Education: face aux défis démographique et de la mutation économique

Le tout dernier rapport de Statistics Mauritius sur l’éducation de septembre 2025 dresse un état des lieux contrasté. Alors que le nombre d’élèves diminue dans les écoles pré-primaires, primaires et secondaires, le secteur tertiaire poursuit sa progression. Derrière ces chiffres se dessinent les grandes lignes d’un système éducatif en mutation, confronté à la fois aux défis démographiques, aux écarts de réussite entre filles et garçons, et à la nécessité de mieux arrimer formation et besoins économiques.

Recul des effectifs à la base

Le pré-primaire, première marche du système éducatif, affiche un tassement inquiétant. En 2025, on compte 26 704 inscrits, soit une baisse de 2,9 % par rapport à 2024 (27 495). Le nombre d’établissements recule également, passant de 818 à 801. Le taux brut de scolarisation des enfants de 4-5 ans, qui avait atteint 106,6 % en 2024, chute à 103,0 % en 2025. Si le ratio élèves/enseignant demeure stable (14 élèves par éducateur), la tendance démographique pourrait à terme fragiliser l’offre et accentuer les disparités territoriales.

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Au primaire, la même dynamique se confirme. Les effectifs chutent à 82 974 contre 84 530 en 2024, après un pic de 89 001 en 2023. Le taux brut de scolarisation recule légèrement (106,3 % contre 107,4 %). Pourtant, le réseau s’étoffe avec 344 écoles (+2). Les performances au PSAC 2024 restent correctes avec 79,5 % de réussite, mais révèlent un écart notable : 82,2 % chez les filles contre 76,8 % chez les garçons.

Secondaire : des résultats en baisse

Au secondaire, la contraction est continue depuis 2020. En 2025, 92 503 élèves y sont inscrits (-2,4 % par rapport à 2024). Pourtant, les moyens humains progressent : 8 986 enseignants (+145), soit un ratio de 10 élèves par enseignant. Mais ces conditions favorables n’empêchent pas un recul des résultats.

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  • National Certificate of Education (NCE) 2024 : 69,5 % de réussite contre 74,6 % en 2023. Les filles (73,6 %) devancent nettement les garçons (65,3 %).
  • School Certificate (SC) 2024 : 72,7 % contre 73,7 % l’année précédente.
  • Higher School Certificate (HSC) 2024 : 78,9 % contre 84,4 % en 2023.

Ces baisses traduisent une fragilité post-pandémie et posent la question de l’efficacité des dispositifs de remédiation mis en place.

La réforme structurelle poursuit néanmoins son cours. Le Foundation Pathway in Learning and National Skills (FPLNS) s’installe comme une nouvelle voie de certification (NC2) pour les élèves échouant au PSAC. Ce dispositif de trois ans vise à réduire l’exclusion scolaire. Le « Grade 9+ », introduit après la Nine-Year Continuous Basic Education, s’éteindra progressivement, dernière cohorte prévue en 2025.

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TVET : la désaffection persiste et demande croissante pour la SEN

Le secteur technique et professionnel, pourtant crucial pour l’économie, connaît une chute de fréquentation. En 2024, seuls 7 585 jeunes étaient inscrits au MITD, contre 8 730 en 2023, soit une baisse de 13,1 %. Près des trois quarts sont des garçons (73,4 %). La répartition reste équilibrée entre formation à plein temps (36,2 %), à temps partiel (34,0 %) et apprentissage (29,8 %). Cette tendance interroge alors même que les secteurs productifs réclament davantage de techniciens et d’artisans qualifiés.

Qunat à l’éducation spécialisée (Special Education Needs – SEN) elle affiche une progression constante. En 2025, 2 929 élèves y sont inscrits (+2,8 % en un an), dont 70,6 % de garçons. Le réseau comprend 80 écoles (12 publiques et 68 gérées par des ONG ou autorités privées). Les profils dominants sont les déficiences intellectuelles et troubles d’apprentissage (35,5 %), suivis des troubles du spectre autistique (24,1 %) et des difficultés de communication et de langage (7,6 %). Le personnel encadrant a également augmenté de 9,6 %, pour atteindre 1 041 professionnels.

