Dans la conjoncture préélectorale et face à l’inaction des autorités, le bloc des collèges privés ira à la rencontre des partis politiques dans l’espoir que leurs griefs soient enfin entendus. C’est ce qui ressort de la conférence de presse de la Federation of Union of Managers of Secondary Schools (FOM) organisée hier après-midi et réunissant plusieurs représentants de collèges privés confessionnels et non confessionnels, ainsi que de la Parents’ Teachers Association. D’ailleurs, une fédération réunissant toutes les PTA des écoles privées sera prochainement créée. Tous dénoncent la mauvaise gestion et l’ingérence de la Private Secondary Education Authority (PSEA) dans les Day-to-Day Operations des collèges privés.
« L’heure est grave », selon la FOM qui, avec le soutien des associations de parents d’élèves, a décidé d’ouvrir le dialogue avec tous les partis politiques au sujet de l’avenir des collèges privés et de l’éducation. « Au niveau du SeDEC, la majorité pense que la gestion de la PSEA est un empiétement sur nos collèges ! » s’insurge Jimmy Harmon, membre de la FOM et Head of Secondary du SeDEC. Une menace qui ne peut durer, selon Ramdass Ellayah, président de la FOM et manager du collège Bhujoharry. « C’est la deuxième fois que nous nous réunissons ici. La première conférence de presse s’est tenue le 8 novembre 2021 et nous évoquions déjà la menace de la survie des écoles privées », déclare Jimmy Harmon.
À l’époque, les dirigeants des écoles privées du pays présageaient le pire, dénonçant entre autres la suppression des subventions, le système d’admission des élèves et la mainmise de la PSEA sur la pédagogie. « Après trois ans, nous vous disons aujourd’hui que ce n’est plus qu’une menace. La situation est très grave », affirme Jimmy Harmon, en ajoutant que « nou oblize tourn nou ver seki pou pran lavnir nou pei. »
Jimmy Harmon a ainsi expliqué que les choses ont empiré ces trois dernières années et que « tout le mal vient du nouveau mécanisme de Grant » mis en place. Il a souligné que si au départ il s’agissait surtout d’une question de financement, désormais, « c’est bien plus grave et ce mécanisme de Grant rend le management impossible ». Il a ainsi cité l’exemple de manuels scolaires. « Le 6 octobre 2023, nous avons reçu une lettre de la PSEA nous demandant de soumettre notre budget le 10 novembre 2023 », a-t-il indiqué. Les établissements privés ont donc eu un mois uniquement pour préparer et soumettre leur budget d’un an.
Jimmy Harmon souligne, par ailleurs, que si concernant l’achat de manuels scolaires, les collèges ont finalement pu repousser le délai jusqu’au mois de décembre, ces derniers ont dû se démener pendant cette période de fin d’année auprès des commerçants pour avoir trois cotations. « Nous avons tout soumis pour finalement obtenir une réponse de la PSEA le 10 mai 2024 pour acheter des manuels, alors que nous sommes déjà au deuxième trimestre ! », dit-il. En sus des conséquences de ce retard sur l’apprentissage des enfants, la PSEA n’a pas accepté la requête des collèges de proposer une nouvelle liste de manuels, d’autant que la plupart des livres cités dans la liste originale ne sont plus disponibles sur le marché.
Une autre incohérence relevée par Jimmy Harmon concerne les classes en ligne. « Depuis 2019, nous savons que les écoles ferment leurs portes pendant les périodes de fortes pluies et tous les collèges privés ont basculé sur l’enseignement en ligne. Ce n’est que cette année, le 30 janvier, que le ministère de l’Education décide d’émettre un communiqué pour annoncer officiellement que nous devons passer en mode en ligne. Le 6 mai 2024, les recteurs sont convoqués pour apprendre que les collèges doivent tous passer par le Google Classroom pour leurs cours en ligne », ajoute-t-il. Une mesure imposée, alors que nombre de collèges privés a déjà mis en place leur propre système d’enseignement en ligne.
