- « Bann zenn an foli ! Des jeunes filles prennent de la méthadone ; d’autres, rejetées, dorment sous le kiosque du jardin de la Plaine-Verte »
Familles et travailleurs sociaux, inquiets de l’ampleur que prennent les abus et le trafic de drogue au quotidien, dans plusieurs régions du pays, montent au créneau. Ils disent être « alarmés par ce que nous voyons tous les jours. En l’occurrence comment de très jeunes enfants d’à peine 12 ou 14 ans, filles comme garçons, sont accros aux simik. » Ils dénoncent également que : « les marchands ont transformé des régions entières avec leurs armées de jockeys, martins, dealers et éclaireurs. Ena rezion nepli kapav rantre ! Les transactions se font au grand jour, au nez et à la barbe de la police. »
Pour ces interlocuteurs vivant dans divers quartiers et régions, la situation devient intenable. « Au quotidien, des usagers de drogues qui meurent. Ena pe fer overdoz ek simik ki tro for. On recense aussi des décès parmi leurs parents. Boukou inosan pe perdi lavi betman. » Familles et travailleurs sociaux disent « saluer les initiatives du nouveau gouvernement, qui a déclaré être très alarmé par les énormes dégâts causés par les drogues. Me 6 mwa inn pase, nou pa pe trouv naryen pe fer… Dimounn pe mor… » Fatigués et excédés, ils décrient : « alors, combien de temps encore allons-nous devoir attendre avant que des mesures concrètes et des structures soient mises en place ? Il faut bien commencer quelque part, un jour ou l’autre ! »
Ils disent être conscients qu’« une fois que la NADC débutera ses opérations, il y a une période de rodage, automatiquement ; pour que les personnes au sein de l’organisme et les unités qui seront appelées à fonctionner ensemble, dégagent une méthodologie, une synergie et qu’ils atteignent leur vitesse de croisière. Il faudra donc attendre ; encore ! Be entretan ? Nou bann zanfan pe mor ! Bann fami osi. Las de se battre, beaucoup baissent les bras. »
Un père de famille raconte comment « il y a quelques jours, je rentrais chez moi. Il faisait encore jour. Or, à quelques mètres de ma maison, des personnes de la localité m’ont fait stopper ma voiture. San okenn explikasion. » L’homme, fonctionnaire, explique qu’il a été contraint « d’attendre un bon bout de temps au volant de ma voiture, avant de pouvoir rentrer chez moi. » En discutant avec des « voisins et amis de mon entourage, j’ai compris que je n’étais pas le seul à avoir eu droit à ce traitement, et que je n’étais pas le premier à y avoir droit non plus ! » Ce qu’il a appris le sidère : « bann marsan-la ti ena trasaksion dan sa ler la… D’où le fait que ses gens à lui, qui opèrent comme éclaireurs, m’ont tenu à distance, le temps que le travail soit complété. »
D’autres voix abondent dans le même sens et dévoilent une nouvelle réalité ! « Dans les quartiers où l’on habite, on voit souvent des feux d’artifice dans le ciel, on entend éclater des pétarades… On pense automatiquement que ce sont des fans de foot qui font la fête ! Il y a aussi ces cortèges de motos qui passent à une vitesse folle et dont les véhicules ont ces gadgets qui font un tonnerre d’enfer quand ils passent… » Ces citoyens disent avoir appris « des travailleurs sociaux et même de certains qui sont proches des marchands de drogues, que tout ce micmac, c’est pour que les affaires se font ! »
Des travailleurs sociaux indiquent « kan ou trouv enn bann lor moto ki ale kouma fizet-la ek fer xtra bazar kan zot pase, seki zot pe al livre enn kargo vitvit avan ki lapolis debarke. Nous avons appris cela des bouches mêmes de ceux qui travaillent pour ces marchands. Ils expliquent comment une commande a été passée, et leur bourzwa leur a dit d’aller déposer une certaine quantité de drogues… Il faut alors faire très vite pour ne pas éveiller les soupçons des policiers.»