Tertiaire : une massification réussie

Le tertiaire constitue la grande réussite de ces dernières années. Avec 51 860 inscrits en décembre 2024 (+3,7 % en un an), le secteur atteint un taux brut de scolarisation de 54,9 % chez les 20-24 ans, en hausse significative par rapport aux 49,2 % de 2023. La majorité (84,3 %) étudie à Maurice, dont 57,6 % dans les institutions publiques et 26,7 % dans les privées. Seuls 15,7 % partent à l’étranger, contre 20 % il y a quelques années. Ce mouvement traduit un renforcement de l’offre locale et une meilleure reconnaissance internationale des diplômes mauriciens.

 

Les enjeux immédiats

Face à ces évolutions, les priorités pour les années à venir se dessinent clairement :

  • Relever les acquis au secondaire par des programmes de remédiation et de soutien individualisé.
  • Réduire l’écart filles/garçons, en particulier dans les matières scientifiques et techniques.
  • Redonner de l’attractivité à la filière TVET, par des passerelles solides vers l’emploi et des campagnes de valorisation.
  • Soutenir le pré-primaire, en consolidant l’accès et en comblant le retard numérique.
  • Renforcer l’inclusion dans le SEN, avec plus de ressources spécialisées et un accompagnement accru des familles.
  • Adapter la carte scolaire aux réalités démographiques et territoriales.

À la croisée des chemins, le système éducatif mauricien conserve des atouts indéniables : un encadrement renforcé, une université en expansion et une volonté d’inclusion. Mais les reculs observés aux examens nationaux et la désaffection du technique rappellent qu’il faudra conjuguer rigueur, innovation et équité pour que l’éducation reste un véritable levier de mobilité sociale et de compétitivité nationale.

 

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Numérique : de bons taux d’équipement, mais un pré-primaire en retrait

La question du numérique reste centrale dans l’évaluation de la qualité éducative. Selon le rapport, la quasi-totalité des écoles primaires et secondaires est équipée d’ordinateurs (100 %) et dispose d’une connexion internet accessible aux élèves (86 % au primaire et 93 % au secondaire). Cela traduit un effort significatif des autorités et témoigne de la volonté d’intégrer les nouvelles technologies dans l’apprentissage quotidien. De plus, l’accès au numérique devient un levier incontournable pour soutenir l’enseignement à distance, favoriser la recherche, et développer les compétences digitales des jeunes.

Cependant, le pré-primaire accuse un retard marqué : si 83 % des établissements disposent d’ordinateurs, seuls 43 % offrent une connexion internet utilisable par les élèves. Cet écart traduit une fracture numérique dès les premières années de scolarité, alors que les études internationales montrent que l’initiation précoce aux outils numériques favorise les apprentissages fondamentaux (langage, logique, créativité). La question n’est donc pas seulement technique mais aussi sociale, car l’inégalité d’accès au numérique peut creuser les disparités de réussite scolaire entre les enfants issus de milieux favorisés et ceux des familles plus modestes.

À cela s’ajoute un autre défi : l’usage pédagogique des équipements. Car si la disponibilité des ordinateurs est acquise dans les écoles publiques, leur intégration dans les pratiques d’enseignement reste inégale. Beaucoup d’enseignants réclament davantage de formations continues pour exploiter le numérique comme un outil de différenciation et de remédiation, notamment face aux baisses de performance constatées au secondaire. Le rapport suggère ainsi que le numérique doit passer du statut de simple infrastructure à celui de véritable culture éducative, avec des contenus et méthodologies adaptés.

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Budget : un effort constant, mais déséquilibré

L’État consacre 8,3 % de son budget 2025/26 à l’éducation, en légère hausse par rapport à 2024/25 (8,0 %). En termes de montants, les crédits alloués atteignent environ Rs 24,2 milliards, contre Rs 22,5 milliards l’an dernier. Dans la ventilation, le secondaire absorbe 47 % des ressources (soit près de Rs 11,4 milliards), suivi par le primaire avec 22,4 % (environ Rs 5,4 milliards), et le tertiaire avec 9,4 % (près de Rs 2,3 milliards). Le pré-primaire ne reçoit que 4,5 % (environ Rs 1,1 milliard), et le secteur technique (TVET) à peine 2,4 % (près de Rs 580 millions). Le reste, soit 14,3 %, couvre les services administratifs, le soutien aux enseignants et les projets spéciaux.

Si l’effort budgétaire global reste stable, la répartition interroge. Les maillons faibles du système – pré-primaire et formation technique – ne bénéficient que de moyens limités, alors qu’ils sont essentiels pour renforcer les acquis dès le départ et répondre aux besoins du marché de l’emploi. En revanche, le poids du secondaire traduit la volonté de consolider le cœur du système et de soutenir la Nine-Year Continuous Basic Education.

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