L’Office of Public Sector Governance (OPSG), opérant sous la tutelle du ministère des Service financiers et de la Bonne gouvernance, a relevé un cas d’Overpayment à deux officiers ayant agi comme Officer-in-Charge à la Mauritius Society of Authors (MASA) ces dernières années. L’une des recommandations de ce bureau est de réclamer le remboursement des trop-perçus aux officiers concernés. Alors qu’une lettre leur avait été envoyée à ce sujet, le conseil d’administration de la MASA a décidé d’annuler cette réclamation. Des excuses ont même été présentées aux principaux concernés…
Le rapport 2022 de l’OPSG concernant la MASA est des plus critiques. Plusieurs manquements au niveau de la gestion, de la collection des droits d’auteurs et de la distribution des royalties, notamment, ont été relevés. Mais ce qui fait le plus de bruits depuis derniers mois, c’est le fait que deux employés de la société, ayant agi comme Officer-in-Charge, en l’absence du directeur, suspendu de ses fonctions depuis 2011, ont été surpayés en terme Responsibility Allowance. Dans l’un des cas, l’allocation mensuelle dépassait même le salaire de base de l’officier concerné.
Pour corriger tous ces manquements, l’OPSG avait élaboré un plan d’action, avec des recommandations à appliquer pour chaque item. Le document mentionne que la MASA a effectivement déjà pris certaines initiatives en vue de se conformer aux demandes du bureau opérant sous le ministère de la Bonne gouvernance. Concernant la Responsibility Allowance, l’OPSG a fait deux recommandations : d’une part, s’assurer qu’à l’avenir, la Responsibility Allowance soit payée en conformité avec les recommandations du PRB et, d’autre part, de faire le nécessaire pour le remboursement des sommes payées en excès.
Il nous revient que c’est justement pour mettre en pratique toutes ces recommandations de l’OPSG qu’un directeur temporaire, en la personne de Michael Veeraragoo, avait été recruté en septembre 2021. Car le rapport faisait également mention d’un problème de leadership à la société depuis le départ de Gérard Louise, en 2011. Celui-ci, rappelons-le, avait été suspendu de ses fonctions suivant une plainte logée par Audrey Lamarque, représentante de Sony Music à Maurice, qui lui reprochait d’avoir autorisé la reproduction de chansons du répertoire de Sony sur le territoire mauricien sans son accord.
Or, la question de remboursement des trop-perçus sous la Responsibility Allowance est vite devenue un point de litige entre le directeur temporaire et le board de la MASA. Ce qui a précipité le départ de Michael Veeraragoo en novembre 2022. Son contrat initial de six mois, renouvelable, étant devenu un contrat mensuel l’a poussé à jeter l’éponge.
Quatre mois après son départ, le board de la MASA a pris la décision de ne pas aller de l’avant avec le recouvrement. Dans une lettre adressée à la Finance Officer, en date du 28 mars 2023, l’actuel Officer-in-Charge écrit : « The Board at its meeting held on 24 March 2023, has agreed to disregard the letter dated 28 October 2022 under the hand of Mr M. L. Veeraragoo, former Temporary Director, regarding recovery of the responsibility allowance paid to you in the past. The inconveniences caused are deeply regretted. »
Ce revirement de situation a provoqué la frustration parmi les employés de la MASA et la colère des artistes membres de la société, qui contribuent financièrement à la gestion à travers un Administrative Fee prélevé sur leurs droits d’auteur. Car cette affaire d’Overpayment impliquant la Finance Officer elle-même est si énorme que d’aucuns se demandent comment la MASA, dont les finances sont régulièrement dans le rouge, a pu tirer un trait dessus aussi facilement.
Dans les faits, l’OPSG dit à ce sujet : « It is noted that the basic salary of the Finance Officer is Rs 38 350 (April 2021) and she is being paid a responsibility allowance of Rs 45 320 as Officer-in-Charge of MASA, which far exceeds her basic salary. In Financial Year 2019/2020, she has been paid over Rs 500 000 as responsibility allowance. As the Financial Officer is not performing the full duties of the Director, paragraphs 18.10.7 and 18.10.8 of PRB Report 2016 are not applicable. Hence, the responsibility allowance has been wrongly computed. »
Et ce n’est pas tout. D’autres manquements ont encore été relevés en ce qui concerne le Financial Reporting. Il est mentionné qu’entre 2013 et 2017, la Finance Officer a obtenu la Responsibility Allowance pour assumer le poste de comptable, mais le bilan financier a été confié à une firme de consultants. Le rapport de l’OPSG indique : « during the period 2013 to 2017, the Finance Officer was drawing a monthly responsibility allowance for shouldering additional responsibilities which was computed as follows : 80% of the difference between the basic salary drawn by the Accountant and her basic salary. » En d’autres mots, elle a perçu Rs 12 480 en plus mensuellement en 2013.