Et, sur ce point, justement, en citoyens engagés et responsables, certains ont pris leur courage à deux mains. « Nous nous sommes rendus, à des moments différents, parce que ce n’était pas une démarche collective, au poste de police. Nous y avons été bien accueillis. Nous avons consigné nos dépositions en bonne et due forme pour déplorer que des individus se permettent de prendre la loi dans leurs mains, d’arrêter des gens en pleine rue, leur intimer le silence, entre autres. Une fois cette étape passée, à notre grand étonnement, ces policiers nous ont dit de les accompagner dans les quartiers que nous avons évoqués dans nos dépositions. Pour quoi faire ? Identifier ceux que nous dénonçons… »
Ces pères et mères de familles disent « nous ne sommes pas dupes ! Nounn fini konpran zwe-la ! Des policiers qui se respectent savent que nous, citoyens, ne pouvons pas risquer de désigner, au grand jour, ceux et celles qui s’adonnent et sont complices du trafic, et mettre ainsi nos vies en péril. Donc, cette manœuvre est sciemment faite pour que nous nous rétractions et enlevions nos plaintes. » Familles comme travailleurs sociaux disent « saluer, certainement, l’engagement et la volonté renouvelée de l’actuel gouvernement en ce qu’il s’agit de la prolifération de la drogue. Cependant, nous trouvons que l’on perd trop de temps. »
« Les autorités doivent réagir, et vite ! »
Il y a urgence. Des pères et mères de famille, de différentes localités du pays, vivant en région urbaine autant que rurale, disent qu’ils « nepli kapav ! Lizour, lanwit, enn sel sinema : les drogues se vendent comme du petit pain. Des consommateurs, filles et garçons, font la queue. Entre-temps, les jockeys, martins et autres éclaireurs des marchands, font le guet et donnent les signaux. Ce sont les nouvelles tactiques des dealers. Qu’attendent les autorités pour réagir ? Il faut qu’elles réagissent, et vite !»
La conclusion aux travailleurs sociaux : « Pablo Escobar avait eu cette réplique tristement célèbre : il avait dit qu’il avait suffisamment d’argent pour gérer son pays… Nous ne voulons pas qu’on en arrive là à Maurice. Que l’argent sale infiltre toutes nos institutions et que notre économie soit gérée par la Black Money. Si un tel scénario se concrétise, notre pays sera condamné ! »
« Bann zenn an foli : des filles de 17 ans dorment sous le kiosque de la Plaine-Verte ! »
Dans cette banlieue de la capitale, refrain quasi identique chez ces personnes rencontrées : « tifi kouma garson, zot an foli ! Mais le plus grave, c’est qu’il y a des adolescents d’à peine 12 à 14 ans qui consomment le simik. C’est un très triste spectacle… Et quand on réalise que ces jeunes sont l’avenir de notre pays… Ki pou fer kan pou gagn 18-25 an ? »
Autre aspect préoccupant : « les kiosques du jardin de la Plaine-Verte sont inaccessibles ! Des adolescents et jeunes adultes, filles comme garçons sont venus squatter ces lieux. Zot paran inn pous zot depi dan zot lakaz. Alor zot vinn dormi la. Ek zot fer vilin tou par moman. » Ils disent que « à la nuit tombée, l’on voit des filles de 19-21 ans qui viennent dormir ici. C’est le même scénario dans les parages où se trouvent le Ti-Bazar et quelques autres endroits où il y a de l’espace pour dormir, comme les arrêts d’autobus. Ces jeunes filles, le matin nous les voyons attendre leur dose de méthadone dans les centres de dispensation. Fer leker fermal trouv sa kalite zenn inn tonbe-la. »
Des habitants lancent un appel aux autorités : « ce type de situation n’est certainement pas isolé, que sur Port-Louis. Nous suggérons au gouvernement de construire des abris pour ces jeunes. Mais il n’est pas question que de leur offrir un endroit où crécher. Ce serait plus indiqué d’avoir de bonnes structures qui soient mises en place, avec un encadrement, un personnel formé et un programme qui les aiderait à se reprendre en main. »
Ils ajoutent : « Certains de ces jeunes ont des emplois. Me zot pena okenn landrwa kot pou al pran enn bin, netway zot ek abiye. De fait, ces refuges pourraient être leur point d’ancrage, où ils viendraient, la nuit, prendre une douche et un repas, et dormir. Le matin, ils pourraient y prendre leur douche, manger un morceau et aller travailler. Souhaitons qu’il y ait des citoyens et des entreprises qui accepteront de soutenir ces half-way homes…»
Ces habitants soulignent : « nou kone laplipar ladan bann toksikomann aktif. Zot bizin zot doz, zot gagn yen. » Aussi, proposent-ils, « ces refuges pourraient développer des prestations parallèles, comme offrir des traitements de méthadone et/ou autres médicaments de substitution. » Petit à petit, souhaitent-ils, « ces jeunes pourraient retrouver un quotidien normal, des repères et un travail. »