Jimmy Harmon a aussi regretté le fait que même si les nouvelles mesures mises en place, dont l’obligation de détenir un PGCE pour enseigner, sont bénéfiques pour les enseignants, cette démarche constitue un problème pour le management qui fait actuellement face à un problème de manque d’enseignants. « Nous n’avons pas le droit de recruter les Degree Holders… alors que chaque année, de nombreux diplômés sortent de l’université pour entrer sur le marché de travail et que nous devons faire face à des problèmes de shortage. »
Il a aussi relevé les lacunes de la nouvelle formule adoptée par les autorités pour l’Extended Programme. « 40% seront School-Based et 60% seront des examens, sauf que nous ne savons toujours pas comment cela va se passer en pratique », regrette-t-il.
Basheer Taleb, membre de la FOM et conseiller auprès des collèges Islamic, a exprimé sa colère. Expliquant le fonctionnement des collèges privés, il regrette le manque d’égard des autorités les concernant. « Il n’y a pas de considération du tout sur la qualité de l’éducation, il n’y a aucune visite de la PSEA ! » Il est catégorique : « nous allons vers la fermeture et vers l’école unique. Je vois cela venir dans cinq ans si la situation perdure. Et la disparition de ces collèges privés à petit feu, ce sont les enfants de la République qui brûlent à petit feu. »
Oodesh Bhowon, Manager d’Universal Manager, est d’abis que « la nouvelle Grant Formula est the final nail in the coffin ». Il a cité plusieurs exemples, allant de la limite imposée de médailles par la PSEA pour le Sports Day du collège, au refus de financer une pompe à eau endommagée.
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Une fédération des associations de parents d’élèves bientôt créée
Diana Ami, présidente de la PTA du collège Saint Joseph n’a pas mâché ses mots. « Cela me donne froid dans le dos d’entendre tout ce qui se dit. La plupart des subventions ont été coupées. Nous disons que l’éducation est gratuite mais au vu de tout ce que la PTA doit payer, j’en doute », déclare-t-elle.
« Ce n’est pas normal ce n’est qu’en avril les enfants reçoivent leurs livres. Autre exemple, l’an dernier, la PSEA a sorti un communiqué pour dire que nouse devrions pas faire des examens à telle date alors que le calendrier avait été établi depuis janvier. Est-ce que le directeur de la PSEA ne se soucie pas des enfants ? Et des parents qui ont pris des congés pour accompagner leurs enfants ? » se demande-t-elle.
Elle s’indigne aussi du fait que la PSEA ne finance plus les collèges pour les travaux de maintenance, « alors que nous savons très bien qu’il y a la dengue, ou encore la leptospirose ». Ketchia Victorine, présidente de la PTA du collège Bhujoharry LTK, regrette que finalement ce soient les parents qui doivent tout prendre en charge. Même son de cloche du côté de Vikash Muthy, membre de la PTA de l’Universal College.
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TÉMOIGNAGE D’UN PARENT — Danielle Marandel : « Pas de bus d’école pour les enfants qui habitent Flacq »
« Nous sommes victimes d’une forme de discrimination déguisée, car nos enfants ne sont pas traités comme les enfants d’autres collèges », lance Danielle Marandel, mère d’un élève du collège Lorette de Bambous-Virieux. Cette dernière confie que leurs enfants doivent étudier dans des conditions pas correctes, par faute de moyens.
« D’ailleurs, depuis des mois, nos enfants n’ont plus de bus d’école sur la ligne Flacq. C’est inadmissible, car ils doivent attendre des heures avant d’obtenir un bus pour rentrer, parfois à des heures tardives. En hiver, il fait déjà nuit à 18h et cela n’est pas prudent. Nous lançons donc un appel pour mettre à la disposition des élèves du Lorette de Bambous Virieux un autobus supplémentaire », supplie cette mère de famille.