Toutefois, elle n’est pas la seule à avoir profité d’une telle situation. Le rapport de l’OPSG mentionne deux officiers qui ont été surpayés alors qu’ils assumaient le poste d’Officer-in-Charge. Tout a commencé avec un Senior Officer qui n’était pas satisfait du montant de la Responsibility Allowance qui lui était payée. Il en a fait part au responsable des ressources humaines, qui a cherché l’avis du ministère du Travail. Après des discussions à plusieurs niveaux, l’aval a été donné pour qu’il soit rémunéré selon les dispositions du PRB.
Or, l’OPSG est d’avis que là également, l’allocation a été mal calculée, car le Senior Officer n’assumait pas pleinement le rôle de directeur. Le rapport indique : « The basic salary of the SO was Rs 30 950 (April 2017) and he was paid a responsibility allowance in November 2018 which represents 160% of his basic monthly salary. »
Cette affaire a également été soulevée lors de la dernière assemblée générale de la MASA, qui s’est tenue dans une ambiance très houleuse. Une plainte a également été logée à l’Independant Commission against Corruption (ICAC) et plusieurs personnes ont déjà été entendues à ce sujet. Sollicité sur cette affaire récemment, le président de la MASA, Gérard Louis, avait indiqué qu’il préférait laisser les institutions enquêter et faire la lumière à ce sujet.
Sollicité de nouveau concernant la décision de ne pas aller de l’avant avec la demande de remboursement des paiements en excès, il a avancé qu’il devait d’abord vérifier s’il pouvait s’exprimer sur la question. Le-Mauricien a également pris le soin de contacter le ministère des Arts et du Patrimoine culturel. Deux questions ont été adressées par courriel sur demande. Toutefois, aucun retour jusqu’ici.
Fabrice David : « Une affaire très grave »
Cette situation à la MASA intéresse particulièrement le député Fabrice David, porte-parole des artistes à l’Assemblée national pour le Parti travailliste. Sollicité à ce sujet, il déclare : « Pour la rentrée parlementaire du 28 mars, j’ai adressé une PQ référencée B/93 au ministre des Arts et du Patrimoine culturel sur le rapport de l’OPSG 2022 au sujet de certaines malversations au sein de la MASA. Ma question parlementaire n’a pu être soulevée lors de la séance du jour et je constate que plus de 15 jours après, le ministre Teeluck n’a toujours pas déposé sa réponse écrite à l’Assemblée nationale. »
Il poursuit : « Cette affaire est grave, car l’OPSG, qui œuvre sous la tutelle du ministère des Services financiers et de la Bonne gouvernance, est censée agir comme le bras technique de la bonne gouvernance au sein de nos institutions, et son dernier rapport met en lumière le fait que deux officiers séniors de la MASA auraient reçu des rémunérations anormalement élevées et non conformes aux recommandations du PRB. »
Ainsi demande-t-il : « Qu’ont fait les ministres Teeluck et Seeruttun depuis qu’ils ont été informés de ces malversations ? Pourquoi les recommandations de l’OPSG demandant le remboursement des trop-perçus n’ont-elles pas été mises en application par le board de la MASA ? Y a-t-il une enquête initiée par l’ICAC suite aux révélations de l’OPSG et, si oui, avec quelles retombées ? Autant de questions qui restent à ce jour sans réponse et qui alimentent encore plus l’opacité qui caractérise ce gouvernement. »
Officier juge et partie
La question de bonne gouvernance à la MASA n’est pas remise en cause uniquement sur le plan financier. Depuis peu, l’un des officiers incriminés dans le rapport de l’OPSG s’est vu attribuer une nouvelle responsabilité… Celle de rédiger les réponses aux questions parlementaires. Le comble de la situation est qu’il y avait justement une question le concernant, soit celle de Fabrice David, pour la séance du 28 mars. Et ce n’est pas tout : l’officier était également convoqué au ministère des Arts et du Patrimoine culturel vendredi, alors que nous attendions toujours une réponse du ministère à nos questions envoyées la veille. De plus, Fabrice David a adressé une nouvelle question au ministre Teeluck pour la prochaine séance parlementaire. Elle concerne cette fois le paiement d’une pension aux artistes membres âgés de 60 ans et plus.