Rapport de l’OPSG sur la MASA : Le bal des allocations avec la suspension du directeur coûtant plus de Rs 2 millions

Cette somme représente l'argent payé à plusieurs officiers pour agir en tant qu’Officer-in-Charge Rs 10,8 millions sous forme  de salaires et de compensation au directeur suspendu durant dix ans Une ex-PS du ministère des Arts reçoit 45% de Responsibility Allowance en plus de ce qui était recommandé par le Service Civil

La Mauritius Society of Authors (MASA) est en chute libre depuis plus de dix ans. La suspension de l’ancien directeur, Gérard Louise, a entraîné la société dans un marasme tant au niveau de la gestion que de la finance. Le rapport de l’Office of Public Sector Governance (OPSG) 2022 révèle ainsi que des sommes parfois colossales ont été payées à des officiers de la MASA et du ministère des Arts et du Patrimoine Culturel, pour assurer la suppléance. En parallèle, le directeur suspendu continuait à percevoir ses salaires mensuels, comme prévu par la loi, soit un total de Rs 10,8 millions en dix ans…

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Alors que la pension des artistes âgés de 60 ans et plus a été limitée à Rs 1 000 par mois et sera probablement supprimée à partir de juillet prochain, faute de fonds, force est de constater que la MASA a dépensé sans commune mesure  ces dernières années. Selon le rapport de l’OPSG 2022, tout a basculé à la société des droits d’auteur, depuis le départ de l’ancien directeur, Gérard Louise, en 2011. Celui-ci, rappelons-le, avait été suspendu suite à une plainte de complot, logée par Audrey Lamarque, représentante de Sony Music à Maurice. Elle lui reprochait d’avoir autorisé la reproduction de titres du catalogue de Sony Music sur une compilation, sans son autorisation. L’affaire dure en Cour depuis plus de dix ans.

Entre-temps, la MASA a dépensé beaucoup d’argent. Pour la période de 2016 à mai 2022, pas moins de sept personnes ont été appelées à assumer le rôle d’Officer-in-Charge. Il faudra aussi compter ceux qui étaient là de 2011 à 2015, dont le rapport de l’OPSG 2022 ne fait pas mention. On relève ainsi que des officiers de différents grades de la MASA, du ministère des Arts et du Patrimoine culturel, ainsi qu’un président du Board, ont assumé à tour de rôle la responsabilité d’Officer-in-Charge.

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Dans ce dernier cas, le cumul des fonctions était même en totale contradiction avec le National Code of Corporate Governance for Mauritius de 2016. Or, il a été en poste de janvier à août 2016. Ce n’est pas la première fois que la Chairperson du conseil d’administration assure aussi le poste d’Officer-in-Charge. C’était également le cas en 2012.

Rs 207 000 à la PS

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Le président ayant cumulé les fonctions en 2016 a perçu une Responsibility Allowance de Rs 16 625 par mois. Il a été en poste pendant six mois, ce qui fait un total de Rs 133 000. Plus surprenant, la Permanent Secretary (PS) du ministère des Arts et du Patrimoine culturel, sous lequel opère la MASA, a aussi perçu une Responsibility Allowance en tant qu’Officer-in-Charge. Elle a assumé ce rôle de juillet 2018 à mars 2019, soit neuf mois. Pour cela, elle avait droit à une allocation de Rs 23 000 par mois. Soit un total de Rs 207 000.

Or, selon les observations de l’OPSG, ce montant a été revu à la hausse par rapport aux recommandations du ministère de la Fonction publique, et la PS aurait reçu 45% de plus. On peut ainsi lire dans le rapport : « The Ministry of Civil Service and Administrative Reforms (MCSAR) has conveyed its approval for the payment of a monthly ad-hoc allowance of Rs 15 840 to the then PS, subject to availability of funds. »

Toutefois, poursuit le rapport : « The Board has overlooked the quantum of ad-hoc allowance advised by the MCSAR and has instead approved a monthly allowance of Rs 23 000. The Board did not consider the financial situation of the Society before approving an additional amount of Rs 7 160 which is 45% higher than that approved by the MCSAR.»

C’est donc le conseil d’administration de 2018 qui a pris la décision d’accorder une Responsibility Allowance de Rs 23 000 au lieu de Rs 15 840. Prenant en considération que l’OPSG a recommandé à la MASA de réclamer le remboursement des trop-perçus à deux de ses officiers, la question reste posée si l’ex-PS/OIC sera aussi appelée à rembourser le paiement en excès de sa Responsibility Allowance.

