitement à la de méthadone pour des jeunes toxicomanes de plus de 15 ans, Kailesh Jagutpal devait évoquer le fait que « l’addiction impacte l’estime de soi du jeune ».
Cadress Rungen prend la balle au bond : « À chaque fin de week-end résidentiel, que ce soit avec les parents ou les jeunes, nous sommes tous très tristes de nous quitter, après avoir passé des moments forts et partagé des expériences inoubliables, ensemble. » L’étape qui permet de déclencher toutes les émotions c’est quand « chacun, ado ou parent, réalise à quel point il n’éprouve pas ou très peu de sentiments, d’égards et d’amour envers lui-même ».
Bien qu’il soit engagé depuis sa jeunesse et qu’il consacre sa vie aux toxicomanes, le travailleur social retient que, sur les décennies qui se sont succédé les drogues ont fait des ravages indicibles sur la cellule familiale, et par incidence, sur la société. « C’est en maintenant ce travail auprès des malades des drogues, eux-mêmes, que nous avons découvert à quel point autour d’eux, leurs parents, leurs enfants, leurs proches souffrent. Se enn soufrans extraordiner ki pena mo. C’est pour cela que nous avons opté pour ce cheminement avec ceux qui consomment et qui sont accros aux drogues, mais aussi ceux qui gravitent, évoluent et vivent autour d’eux. »
Graduellement, sur ce parcours, Cadress Rungen et l’équipe d’animateurs et de bénévoles qui l’entoure disent avoir compris que ceux vivant dans l’enfer des drogues sont grandement impactés. « D’où nos week-ends résidentiels pour leur offrir un encadrement et une aide, une écoute et un partage qui ramènent l’espérance dans leur vie. »
Multiplication de demandes
Cadress Rungen avance d’ailleurs : « nous n’évoquons la drogue qu’en partie durant ces week-ends. L’essentiel de la thérapie concerne l’estime de soi, la découverte de ce que chaque personne a comme potentiel, aptitudes et talents. Mazorite letan, sa bann mama, papa, ser, frer, zanfan finn telma soufer ki zot inn perdi zot bann reper… C’est triste de rencontrer des personnes qui, à cause de concours de circonstances, se retrouvent dans de telles conditions. De fait, au cours de ces week-ends, nous réapprenons à vivre ensemble, partager des peines et des joies, tout comme des responsabilités et des tâches. C’est tout cet ensemble qui permet de retrouver goût à la vie et de se découvrir. »
Le travailleur social lance un appel vibrant aux autorités : « Nous sommes une ONG, avec des capacités limitées. Et la demande pour des week-ends résidentiels dans tous les coins du pays afflue. Nul n’ignore que les drogues brisent des familles et des foyers. Malgré toute notre énorme bonne volonté, nous ne pouvons répondre à autant de demandes. Nous pouvons offrir de la formation et encourager d’autres à emprunter cette même voie. »
Pour l’heure, ils poursuivent leurs activités en compagnie des jeunes, parents, toxicomanes, travailleuses du sexe, sans abri fixe et autres abîmés de la société qui ont grand besoin « d’amour, surtout d’écoute, et de savoir qu’ils ont un endroit où ils peuvent être reçus comme des êtres humains à part entière, sans aucune discrimination, quelle que soit leur condition ».
Campagne électorale : l’appel spécial
Cadress Rungen souhaite profiter que le pays se trouve, actuellement, en pleine campagne électorale. « Nous entendons, très souvent, dans les discours des politiques, qu’ils disent être très concernés et inquiets par ces drames quotidiens causés par les drogues. Je lance un appel spécial à tous les politiciens, de tous les partis. Si vous êtes sincèrement Committed et que vous souhaitez contribuer à aider ceux qui souffrent, allez vers eux.
Tendez leur la main et découvrez leurs réalités. »
Le travailleur social explique qu’à un certain moment, « nous avons eu un ou deux politiciens qui nous ont approchés et ont eu l’opportunité de nous accompagner dans nos rencontres avec les toxicomanes comme les parents, entre autres ». Ces personnes sont tombées des nues quand elles ont réalisé l’ampleur du problème. « De ce fait, j’invite tous ceux qui sont sérieusement intéressés à donner un coup de main dans ce travail à aller au-delà des documentations et des on-dit. Allez à la rencontre de ces personnes, ce n’est que de cette manière que vous comprendrez. »