Rappelons qu’une interpellation parlementaire adressée par le député Fabrice David, au ministre des Arts et du Patrimoine Culturel, Avinash Teeluck, à ce sujet, demeure toujours sans réponse à ce jour. Idem pour la requête de Le-Mauricien transmise au même ministère il y a une semaine.

Outre l’ancien président et l’ancienne PS, cinq Officers de la MASA ont aussi assumé le rôle d’Officer-in-Charge (OIC) ces dernières années. De septembre 2016 à mars 2017, un Senior Officer et une Management Support Officer, ont conjointement agi comme OIC, avec une allocation mensuelle de Rs 2 325 chacun. Soit un total de Rs 16 275 chacun pour cette période.

En avril 2017, le Senior Officer a assumé seul ce poste et a perçu une allocation de Rs 49 535 pour cela. De mai 2017 à mai 2018, c’est un Membership and Repertoire Officer qui a agi comme OIC. Il a perçu une Responsibility Allowance de Rs 3 675 mensuellement, soit Rs 49 535 pendant un an. De juillet 2018 à mars 2019, c’est la PS du ministère qui était en poste.

Le plus gros morceau date d’avril 2019 à mai 2022, où la Finance Officer a été OIC, avec une Responsibility Allowance de Rs 45 320, soit un montant total de Rs 1,676,840.

Absence de leadership

Pour ces différentes nominations à la tête de la MASA  entre 2016 et mai 2022, la MASA a dépensé une somme de 2,143,025. En parallèle, étant donné que l’affaire Gérard Louise perdure et qu’il n’a pas été désigné coupable des faits qui lui sont reprochés, jusqu’ici, il a continué à percevoir ses salaires chaque mois. C’est la procédure en vigueur dans le Service Civil. Selon le rapport de l’OPSG 2022, il a perçu un montant total de Rs 10,8 millions de 2011 à juin 2021, en termes de salaires et compensations.

La valse des Officers-in-Charge a également eu des répercussions sur la gestion de la société. L’OPSG fait mention d’un manque de leadership. Le rapport mentionne : « Several officers from different grades have been appointed to act as Officer-in-Charge, for a short-term period. The absence of good leadership has resulted in the actual chaotic financial situation of the Society. »

À ce jour, ni le ministère des Arts et du Patrimoine culturel, ni les différents Boards successifs n’ont pu remédier à cette situation à la MASA. Il faut ajouter à cela que cette société est minée par une guerre des clans à différents niveaux. C’est dans ce contexte que l’ancien ministre Mookhesswur Choonee était venu avec un projet de loi, faisant en sorte que le ministère ait un certain contrôle sur la MASA. Sauf que cela posait un gros problème sur le plan démocratique, dans le sens où il n’y avait plus de membres élus, alors que ce sont les artistes qui contribuent au financement de la MASA, au-delà du budget alloué par le gouvernement.

Maintenant que l’OPSG a mis en lumière tous ces manquements et bien d’autres, l’actuel Board aura la tâche ingrate de chercher des solutions pour redresser la barre. Le recrutement d’un directeur temporaire, en la personne de Michael Veeraragoo n’a pas permis de mettre en pratique la totalité des recommandations de l’OPSG, puisque celui-ci a démissionné en novembre 2022. À ce sujet, le président de la MASA, Gérard Louis, a tenu à préciser que le départ de Michael Veeraragoo n’est pas lié au rapport de l’OPSG. Sa démission, a-t-il souligné, est due au fait que son contrat était sur une base mensuelle.

Quant au recrutement d’un nouveau directeur à plein temps, ce n’est pas d’actualité, pour le moment. Au-delà de la bonne gouvernance, il faudra sans aucun doute, un élan de solidarité et le dépassement des ego des uns et des autres, à différents niveaux, pour redonner à la MASA, ses lettres de noblesse.

 

Une réaction toujours attendue

Le député Fabrice David, porte-parole des artistes à l’Assemblée nationale pour le Parti travailliste, avait adressé deux interpellations parlementaires concernant la MASA, au ministre Avinash Teeluck. Malheureusement, celles-ci n’ont pu être soulevées lors des séances respectives et une réponse en écrit est toujours attendue. Soulignons également que contrairement à ce que disent certains membres du Board sur les réseaux sociaux, Le-Mauricien avait bien sollicité le président de la MASA, ainsi que le ministère des Arts et du Patrimoine culturel, concernant l’article sur le remboursement des trop-perçus par deux officiers ayant agi comme OIC.

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